-Hugo Chavez, El Comandante, comme il se faisait appeler affectueusement, vient de mourir. Le peuple vénézuelien est, en ce moment, en plein recueillement. Selon vous, est-ce seulement le Venezuela qui vient de perdre son Président ou bien l'Amérique latine, qui vient de perdre une personnalité, voire une icône ? Pour répondre franchement, c'est surtout l'Amérique latine qui a perdu un grand dirigeant, qui a resserré les liens entre les nations sud-américaines, avec la création de l'Unosur, le renforcement du Mercosur, ou ce grand sommet des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, ce qui a pu constituer une alternative au système impérialiste de libre-échange nord-américain que les Etats-Unis tentent d'imposer. Pour le peuple vénézuélien, bien sûr, la disparition d'Hugo Chavez constitue une grande perte, puisque ce dernier a réussi à mener une politique d'amélioration radicale des conditions de vie. Résultat : la pauvreté a diminué. Je peux affirmer que le Venezuela est le pays le moins inégalitaire de la région. Aujourd'hui, le modèle vénézuélien initié par Chavez est un exemple pour les pays d'Amérique latine. -Le Venezuela est, comme l'Algérie, membre de l'OPEP. Que pensait exactement Hugo Chavez de l'Algérie et de ses dirigeants ? Je peux certifier que les relations entre le Venezuela et l'Algérie sont très solides et sans précédent. Différents contrats ont été signés entre nos deux sociétés nationales d'hydrocarbures. Sur le plan international, nous avons une collaboration plus étroite. Nous en espérons de même pour les relations culturelles. Pour ce qui est du président Bouteflika, Chavez lui vouait une grande estime. Je dirais même qu'ils étaient franchement amis. Je suis persuadé que Abdelaziz Bouteflika doit être très affecté par cette disparition. Je me souviens qu'un jour où il s'était déplacé au Venezuela, il avait vu un Chavez en forme qui défendait la cause des peuples opprimés et des peuples arabes, en particulier le peuple palestinien et le peuple sahraoui. Il lui a dit ceci : «Hugo, tu es plus musulman que moi !» Par ailleurs, l'Algérie ne peut pas être absente lors des obsèques nationales, puisque le président de l'APN s'est déplacé à Caracas. -Ne peut-on pas dire justement que les relations entre les deux pays ont connu un nouveau départ depuis 1998 (élection d'Hugo Chavez) et 1999 (arrivée de Bouteflika au pouvoir) ? Bien sûr que oui ! Certes, les relations diplomatiques entre nos deux pays ont été établies en 1971, surtout dans le cadre de l'OPEP. Mais depuis 1999, nous avons eu trois commissions mixtes, de nombreuses visites présidentielles dans les deux pays, des rencontres ministérielles… Nos deux pays se ressemblent beaucoup. En fin de compte, le Venezuela est pour le sous-continent ce que l'Algérie est pour l'Afrique du Nord. Jamais, un homme comme Chavez n'aurait pu ignorer un beau pays comme l'Algérie, avec un peuple chaleureux qui ressemble en de nombreux points au mien. -Avec l'après-Chavez, comment peut-on envisager les relations entre l'Algérie et le Venezuela ? J'espère de tout cœur, et je suis confiant, qu'elles continueront sur la même voie. Jamais nous n'oublierons le geste de solidarité du président Bouteflika à l'égard du Venezuela et de son peuple. Depuis que Chavez est arrivé, l'Algérie a toujours été présente. Je peux vous dire qu'aujourd'hui, malgré la douleur que je partage avec mes concitoyens, j'ai remarqué les marques de sympathie de simples citoyens algériens à mon égard, rien qu'en allant acheter mes journaux, par exemple, ou bien celles et ceux qui se sont présentés à l'ambassade. Je ne peux pas oublier cela. Le Venezuela ne peut pas l'oublier non plus et croyez-moi, c'est un motif de fierté pour les membres de la famille Chavez. Oui, les relations continueront sur la même lancée et ne pourront en être que renforcées. -Malgré la douleur, que vous partagez certainement avec beaucoup de citoyens, si ce n'est l'ensemble du peuple vénézuélien, comment voyez-vous l'avenir de votre pays ? La République bolivarienne du Venezuela a des institutions solides. D'ailleurs, juste au moment de son ultime départ pour Cuba, le président Chavez nous avait dit que s'il se passait quelque chose, celui qui assurerait sa succession serait Nicolas Maduro (actuel vice-président, ndlr), qui a toutes les compétences pour assumer la continuité de la Révolution bolivarienne. Je suis optimiste pour l'avenir. Je sais que toutes les formations politiques proches de Chavez vont soutenir la candidature à la magistrature suprême de Maduro. Je sais que le peuple vénézuélien va, lui aussi, soutenir le projet bolivarien. Il est d'ailleurs déjà en train de le montrer à travers le recueillement devant la dépouille du président Chavez. La Révolution bolivarienne n'est pas près de s'arrêter. Noël Boussaha