Depuis le début de l'agression terroriste contre le site gazier de Tigantourine (In Amenas), la France fait preuve de compréhension, de soutien et de confiance en l'Etat algérien. Pourquoi cette ligne diplomatique et politique qui tranche avec les critiques, voire les réserves manifestées à l'endroit de l'Algérie pour sa gestion de la prise d'otages par les pays d'origine, avant qu'ils nuancent progressivement leur prise de position ? Paris. De notre correspondante L'assouplissement de la position algérienne vis-à-vis d'une intervention militaire étrangère dans la région du Sahel serait-elle la raison de la «mansuétude» française ? Est-ce pour «remercier» l'Algérie d'avoir ouvert son espace aérien à l'aviation française pour les besoins de l'opération Serval menée au Mali et fermé sa frontière avec ce pays ? L'explication serait un peu courte. Interrogé par El Watan – à la faveur de la présentation des vœux à la presse la semaine dernière – sur le soutien algérien à l'intervention militaire au Mali, le président François Hollande avait déclaré que «l'Algérie a fait beaucoup», que l'ouverture de l'espace aérien algérien et la fermeture de la frontière avec le Mali constituent «un geste extrêmement positif», que «le discours tenu par les autorités algériennes est un discours de compréhension». Depuis le début de la prise d'otages, Paris a adopté un discours d'apaisement, un ton mesuré et confiant. «Je fais toute confiance aux autorités algériennes pour trouver les solutions les meilleures pour mettre un terme à cette prise d'otages», avait déclaré jeudi François Hollande. Il a ensuite apporté clairement son soutien à l'Algérie après l'assaut final de l'armée nationale qui a mis fin, samedi, à la prise d'otages dans le sud-est du pays. «Quand il y a une prise d'otages avec autant de personnes concernées et des terroristes aussi froidement déterminés, prêts à assassiner (ce qu'ils ont fait) leurs otages, un pays comme l'Algérie a les réponses qui me paraissent les plus adaptées», a déclaré François Hollande. «ll n'y a aucune impunité pour les terroristes et il n'y en aura pas (...). Face au terrorisme, il faut être implacable», a déclaré pour sa part le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, au Grand Jury d'Europe 1 et iTélé. «Les décisions ont été prises par les autorités algériennes et je suis un peu heurté lorsqu'on a l'impression que ce sont les Algériens qui sont mis en cause alors qu'ils ont dû répliquer à des terroristes», a ajouté le chef de la diplomatie française. En réalité, la France sait pertinemment que la guerre qu'elle a déclaré, le 11 janvier 2013, au terrorisme au Mali, et plus largement au Sahel, nécessite, pour aboutir, la participation de l'Algérie. La France, qui n'a eu de cesse de vouloir emporter l'adhésion de l'Algérie sur une intervention militaire internationale dans cette région, a trouvé une justification de cette ligne d'abord dans ce qu'elle a présenté comme une menace imminente de l'intégrité territoriale du Mali par l'avancée des groupes djihadistes sur Bamako, ensuite par l'attaque terroriste, mercredi, contre le site gazier d'In Amenas. Le chef de l'Etat français a en effet vu dans cette prise d'otages une justification supplémentaire à l'intervention Serval qui durera, selon lui, «le temps nécessaire» pour que le terrorisme soit vaincu. «S'il y avait besoin de justifier l'action que nous engageons contre le terrorisme, nous aurions là, encore, un argument supplémentaire», a dit François Hollande samedi, lors d'un déplacement à Tulle (Corrèze). Toute la zone du Sahel qui couvre l'est de la Mauritanie, le Nord-Mali, le Niger, mais aussi le Sud algérien, est depuis plusieurs années le terrain d'action de groupes terroristes à la recherche d'un territoire, d'une base arrière solide. La France sait que ce n'est pas que le Mali qu'il faut nettoyer, mais toute cette région et que, pour ce faire, l'implication de l'Algérie est incontournable parce que c'est une des principales clés de la sécurisation de la région, parce que de tous les pays frontaliers – Mali, Niger, Mauritanie, Tunisie et Libye – l'Algérie est le seul à pouvoir agir efficacement et parce qu'elle a une expérience avérée et reconnue en matière de lutte antiterroriste. Cette même position géographique de partage de frontières avec des pays vulnérables place aussi l'Algérie dans une situation qui l'expose à des attaques de groupes en provenance de l'un de ces pays. L'agression dont elle a été l'objet à In Amenas en est une preuve, d'autant que les groupes djihadistes s'internationalisent, sont de plus en plus aguerris, extrêmement bien armés, ont les capacités de préparer et planifier leurs opérations. Le groupe qui a agi à In Amenas était composé d'activistes de plusieurs nationalités ; il était également doté d'un arsenal de guerre constitué de missiles, lance-roquettes, grenades, fusils-mitrailleurs et fusils d'assaut. Cet événement tragique a aussi indéniablement contribué à accroître le soutien international à l'intervention française au Mali. Il constitue un tournant diplomatique, sécuritaire et stratégique. «Pas de sanctuaire pour les terroristes. Ni en Algérie ni en Afrique du Nord, nulle part», a réagi le secrétaire d'Etat américain à la Défense, M. Panetta, vendredi à Londres.