Les travaux d'aiguille n'ont aucun secret pour elle et aucun travail ne l'effraie. Il suffit juste d'une aiguille et d'un fil pour avoir un véritable «chef-d'œuvre» minutieusement confectionné par ses doigts de fée. Elle, c'est Mme Soualmi Fatma-Zohra, couturière depuis une quarantaine d'années, très connue sur la place de Blida. Que ce soit dans le moderne ou le traditionnel, ses doigts donnent toujours un produit de qualité. Quand ce n'est pas la couture, la dame aux doigts de fée s'adonne avec grand plaisir aux différents types de broderie (medjboud, fetla, point de croix, point compté, mesloul…), au crochet, à la peinture sur soie et à la confection de tissus d'ameublement. D'une couturière avérée, elle passe facilement à une tricoteuse ou à une brodeuse professionnelle et créatrice. Elle est parmi les rares femmes couturières de Blida qui continuent à pratiquer. Elle avoue que ce n'est pas facile de faire tout cela à la fois mais, selon elle, l'amour du métier rend tout possible. Ses modèles nous font voyager non seulement aux quatre coins de l'Algérie avec la robe constantinoise, le kaftan tlemcénien, l'habit algérois, kabyle, etc, mais aussi dans un monde «universel» ! Les métiers qu'elle exerce avec dévouement sont synonymes, pour elle, de bien-être et surtout d'un rituel bien au féminin. Sa maison, non loin de la gare ferroviaire, trop exiguë à son goût, sert de lieu de confection et même de formation. Ce lieu est surtout fréquenté par les futures mariées. Ses filles l'aident dans sa tâche. Elle dit qu'elle ne se sent pas bien lorsqu'elle n'a pas un fil et une aiguille entre les mains. Quand une corvée devient une passion ! Mais elle avoue qu'elle a commencé à faire ce travail, non pas par amour, mais par nécessité ! «C'était le temps de la Révolution où la pauvreté régnait. A l'âge de 10 ans, je voulais aider mon père qui était lui aussi couturier. Puis, il a été tué par l'armée française et il a fallu continuer sur sa lancée afin d'arriver à nourrir ma famille. Une corvée qui est devenue, au fil des ans, ma grande passion. La couture, le fil et l'aiguille, c'est plus qu'un métier pour moi, un savoir-vivre quoi !», insiste-t-elle avec un air nostalgique et fier à la fois. Et de poursuivre avec regret : «Ma passion de confectionner et surtout de former les jeunes générations se heurte au manque de moyens. On m'a souvent promis un local pour former et préserver des métiers en voie de disparition. Plusieurs années après, rien n'est encore fait.» En effet, Mme Soualmi a eu une promesse de la part de Djamel Ould Abbès, lorsqu'il était ministre de la Solidarité nationale : «Il y a cinq ans environ, ce ministre est venu chez moi et a vu dans quel état j'exerçais et je formais les jeunes filles. Il m'a promis sur le champ un local et a demandé aux autorités locales de veiller à la concrétisation de sa promesse, en vain. Auparavant, on m'avait aussi promis une participation en Hexagone, dans le cadre de la manifestation ‘‘Année de l'Algérie en France''. J'ai tout préparé, mais à la dernière minute ma participation a été annulée pour des raisons que j'ignore encore», se désole-t-elle. Cette femme passionnée veut faire profiter les autres de son expérience, d'autant plus que la plupart des jeunes filles ne connaissent rien d'après elle à la couture. «Même pas l'ourlet», ironise-t-elle, en regrettant l'annulation de l'enseignement des métiers au collège, comme c'était le cas avant les années 1980. Mme Soualmi cherche juste une aide (local) pour contribuer, à sa manière, à la préservation de plusieurs métiers en voie de disparition. A bon entendeur !