Contre la dictature du «frites-omelettes», une passionnée de cuisine a décidé de réhabiliter la grande, mais oubliée, tradition culinaire algérienne. Rachida Ziouche a sélectionné plus de 150 recettes du terroir, certaines revisitées, et en a fait un livre, Ma cuisine passion. 30 jours, 30 menus, sorti cette semaine encore tout chaud des éditions Arak. A dévorer d'urgence. Rachida Ziouche. Auteure de Ma cuisine passion. 30 jours, 30 menus : l'Algérie peut faire aussi bien que le Pérou ! -Les livres de cuisine algérienne se ressemblent à peu près tous. Quelle est l'originalité du vôtre ? J'adore cuisiner, créer des plats, mais j'avais surtout envie de valoriser les traditions culinaires algériennes. D'abord, parce que notre pays, le plus grand d'Afrique, dispose d'une variété de produits incroyable et a une cuisine très riche. Malheureusement, de nombreuses recettes de notre patrimoine ont disparu, faute de transmission. Ensuite, parce que j'en ai assez de voir les jeunes manger n'importe quoi ! -Il est vrai que sur les marchés algérois, par exemple, on trouve toujours les mêmes produits… Et pourtant ! Rien que chez moi, du côté de Souk Ahras, on trouve des épinards sauvages, des cardes et des cardons, des guernina (petits artichauts sauvages), de la chicorée, des champignons des bois et des prés aux saveurs incroyables ! Dans les douars, on les ramasse et on les cuits directement sur la braise. Sans poêle, sans huile, ils libèrent leur saveur salée, un délice ! A marier avec du cresson sauvage que l'on cueille au bord de la rivière, par exemple. -A quoi tient la richesse de cette cuisine ? Aux influences des populations qui se sont installées en Algérie ? Oui, on parle toujours de l'influence ottomane, qui est largement surestimée, car en réalité, les janissaires venaient sans leurs femmes. On doit l'héritage, surtout sucré, de leur cuisine, aux esclaves qu'ils avaient amenées chez eux et qui sont revenues en Algérie avec des recettes de pâtisseries. Bref, on oublie que nous devons nos grillades aux Berbères, les épices et l'huile d'olive aux Romains, les diouls et les pâtes aux Phéniciens qui ont ramené des techniques d'Orient, les plats de poissons aux Grecs, et bien sûr le raffinement et l'art de la table aux Arabes venus d'Andalousie. -Que faire pour valoriser la cuisine, qui, au même titre que l'artisanat, n'est pas mise en avant comme part entière de l'identité algérienne ? Il faut commencer par mettre en avant les expériences innovantes. Je connais par exemple des jeunes qui ont constitué une coopérative et qui fabriquent du vinaigre de figue de Barbarie, de grenade ou de datte. Il faut aussi s'inspirer de ce qui se fait ailleurs. Le Pérou a réussi à s'imposer comme pays de référence pour ses circuits gastronomiques ! Ils ont ainsi pu créer 5 millions d'emplois et la cuisine contribue pour 11% dans leur PNB ! Un grand chef péruvien a même créé une université des sciences gastronomiques.