Grâce à ses oeuvres et à la nouvelle ville, Bouinan ne sera plus méconnue au niveau national et même international. Ses oeuvres ont émerveillé l'épouse d'un ambassadeur des Etats-Unis accrédité à Alger lors d'une foire internationale de l'artisanat et des métiers. Et pourtant, elle provient de la petite localité de Bouinan, une commune «ruralement citadine» et distante d'une quinzaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Blida. Grâce à ses oeuvres et à la nouvelle ville, Bouinan n'aura plus l'occasion d'être méconnue au niveau national et même international. La quarantaine, Mme Abbad Souad, car c'est d'elle qu'il s'agit, est spécialisée notamment dans la couture artisanale et traditionnelle, choura, medjboud, mesloul, fetla, foulard espagnol et f'toul, etc. Elle a été même sollicitée par la diplomate américaine dans le but d'assurer des cours aux USA relatifs à nos métiers. Toutefois, elle avait rejeté diplomatiquement cette offre, non seulement pour des contraintes familiales, mais surtout pour servir son pays avant tout. «En novembre 2005, j'avais entamé par hasard ma première exposition à Hassi R'mel dans un espace appartenant à la Sonatrach. En ce moment là, on m'avait mis en contact avec une dame mostaganémoise spécialiste des métiers traditionnels et c'est cette dernière qui m'avait conseillée de participer avec elle à la foire internationale de l'artisanat», nous dira-t-elle, avant d'ajouter: «En étant à la foire internationale de l'artisanat et des métiers, l'épouse de l'ambassadeur des Etats-Unis faisait le tour du salon tout en étant ébahie par notre artisanat, une fois devant mon stand, quelle ne fut sa surprise lorsqu'elle découvrit el-mesloul, genre de broderie locale, et el-ftoul, fils en soie qui décorent les foulards tout au long du bord, en me disant que cela n'existe pas aux USA. En tombant amoureuse de ces métiers, elle est allée jusqu'à m'inviter à donner des cours pour enseigner ces deux métiers aux Etats-Unis d'Amérique pour qu'ils soient répandus dans son pays». Une manière de «fructifier» encore la culture et l'art américains, caractérisés déjà par le cosmopolitisme né après la découverte du continent américain par Christophe Colomb est en cours jusqu'à ce jour. Dans ce sens, la culture et l'art américains sont le fruit de l'immigration des Européens vers ce pays. On y trouve plusieurs «touches» qu'elles soient anglaise, française, espagnole, italienne, portugaise ou autre. toutefois, et depuis un certain temps, la communauté arabe ayant augmenté en nombre, dans ce pays, a provoqué chez les Américains une espèce de curiosité pour notre culture, tout en essayant à tout prix de la comprendre, d'où par exemple l'intérêt de l'épouse de l'ex-ambassadeur des Etats-Unis pour notre artisanat. Notre interlocutrice nous dira que cette reconnaissance, émanant de la part de la diplomate américaine, l'a incitée davantage à aller de l'avant. «Depuis cette date, je vois plus grand car avant je ne faisais que travailler sur demande des futures mariées de Bouinan et de ses environs». Elle ajoute: «Ma participation à la foire de Ghardaïa m'a aussi encouragée notamment avec les touristes qui étaient de tout temps émerveillés par le ftoul et el-mesloul, des spécialités propres à Blida et sa région même si dans mon travail je prends un modèle de chaque coin de notre pays en essayant parfois de moderniser les anciens». Elle nous fera savoir encore que même, M.Benbada, ministre de la PME et de l'Artisanat l'avait exhortée lors d'une exposition en la conseillant de s'imposer davantage, notamment au niveau de sa wilaya pour que son travail et son savoir-faire soient connus par la suite au niveau national et même international en ayant recours à son exportation. Le ministre n'a pas cessé, lors de ses différentes sorties sur le terrain, d'appeler à stimuler la production de la femme rurale pour qu'elle sorte de son isolement et d'exposer son «génie». Et dire que les zones rurales d'Algérie regorgent de trésors qui attendent d'être mis en valeur. Pour le moment, notre artiste privilégie la création sur la commercialisation puisque d'après-elle, il faut tout d'abord investir notre esprit pour que ce dernier soit créatif car, se baser sur le commercial et le lucratif stoppe l'esprit créatif. Elle tient à signaler, toutefois, que les métiers traditionnels ne sont pas propres à celles qui ont échoué à leur scolarité puisque beaucoup de femmes instruites ont opté pour ce créneau. A titre d'exemple, notre interlocutrice nous dira qu'elle était matheuse au lycée et que cela l'a énormément aidée dans ses oeuvres surtout qu'elle a besoin de faire des calculs pour el-mesloul ou el-ftoul, entre autres. Concernant la naissance et l'éclosion de sa passion, elle nous dira que dès son enfance, elle aimait tout ce qui était beau et artistique en essayant de concilier son intelligence avec les bouts de ses doigts. Cela a été concrétisé grâce surtout à son mari qui l'avait durant 20 années de vie commune encouragée davantage. On dit que derrière chaque homme, il y a une femme. Toutefois, le contraire peut être vrai car il ne faut pas oublier aussi que derrière chaque femme, il y a surtout un homme. La femme fétiche de Bouinan ajoute: «Lors de mon enfance, je donnais toujours un sens à mes jeux tout en étant contre la manière avec laquelle jouaient mes amis et voisins de l'époque. A titre d'exemple, je récupérais le rouge du fromage et je faisais avec ses déchets des merveilles». Interrogée sur ses ambitions, «l'artiste» de Bouinan nous fera savoir qu'elle va créer une association qui s'appellera «Les Doigts d'or». D'après elle, cette dernière mettra en relief le génie de la femme, notamment rurale pour dire que le savoir-faire n'existe pas seulement au niveau des grandes villes, tout en encourageant et promouvant nos métiers traditionnels et en essayant de concilier entre tradition et modernité. Actuellement, et au niveau de son domicile, elle forme des jeunes filles dans l'artisanat et métiers traditionnels pour répondre à la volonté de ces dernières. «Ici, à Bouinan, toutes les femmes ont un métier traditionnel pour l'aspect commercial mais surtout par leur amour, dévouement et passion à cela». Une vérité confirmée encore lors de notre visite à son atelier par des vieilles dames qui occupaient le lieu puisque ces dernières, et malgré leur âge avancé, continuent toujours de manipuler leurs doigts pour produire des «miracles». «De tout temps, la femme de Bouinan a donné beaucoup d'importance aux métiers traditionnels», disent-elles avec un air qui n'était pas du tout nostalgique, du moment où la tradition y est toujours préservée. Des paroles qui ont été confirmées par nous-même en constatant de visu les oeuvres produites par toutes ses femmes, à commencer par celles de Mme Souad Abbad, de ses stagiaires ainsi que de ces vieilles qui essayent toutes de perpétuer, contre vents et marées, notre patrimoine. Toutefois, cela nécessite des aides de la part des autorités qu'elles soient locales ou nationales pour l'aider dans sa lourde tâche relative à la préservation de notre patrimoine, surtout qu'on sait que même, le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika, avait, à maintes fois, montré de l'intérêt pour la préservation des métiers de l'artisanat. La participation de Mme Abbad dans la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe» n'est pas à écarter afin que nos frères arabes puissent voir de près les oeuvres d'une femme habitant une petite ville qui a vraiment souffert du terrorisme et qui demeure debout, aujourd'hui, grâce à ses hommes et surtout à ses femmes.