À quoi joue le président français ? La question mérite d'être posée car parallèlement à son soutien à une intervention militaire au Mali, François Hollande négocie directement avec Aqmi pour la libération des otages français, comme révélé par le porte-parole de cette organisation terroriste. Affichant d'une part sa détermination à lutter contre le terrorisme au Mali et son soutien à une intervention militaire, le chef de l'Etat français surprend d'autre part en négociant directement avec les terroristes d'Aqmi, qui détiennent les otages français au Sahel. C'est un double jeu incompréhensible de François Hollande, qui met en danger la vie des ressortissants français entre les mains d'Aqmi, comme le montrent les inquiétudes de leurs familles, reçues lundi à l'Elysée. “Nous sommes sortis confortés par la volonté du président d'œuvrer dans ce sens, mais tout de même inquiets", a déclaré Jean-Pierre Verdon, père de Philippe Verdon, un des otages. Au moment où François Hollande, qui a encore réitéré ce week-end à Kinshasa “la détermination" de la France et son soutien à une intervention africaine au nord-Mali, prône la fermeté avec les terroristes, Paris négocie parallèlement avec Aqmi. Ainsi, après chaque nouvel événement dramatique — diffusion d'une vidéo, menaces proférées par les djihadistes sur la vie des otages — François Hollande reçoit les familles des Français détenus par Al-Qaïda au Maghreb islamique au Sahel. En effet, lundi soir, la chaîne de télévision France 2 a fait intervenir un homme présenté comme un porte-parole d'Aqmi qui a révélé les contacts directs entre la France et Aqmi. Il a accusé les autorités françaises de “manquer de sérieux" dans les négociations en ne répondant pas à des “demandes pourtant légitimes et raisonnables". La politique de François Hollande dans cette affaire d'otages a été battue en brèche par le député socialiste François Loncle, coauteur d'un rapport parlementaire sur “le Sahel pris en otage". Ce dernier qui estime que la fermeté est cruciale pour “stopper la machine infernale" des prises d'otages, dénonce la gestion du dossier en martelant : “Il faut arrêter de payer. Je comprends que c'est difficile à admettre pour les familles, mais tout tourne autour de ça." Il a étayé ses dires en rappelant que la Grande-Bretagne, un des rares pays à ne pas verser de rançon, “n'a plus d'otages" au Sahel. L'Algérie ne ménage aucun effort pour l'adoption par l'ONU de lois criminalisant le paiement des rançons, afin de tarir cette source de revenus aux terroristes. Depuis 2003, les enlèvements au Sahel ont rapporté quelque 50 millions de dollars (environ 38 millions d'euros) aux preneurs d'otages, selon des sources proches du dossier au Mali. “Il faut absolument une approche internationale plus rigoureuse face à une affaire aussi grave", lance M. Loncle, en fustigeant “la faiblesse, pour ne pas dire la lâcheté de l'Union européenne sur ce sujet". Par ailleurs, le ministre français de la Défense, Jean-Yves le Drian, qui a réaffirmé lundi que la France soutiendra logistiquement et matériellement l'intervention africaine, mais a de nouveau exclu l'envoi de troupes au sol, a indiqué hier que celle-ci pourrait avoir lieu “dans quelques semaines". Ceci étant, les familles des otages ont elles “du mal à comprendre ce qui se trame. Quel est l'objectif d'une mission militaire au nord-Mali ? A-t-on l'intention d'éliminer les chefs d'Al-Qaïda ? Et dans ce cas, le gouvernement a-t-il prévu une mission simultanée pour sauver les otages ?", interroge Pascal Lupart, président du comité de soutien des otages Philippe Verdon et Serge Lazarevic. “Je conçois, en tant que citoyen, le discours de fermeté. Mais les familles se demandent, elles, où cette fermeté va-t-elle nous mener ?" a-t-il ajouté. M T