Tué parce qu'il refusait d'ouvrir le portail, l'agent de sécurité du site de Tiguentourine (In Amenas) est la seule victime algérienne de la prise d'otage. Rebaptiser le site gazier de Tiguentourine à son nom. Ou un boulevard de Mahdia, son village. Sur facebook, ces suggestions et les messages de condoléances pleuvent sur le groupe consacré à Mohamed Amine Lahmar. A 31, ce jeune agent de sécurité est devenu le nouveau héros de l'Algérie. Cette nuit de mercredi, il avait refusé d'ouvrir le portail du site quand les hommes de Belmokhtar ont attaqué. Il avait même eu le temps de déclencher l'alarme, si bien que les employés du complexe ont eu le réflexe de mettre l'usine sous décompression, avant que les terroristes le tuent de trois balles, dans l'épaule et dans le ventre. Une semaine est passée depuis le drame. A Mahdia, son village, à 50 km de Tiaret, il neige beaucoup. En dépit du froid, celle que l'on surnomme la perle du Sersou est quand même belle à voir. Dans le quartier Edderb, tout le monde connaît la maison des Lahmar, rue Moulayat Habib. Dans un grand salon, chauffé au gaz butane, les visiteurs déplorent la perte du jeune non sans siroter un café ou un thé. Hadj Saâd, dans sa kechabia, ne lâche pas son Coran, pour tenter de soulager la perte de son fils. Devant les visiteurs, il ne peut retenir ses larmes. «Mon fils est mort en héros, répète-t-il sans cesse. Parce que son geste a pu sauver beaucoup de gens et les installations dont le pays tire profit. Ce geste lui a été fatal, mais c'est son destin.» Son enfance, Mohamed Amine l'avait passée à Frenda. Il y avait suivi sa scolarité jusqu'au collège, avant que la famille ne déménage à Mahdia, où son père travaillait pour la SITV. Après deux échecs au bac, le jeune homme vit de petits boulots. Dans une houinta, il se spécialise dans l'électroménager. Son frère Houari confie qu'il avait déposé un dossier de demande de logement social il y a quelques années. Installé depuis deux années dans le Sud, pour Sonatrach, comme agent de sécurité, pour, dit-on, venir en aide à ses parents, Mohamed «accomplissait tellement bien sa mission que ses supérieurs l'avaient rapidement permanisé», se souvient Si Hadj Lahmar. «Un chic type», assure Chafik, un des employés du site, qui le côtoyait chaque jour «sans plus» quand il passait sa carte dans l'appareil de pointage. A côté, un enfant insouciant, Fouad Boucherit, le neveu de Mohamed, continue à jouer, tantôt dans les bras de son père, tantôt dans ceux de proches de passage. On nous explique avec émotion que Mohamed aimait beaucoup Fouad. Sa mère, Azza Madani, est encore sous le choc et confie ne pas arriver à croire que son fils chéri n'est plus là. Lui, qui, quelques jours avant son départ, avait voulu emporter un pull de sa mère. L'anecdote accentue l'émotion de ceux venus présenter leurs condoléances à la famille. Dans le salon, des voix s'élèvent pour proposer «la remise d'une médaille du mérite national», alors que d'autres pensent que «la salle omnisports de sa ville natale pourrait porter son nom». Et de rappeler qu'Amine aimait dessiner, jouer au foot avec ses copains, mais était surtout doué pour la psalmodie du Coran. «Il avait une si belle voix !», témoignent ceux qui l'ont entendu. «A 12 ans, il avait appris la moitié du Livre Saint !», ajoute son père. Le jeune agent de sécurité s'était marié le 9 juin 2011.