Après une absence discographique qui aura duré cinq ans, le chanteur algérien d'expression kabyle, Idir, (Avava Inouva, Zwit Rwit, Essendu…) amorce un come-back fracassant avec un nouvel album tout frais, tout chaud, voire croustillant, intitulé Neveo. Un opus acoustique, électro, festif, mélodique, lyrique et nostalgique. Aussi, avons-nous retrouvé un Idir de la première heure. Un chanteur toujours élégant, honnête dans sa démarche, mélomane et orchestral. Un troubadour, un trouvère et autre ménestrel des temps modernes. Le «Elvis Costello» algérien établi en France depuis les années 1970 et sa voix n'a pas changé depuis. Toujours intacte et au phrasé altier. Le nouvel album, Neveo, publié le 4 février, est un voyage observant des haltes soniques, chorales, folkloriques et lyriques très stylisées. Un retour aux sources : Going back to my roots ! Dixit, le groupe Odissey. L'âme est là ! Mais enveloppée d'un «halo» harmonieux. Un son limpide et fluide. Pour ce faire, Idir a mis à contribution le bassiste, Hachemi Bellali, le guitariste, Tarik Aït Hamou, ou encore sa fille, Tanina Cheriel, qui a de qui tenir, et ce, au piano et au chant. Et même le maître du fandou, le luthiste, Alla, y officie aussi. Des titres olfactifs Ainsi, Idir ouvre son opus Neveo par le festif Saïd Ulamara. Un air électro de thamaghra (fête) emmené par des instruments traditionnels comme la flûte à bec, la zorna, les percussions des itabalen, bendir, des chœurs pour ne pas dire des «cœurs» féminins suaves et d'une grande délicatesse. Un titre olfactif, minéral et pastoral fleurant bon les figues et la soie (dans le texte). Son humus et son giron natal, les cimes du Djurdjura. Adrar Inu (Ma montagne) est une belle ballade douce et joviale. Une déclaration et une déclamation à l'endroit de son «homeland», sa belle et rebelle Kabylie. Une comptine acoustique contée et racontée par le troubadour Idir, à l'accent médiéval. Sans ma fille, une autre ballade en français interprétée et jouée à quatre mains, et ce, en duo avec sa fille Tanina et où il fait sortir les violons. Une chanson douce, émouvante, filiale et dialectale entre un père et sa fille. Uffiy (sept garçons) interprétée a cappella et conjuguée par une voix féminine taquinant les muses des «tadjamaât d'chour». Ccac L-Lwiz (Joli foulard), un chaâbi cristallin émaillé par une direction tonique alliant banjo, percussion et accordéon à la manière du zydeco, la musique des Cajuns en Louisiane, aux Etats-Unis. Ssiy tafat (Plaisir d'amour), une bluette acoustique faisant office de sérénade ou autre aubade s'inspirant de Can't help falling in love d'Elvis Presley et reprise par UB 40 et bande originale du film Sliver de Phillip Noyce. Tajmilt I Ludwig (Clin d'œil à Ludwig), un instrumental rendant hommage à Aïssa Djermouni et Khlifi Ahmed. Au nom de ma mère ! A travers un interlude berbère des cimes d'Arris et une «évasion» saharienne, dunaire et bédouine entre gasba (flûte traditionnelle) et bendir (percussion traditionnelle). Parmi les tracks à l'effet «drogue», il y a Targit (Faisons un rêve- Sacrdorough fair), une ballade celtique, voire irlandaise. Avec en prime les fiddlers (violonistes irlandais) et le fameux et caractéristique uillean pipe (cornemuse irlandaise). Tuyac N Wanzul (Musiques du sud), en duo avec sa fille Tanina, est distillé sur un trame de Hagda Hagda de Raïna Raï - le fameux steady rock-raï-diwan -, un reggae mâtiné de riffs electro, gypsy, ragga. Un hymne tex mex ardent et andalou gorgé de soleil à l'endroit des musiques ibérique, occitane, le fado et notamment le beat africain où les sonorités gitanes le disputent à la magie de la kora et le djembé (instruments traditionnels africains). Ibeddel Zzman (Les temps changent), un autre hommage nostalgique à Ahcène Mezani (1992-1985), chantre de la chanson d'amour d'expression kabyle. Un titre «anachronique» très épicé. Les ingrédients : salsa, bossa nova, chaâbi romantique et mélodique, et puis ces notes pianistiques nostalgiques. Idir boucle la boucle avec Taymmatt (Naissance du monde) vous donnant la chair de poule. Et pour cause ! Un a cappella fort, intense, plaintif et incantatoire. On y écoute la voix généreuse et attendrissante de sa mère décédée en 2012, à l'âge de 92 ans. Une pensée à titre posthume à sa matrice. Référence de l'album Neveo de Idir / Sony Music Izem Edition (Algérie) / 1CD (2013. www. idir-officiel.com