Le chef d'état-major de l'armée, le général major Ahmed Gaïd Salah, effectue depuis hier une visite officielle aux Etats-Unis. L'information, non détaillée, est annoncée dans un communiqué du ministère de la Défense, repris hier par l'agence officielle APS. La durée de la visite n'est pas précisée. Il est indiqué, de même source, que la visite s'inscrit dans le cadre « des perspectives de développement des relations de coopération entre les armées des deux pays ». Le général major Gaïd Salah est invité par le président du Joint Chiefs of Staff (JCS) ou le comité des chefs d'états-majors des différents corps de l'armée américaine. Le général Peter Pace, qui est le premier haut gradé de la marine à présider ce comité et qui est à ce poste depuis septembre 2005, occupe la position la plus élevée dans le système militaire des Etats-Unis. Il abordera avec le représentant de l'armée algérienne des questions liées à la coopération technique et stratégique. L'armée algérienne souhaite acquérir du matériel militaire américain, mais aucune demande précise d'achat d'armement n'a été faite encore par l'Algérie. Cela a été confirmé par David C. Welch, secrétaire d'Etat adjoint chargé des Affaires du Proche-Orient, de l'Afrique du Nord et de la péninsule Arabique, lors de sa visite à Alger à la mi-mars 2005. « Si l'Algérie avait à demander à renforcer la coopération militaire, y compris l'achat d'armement, à ce moment-là cette question sera examinée quant au fond (...) Rien ne nous a été demandé de précis. Mais si le cas se présentait, nous aurons à traiter la question avec respect et trouver des réponses aux nécessités exprimées », a indiqué David Welch. Le général major Gaïd Salah va-t-il aborder cet aspect au Pentagone où siège le JCS ? David Welch était venu en Algérie quelques jours seulement après la visite du président russe Vladimir Poutine. Visite ponctuée par l'annonce d'un gros contrat d'achat d'armes létales, de chars, de moyens aéroportés et de missiles russes, estimés officiellement à 7 milliards de dollars. Le souci de « l'équilibre » de forces dans la région de l'Afrique du Nord n'empêche pas les Etats-Unis d'être moins réticents à vendre des armes à l'Algérie même si cela doit se faire au bout de négociations serrées et d'obéir à des critères définis. A charge de l'Algérie de convaincre. Le pays est désormais considéré comme « un partenaire stratégique » en matière de lutte contre le terrorisme, axe central de la coopération d'ordre sécuritaire. Ces trois dernières années, et sous couvert du secret, des experts de la CIA, de la NSA (principale agence de renseignements et de contre-espionnage) et du FBI ont rendu des visites de travail en Algérie et ont eu des discussions avec des responsables du DRS (ex-Sécurité militaire) et de l'armée pour coordonner l'action antisubversive. Des officiers algériens sont actuellement en formation aux USA. A travers l'OTAN, engagé avec l'Algérie dans le cadre du Dialogue méditerranéen, les Etats-Unis aident à perfectionner les forces armées algériennes et à réussir l'entreprise de « professionnalisation ». Fin février 2006, Henry Crumpton, ambassadeur itinérant des Etats-Unis chargé du contre-terrorisme, a, dans une conférence à Alger organisée par l'Union africaine et par le Centre américain des études stratégiques de l'Afrique, évoqué la Trans-Sahara Counterrorism Initiative (l'Initiative trans-saharienne de lutte contre le terrorisme) qui inclut dorénavant une zone géographie plus vaste que le Maghreb. « Nous envisageons une stratégie pluriannuelle à volets multiples visant à vaincre les groupements terroristes en renforçant les capacités régionales de lutte contre le terrorisme, en accroissant la coopération entre vos forces de sécurité et les nôtres et en l'institutionnalisant et surtout en favorisant le développement économique, la bonne gouvernance, l'enseignement, les institutions libérales et la démocratie », a-t-il expliqué. Henry Crumpton a parlé de la mise en place d'un système d'échange d'informations et l'élaboration « d'une stratégie de contre-insurrection » à long terme. Le général Charles F. Wald, commandant en chef adjoint des forces américaines en Europe (US.EUCOM), basées à Stuttgart en Allemagne et dont l'étendue opérationnelle concerne 91 pays, et qui s'est rendu en Algérie à trois reprises l'année écoulée, a estimé que son pays a « un profond respect pour les capacités des militaires algériens » à lutter contre le terrorisme. En la matière, et d'après le général Wald, l'Algérie est un « pays leader » en Afrique du Nord. En 2005, le général Wald et ses collaborateurs ont coordonné les exercices Flintlock 2005 qui se sont déroulés dans le Sahel et qui ont impliqué, entre autres, la participation de l'Algérie, du Tchad, du Mali, du Niger, de la Tunisie, du Maroc. Des soldats et officiers algériens ont également pris part à des manœuvres en Ukraine avec l'armée US. La coopération inter-militaire est un aspect que l'actuel secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, semble privilégier. Il avait évoqué la question lors de sa tournée au Maghreb en février 2006 et avait laissé entendre qu'un transfert de haute technologie militaire est possible à l'avenir. La visite du général major Gaïd Salah intervient moins d'une semaine après celle de Mohamed Bedjaoui, ministre des Affaires étrangères, aux Etats Unis. Le chef de la diplomatie algérienne a annoncé que sa visite permettait d'entrevoir « de belles perspectives, notamment sur les plans économique, diplomatique, sécuritaire, militaire et politique ». Il a déclaré attendre plus des Etats-Unis, qui sont le premier client de l'Algérie avec 12 milliards de dollars en matière de coopération. A noter enfin que le général Peter Pace du JCS est le premier conseiller en matière de défense du président américain et du secrétaire à la Défense. Il est le dix-septième à occuper ce poste depuis la création du comité en 1953. Les principaux ressorts de la politique de défense des Etats-Unis s'élaborent à son niveau. Il intervient, toutefois, en deuxième position après le Conseil national de sécurité (National Security Council) qui, jusqu'à une date récente, était présidée par Condoleeza Rice.