L'Islam est-il ouvert ou fermé aux autres ? Est-il condamné au choc des civilisations ou bien recèle-t-il en son sein d'autres forces ? C'est à ces délicates questions qu'a tenté de répondre Mustapha Chérif, universitaire et islamologue algérien dans son dernier livre paru en 2006 chez Odile Jacob, sous le titre évocateur, Islam tolérant ou intolérant. L'auteur a fait remarquer, lors d'une conférence de presse organisée à Paris, que « 1500 années d'histoire commune (ndlr, entre chrétiens et musulmans) n'ont pas permis un respect et une connaissance mutuels, alors que la proximité géographique a plutôt favorisé l'altercation au détriment de l'échange ». Pourtant, a-t-il martelé, « nous sommes tous des êtres humains pris dans le même mouvement du monde et nul ne détient la vérité ». L'auteur a fustigé la mondialisation qui, selon lui, est la cause première de la déshumanisation des rapports entre les hommes et les sociétés. Elle fait naître une forme d'incompréhension entre les cultures et les religions. Il a aussi dénoncé les usurpateurs de l'Islam. Tous ces gens qui font de cette religion de « pardon et de tolérance » un fonds de commerce, un moyen d'atteindre des ambitions personnelles, en commettant les pires atrocités. Il a aussi condamné ceux qui se servent de l'idéologie politique pour faire asseoir des régimes et des idées contraires aux valeurs humaines, telles qu'énoncées dans les trois religions du livre ou dans la déclaration universelle des droits de l'homme. En clair, l'islamologue algérien réfute les extrêmismes qui ne produisent rien, sinon la désolation et la destruction du modèle social humain. Charlatans et idéologues véreux En connaisseur de l'histoire des religions, ouvert aux autres cultures, Mustapha Chérif a indiqué que l'un des objectifs de son dernier livre était « de vérifier ce que disent le Coran et le Prophète (QSSL) au sujet de la différence et de l'ouverture et évaluer l'écart entre la réalité et ce qui se dit ». L'auteur appelle à favoriser le rapprochement international entre les peuples, seul moyen pour dissiper tous les malentendus, les mésententes et les incompréhensions. Il rêve d'une nouvelle Andalousie pour accueillir tout le monde, une Andalousie où les mots partage, échange et tolérance, auront tout leur sens. Même si, dit-il, pour le moment, l'image du musulman est déformée par la politique. Celle-ci stigmatise certains groupes, dresse les uns contre les autres et recherche toujours un bouc émissaire. Selon l'écrivain, l'information éprouve beaucoup de difficultés à faire la part des choses et à séparer le bon grain de l'ivraie. « C'est aux pyromanes que les médias donnent hélas la parole. Ils (médias) cherchent le sensationnel et veulent frapper les esprits et l'imagination des gens. » Et d'enchaîner : « Certes, rien ne justifie les dérives de part et d'autres, mais il faut toujours aller plus loin et rechercher les causes du malaise. » Pour Mustafa Chérif, le message de l'Islam a été mal interprété et les musulmans eux-mêmes ont été les premières victimes des lectures exagérées et violentes de l'Islam. « L'Algérie en est un bon exemple. Elle a perdu plus de 150 000 personnes en dix ans. » Et pour barrer la route à tous les charlatans et autres idéologues véreux, seul un Islam authentique et vrai est en mesure de battre le « faux islam ». Il appartient donc aux gens d'interpréter d'une manière intelligente et raisonnée l'Islam et d'en faire une religion heureuse et compréhensible par tout le monde. « L'Islam n'est ni violent ni guerrier. C'est une religion de pardon, de fraternité et de tolérance. Ce sont les mauvaises interprétations qui ternissent son image et son message ». Et nul besoin selon l'auteur de disséquer le Coran pour soit-disant l'adapter aux réalités d'aujourd'hui. Enfin, Mustapha Chérif appelle de tous ses vœux à la « création d'un nouveau monde ». Un monde où l'égalité et le respect de l'autre auront tous leurs sens. Un monde sans violences ni extrémismes de tous bords. Un espace où régnera un « nouveau contrat social » qui permet à chacun de vivre harmonieusement sa religion et ouvertement sa modernité.