Construite en 1910 par les architectes français Voinot et Toudoire, la Grande-Poste n'est toujours pas classée. Le risque de disparition de cet édifice architectural se pose encore. La Grande-Poste, endommagée par un incendie qui avait coïncidé avec la visite, en décembre dernier, du président français, François Hollande, n'a connu que de menus travaux. La wilaya d'Alger, pressée, a décidé de badigeonner à la hâte la façade le soir de l'incendie qui s'est propagé dans une partie de la structure. Depuis, l'édifice, principal repère touristique d'Alger, n'est toujours pas l'objet de travaux de réhabilitation. De l'extérieur, il est toujours possible de voir les fenêtres calcinées par les flammes. Les vitres cassées laissent entrevoire l'intérieur les murs noircis. Algérie Poste ne semble toujours pas décidée d'entamer des travaux devant permettre d'éviter de futurs incidents. «Les travailleurs exercent dans un véritable capharnaüm. Des papiers sont entreposés en désordre dans tous les recoins : dans les bureaux, sur les marches, à l'intérieur des guichets. Mêmes des mandats des clients entreposés à l'étage supérieur ne sont pas vraiment protégés d'un quelconque sinistre. Les employés d'Algérie Poste, qui sont entrés en grève, ont évoqué le travail difficile des postiers à l'intérieur de la Grande-Poste», relève un employé qui a requis l'anonymat de peur de représailles. La structure, datant du début du siècle dernier, mériterait une prise en charge adéquate. «Personne ne s'en soucie. Algérie Poste, qui a d'autres chats à fouetter, ne s'occupe ni de ses structures ni de ses nombreux employés. Pourtant, des entreprises ont soumissionné pour prendre en charge l'hygiène dans le nouveau siège rutilant du quartier d'affaires de Bab Ezzouar. L'EPIC, qui s'est offert une telle structure, aurait pu au moins prendre la peine de réhabiliter son patrimoine, en premier lieu la Grande-Poste d'Alger. Celle d'Oran, moins importante que la nôtre, est fermée depuis quelques semaines pour travaux», signale le même employé. Arabesques détruites ! L'intérieur de la poste est lugubre. Une odeur de renfermé prend aux narines le visiteur. Les beaux stucs et les arabesques sont moisis par l'humidité. Les colonnades s'écaillent et les murs sont gondolés. La boiserie n'a pas reçu un coup de pinceau depuis fort longtemps. Visitée par des Algériens, mais aussi par les touristes de passage, la structure n'a jamais été véritablement prise en charge. A part les quelques couches de peinture improvisées et l'écran qui amoche le haut de la structure, aucun travail sérieux n'est mené par l'EPIC, propriétaire de l'édifice. L'incendie survenu au central téléphonique d'Algérie Télécom, situé en bas de la structure, serait dû, comme l'a expliqué le ministre de la Poste et des TIC, Moussa Benhamadi, à «l'infiltration de l'eau dans le réseau d'Algérie Télécom». L'hypothèse du court-circuit avancée le jour de l'incendie, a été battue en brèche par la Société de distribution d'Alger (SDA). Le directeur, M. Boussourdi, a contesté, lors d'un point de presse, cette allégation sortie au lendemain de l'incendie. Reste à connaître les conclusions de la police scientifique après l'ouverture d'une enquête par le parquet du tribunal de Sidi M'hamed. Rachid Lourdjane, collaborateur d'El Watan, avait émis, dans une contribution parue 27 janvier 2011, le classement de la Grande-Poste dans le patrimoine national. «Il suffirait qu'un citoyen ou une association prenne l'initiative par un courrier adressé au ministre de la Culture. (…) Qui de nos compatriotes osera la première demande ? L'appel est lancé. Il s'agit d'une urgence. La Grande-Poste d'Alger risque un réel danger», a écrit R. Lourdjane dans un article prémonitoire. L'édifice, de style mauresque, dit Jonnart (du nom du gouverneur général Charles Jonnart), construit en 1910 par les architectes Voinot et Toudoire, n'est pas encore classé. Le risque de disparition de ce patrimoine se pose encore. Il nous a été difficile d'avoir la version de la direction d'Algérie Poste. Selon une secrétaire de l'établissement, «la directrice de communication est en réunion». Le directeur, Mohand Laïd Mahloul, était injoignable une bonne partie de l'après-midi.