Quatre avions dans le parking et un autre en bout de piste. Un sixième aéronef tournoie dans les airs le temps de dégager la piste. La scène est caricaturale à l'aéroport Soummam-Abane Ramdane de Béjaïa et les occasions de vérifier cela n'ont pas manqué. La dernière, à l'occasion de la visite du Président portugais à Béjaïa, n'a été qu'une autre illustration qui a confirmé un constat : le parking avions est saturé et n'est pas à la mesure de l'importance d'un aérodrome qui a pris son envol. Le débat engagé depuis quelques semaines autour de la fermeture de l'aéroport pour travaux de réfection de la piste et la polémique née au sujet de la durée de cette fermeture a eu le mérite de charrier une autre problématique, une autre revendication, celle de la classification de l'aéroport. En 2005, Béjaïa était la destination de centaines d'aéronefs qui ont effectué un total de 3293 mouvements commerciaux et non commerciaux. La plupart pour des vols internationaux vers ou en provenance de Paris, Marseille, Lyon, Orly, Lille, Nice... Plus de 200 000 passagers y ont débarqué ou embarqué à bord d'avions Air Algérie et Aigle Azur. Pour le trimestre qui va jusqu'au 24 juin prochain, la compagnie algérienne a programmé 26 vols chaque semaine. 20 sont vers la France. Depuis sa création, l'aéroport de Béjaïa a connu une évolution de son trafic vers l'étranger (exclusivement vers la France) qui est aujourd'hui suffisamment important pour le porter, selon des chiffres officiels, au rang du quatrième plus important trafic international du pays après les aéroports d'Alger, d'Oran et de Constantine. La scène de l'avion tournoyeur pourrait ainsi traduire, on ne peut mieux, la situation d'un aéroport victime à la fois de son développement et de son abandon. Et pour cause. Depuis plus d'une vingtaine d'années, son statut est confiné dans la catégorie de la dizaine d'aéroports classés nationaux à l'époque. Sa classification répond à un arrêté qui date du 01 avril 1982 et qui a porté sur l'ouverture de 19 aérodromes d'Etat à la circulation aérienne publique. Avant sa structuration, l'aérodrome de Béjaïa avait existé déjà au lendemain de l'indépendance en tant que plate-forme aéroportuaire à vocation essentiellement militaire, se souviennent nos aînés. En 1989, un décret exécutif (n° 89-50 du 18 avril 1989) est venu porter une classification dans le patrimoine aéroportuaire. Des aéroports nationaux ont été reclassés en international, comme ceux de Ghardaïa, Adrar, Tiaret et Bougzoul. Le décret qui a aussi défini le contenu et les procédures de répartition des aérodromes sur le territoire national a réparti ceux-ci « selon une classification tenant compte de la vocation, de la nature de trafic qu'ils sont appelés à assurer, des types d'aéronefs qu'ils sont destinés à recevoir et suivant la nature et l'importance des infrastructures et équipements de sécurité aérienne et de traitement de trafic mis ou à mettre en œuvre sur ces aérodromes ». Erreur ou décision réfléchie ? Pas de nouveau statut pour la plate-forme aéroportuaire de Béjaïa, qui a gardé sa classe d'origine au même titre que 7 aérodromes nationaux. A l'exception de Biskra, tous sont du sud du pays (El Oued, Aïn Salah, Djanet, Béchar, Ouargla et Illizi). Au vu du même décret exécutif, sont considérés aéroports nationaux « ceux desservis par des jets de moyenne capacité, destinés aux services aériens réguliers nationaux et, à titre occasionnel, internationaux et comportant les infrastructures, superstructures et équipements nécessaires d'exploitation technique, commerciale et de sécurité y afférents ». L'aérodrome de Béjaïa, baptisé par décret présidentiel, du nom de Abane Ramdane en 1999, assure, depuis 1993, un trafic international régulier. Et entre autres équipements requis pour une exploitation adéquate, il est doté du système de balisage qui permet les vols de nuit. Sur place aussi, une police des frontières (PAF) et un service des douanes. Sur le plan infrastructurel, l'aéroport dispose d'une aérogare d'une capacité de plus de 800 passagers/jour, d'une piste de 2 400 m de longueur et 45 m de largeur d'orientation est-ouest, de deux bretelles de 23 m de large reliant la voie de circulation à la piste. Actuellement, ses horaires d'ouverture sont limités de 7 h à 19 h et, au-delà, un service est pourtant assuré par des veilles radio (réquisition du personnel souvent sur demande des compagnies aériennes). C'est avec cette limite horaire que l'activité aéroportuaire a permis de dégager des résultats qui rivalisent avec ceux réalisés ailleurs. A la 7e place au classement des aéroports en termes de mouvements d'avions en 2005, Béjaïa s'est fait une place de choix parmi des aéroports internationaux qui fonctionnent à plein temps (H24) en se permettant le luxe de devancer ceux de Ghardaïa, Tlemcen, Tamanrasset et Tébessa. La performance au chapitre du trafic mouvement d'aéronefs commerciaux est valorisée dans une 5e place adjugée parmi, une fois de plus, les plus importants aéroports du pays. La classification établie par l'administration centrale est d'autant plus déroutante qu'à la lumière de ces statistiques officielles, il est loisible de constater l'absence de vols internationaux dans des aéroports pourtant classés comme tels. Erreur ou pas, le cas de l'aéroport de Béjaïa permet de dire que les données sont aujourd'hui dépassées par la réalité du terrain qui justifie l'engagement d'une opération de reclassement et qui, à son tour, supposera une politique d'investissement plus conséquente.