Les habitants du domaine Osmani Mustapha (ex-La Madeleine), appelé communément Haouch Chouillou (du nom du colon qui l'occupait), situé à un kilomètre du centre de Chebli (wilaya de Blida), à la sortie ouest, ont fermé, lundi dernier, la route Chebli-Boufarik à la circulation pour exprimer leur colère et leur désespoir lorsque un huissier s'est présenté avec la décision d'expulsion de quatre locataires et la démolition de leurs demeures. «Les quinze autres familles subiront le même sort les jours à venir», nous dit un homme sur les lieux. Les locataires de cette ferme mettent en doute l'authenticité des actes de propriété. Les arguments qu'ils présentent (avec documents à l'appui) sont parfois troublants : l'affaire remonte à 2002 quand l'EAC n° 7 de 32 hectares fut rachetée par Fodil Mohamed d'un groupe de «propriétaires», les Bellili. Ces derniers avaient acquis un terrain d'une superficie globale de 74 ha (acte de vente daté du 13/4/1963 contracté avec le colon français M. Chouillou). Notons que l'arrêté 03/62 du 23/10/1962 interdit tout achat de terre des colons français. D'autre part, il est mentionné, dans ledit acte, le passage de la voie ferrée dans la propriété en question, alors que le rapport remis par l'huissier (en l'occurrence Me Belerka Abdelkrim, chargé de vérifier la véracité de l'information) déclare qu'«aucune voie ferrée ne passe par le terrain qui lui est désigné par le tribunal de Boufarik». L'acte de vente établi entre le groupe Bellili et le sieur Fodil Mohamed ne précise pas avec exactitude l'emplacement du terrain en question. Il est mentionné uniquement qu'«il se trouve sur le territoire de la commune de Chebli» (source : procès-verbal établi par Me Merabet Abdelkader, huissier de justice, le 22/7/2006). La question que les habitants du domaine Osmani Mustapha se posent est : «Est-ce que l'acte de propriété présenté par le nouveau propriétaire concerne vraiment leur EAC ? N'y aurait-il pas méprise sur l'emplacement du terrain ‘‘acheté'', d'abord par les Bellili, puis acquis par Fodil Mohamed, puisque la ligne de chemin de fer mentionnée sur l'acte n'existe pas sur la parcelle en question et que les limites de la propriété ne sont pas précises ?» En cette journée pluvieuse de lundi, quatre familles ont été jetées à la rue et leur demeure démolie sous leurs yeux. Des hommes, des femmes et des enfants ont assisté, impuissants, à l'épreuve de force des bulldozers mus avec la bénédiction de l'huissier venu appliquer la décision du tribunal. L'un des expulsés nous présente une copie d'un arrêté émanant du même tribunal de Boufarik, daté du mois d'avril 2003, qui stipule qu'«aucune décision d'expulsion ne sera prononcée» à l'encontre des habitants du domaine. Il nous fait part, ensuite, d'un autre document daté du 20 novembre 2005 dans lequel Fodil Mohamed «déclare sur l'honneur ne pas expulser les habitants du domaine Osmani Mustapha». Les maigres affaires des familles délogées, apprend-on, se trouvent encore sur les camions de l'APC. Ces expulsés se trouvent dans la rue. Les enfants scolarisés peinent à retrouver les bancs de leur école. Les autorités locales (la daïra de Bouinan et l'APC de Chebli) leur ont promis d'étudier leurs cas et de leur donner des logements (s'ils n'en ont pas bénéficié auparavant) dans les 600 logements dont les travaux de construction ont démarré (et dont la distribution se fera au plus tôt en 2014 !). Mais la question que les familles en détresse se posent : «Mais d'ici là…?»