Pourquoi l'Islam est-il ciblé par la propagande du « choc des civilisations » ? Comment expliquer à l'opinion mondiale que l'Islam est ouvert, tolérant et peut même être un allié décisif pour faire face aux défis de notre époque ? Quels sont les défis qui se posent aujourd'hui à toute l'humanité ? C'est à ces questions et à bien d'autres que le nouveau livre de Mustapha Cherif (*) répond. Dans son ouvrage les questions théologiques et géopolitiques. Pour comprendre la situation politique d'aujourd'hui, pour sortir des amalgames et des simplifications, l'Islam tolérant ou intolérant ?, édité chez Odile Jacob, mars 2006, se veut une réflexion au cœur de l'actualité sur les problèmes qui engagent l'avenir commun des peuples des deux rives de la Méditerranée. Aujourd'hui, précise Mustapha Cherif, le dialogue entre les peuples devrait, d'abord, avoir pour but de rappeler des vérités occultées, « que notre socle commun est plus important que nos différences, qu'il faut assumer comme richesse et non comme supériorité ». « L'Islam est méconnu, il a été depuis toujours injustement caricaturé, perçu comme une hérésie. Malgré nos références respectives et notre socle commun, trop d'amnésie, de partis pris, en Occident, barrent la route du vivre ensemble, et des tentations du repli ou de la dissolution, en rive Sud, déforment notre image. » Son analyse part d'un constat : « Nous sommes dans le recul, l'intolérance, la stigmatisation et la violence, que certains affichent sans honte. » L'absence de dialogue, l'ignorance et les injustices sont, selon ses hypothèses, parmi les causes des dérives. D'habitude, les ouvrages sur l'Islam, qui paraissent à l'étranger, pèchent par excès d'érudition et ne sont pas accessibles à un public non spécialisé. L'ouvrage de Mustapha Cherif se veut pédagogique et accessible au grand public. « L'aptitude à respecter la différence et à assumer le multiculturel est une qualité que tous les individus et toutes les sociétés ont pour devoir de préserver, ce principe universel est aussi coranique. » Mustapha Cherif situe les responsabilités de la mondialisation de l'intolérance : « Les mouvements qui usurpent le nom de l'Islam et exploitent le religieux dans le champ politique sont dopés par la situation d'absence de dialogue et d'injustices. Le terrorisme des faibles, les actions des désespérés en terre occupée, poussés au suicide par la répression sanglante et par l'absence de perspectives, les prises d'otages, mais aussi les pratiques crispées et rétrogrades de la religion et des pratiques archaïques du politique dans certains pays arabes - tout cela nuit aux Musulmans. Au plan international, le terrorisme des puissants qui occupent et répriment brutalement d'autres peuples, le racisme de certains, leur xénophobie, leur égoïsme, leur arrogance, les amalgames, la politique des deux poids, deux mesures et les contradictions de la mondialisation et du désordre mondial, sécrétés par des puissances occidentales, nous agressent gravement et déforment la figure de la modernité. Les injustices d'un côté, les réactions irrationnelles de l'autre ont mis en scène une tragédie planétaire de l'intolérance et de la peur », explique-t-il Il précise que « si l'on se tait, les extrémistes, de tous bords, seront plus influents que les hommes et femmes de paix. C'est aux pyromanes que certains médias occidentaux, mais aussi certains médias arabes, offrent le plus leurs tribunes », observe-t-il L'auteur ajoute : « L'immense majorité des musulmans, en fidélité à leur foi, s'opposent à ceux d'entre eux qui pratiquent l'intolérance ou pire la violence aveugle, et qui trahissent, par là, et la lettre et l'esprit de leur religion. La vérité ne peut convaincre que par la force propre de la vérité et non par la violence. » : « L'Algérie, au carrefour du monde, et de par son histoire et ses potentialités, est capable de donner l'exemple, de montrer le chemin de l'universel », relève l'islamologue. (*) Mustapha Chérif est professeur à l'Université d'Alger et a été professeur invité au Collège de France. Il a également été ministre et ambassadeur d'Algérie.