La Cour suprême marocaine statuera aujourd'hui sur l'extradition ou non des trois Algériens impliqués dans le scandale qui a secoué en début de cette année la BNA, a-t-on appris de source proche de cette institution. Les trois prévenus, Achour Abderrahmane, patron de la société National Plus, son associé, Ainouche Rabah, et une de ses secrétaires ont été arrêtés par la police marocaine à Casablanca le 4 janvier dernier sur la base d'un mandat d'arrêt international lancé en décembre 2005 par le tribunal de Sidi M'hamed, près la cour d'Alger. Présentés devant le parquet de la même ville, ils ont été placés en détention à la prison de Salé, en attendant l'examen de la demande d'extradition introduite par la justice algérienne. Lors de la première audience, la défense des prévenus a plaidé l'innocence et la mise en liberté, arguant du fait que les prévenus ont fait l'objet « d'une cabale politique pour leur prise de position contre le Sahara-Occidental ». L'affaire a été mise en délibéré. Entre temps, elle a convoqué les avocats de la partie civile pour être entendus sur ces points. Ces derniers ont récusé l'argumentation de la défense des prévenus et présenté un dossier complet sur les opérations de détournement que les mis en cause auraient orchestrées entre 2000 et 2005 avec la complicité de certains responsables de la banque. Après avoir entendu les deux parties et à la faveur des nouveaux éléments apparus dans le dossier, la Cour suprême a annulé la procédure en délibéré prononcée vers la fin février 2006 et décidé de maintenir en détention les prévenus. Le verdict de cette haute instance judiciaire sera donc connu aujourd'hui, mais la décision finale quant à l'extradition ou non des trois prévenus revient aux autorités politiques, lesquelles sont habilitées à récuser ou avaliser le verdict de la Cour suprême. Cette affaire a fait couler beaucoup d'encre de part l'importance du montant détourné. Selon l'expertise judiciaire, le préjudice financier causé à la BNA a dépassé la somme de 21,7 milliards de dinars (soit 270 millions de dollars ; 1 dollar = 78 DA au taux officiel). Comment cela a-t-il été possible ? Comment se fait-il que les instances de contrôle, au niveau régional et central, n'ont-elles pas pu déceler ces opérations ? Quel est le rôle de l'inspection si celle-ci ne détecte pas les comptes suspects de ses clients, surtout lorsqu'ils prennent des sommes aussi colossales ? Autant de questions que l'expertise judiciaire n'a pas soulevé. Elle s'est limitée au processus de détournement. Selon elle, le montant a été subtilisé selon une technique simple, mais qui ne peut être réussie sans la complicité des responsables des agences de la banque, mais également de ses instances de contrôle. En effet, l'émission et l'encaissement de 1946 chèques ont été effectués par une société écran, dénommée National Plus, appartenant à Achour Abderrahmane. Ces fonds sont par la suite encaissés en espèces par Ainouche Rabah, secrétaire de Achour Rabah, et son associé dans d'autres sociétés. Ils servaient à offrir des cadeaux à des responsables de la BNA, dans le but d'acheter leur silence. Une grande partie de l'argent détourné a été échangée sur le marché informel contre des devises pour être investie dans l'installation d'une usine d'emballage au Maroc, qui aurait coûté près de 300 millions de dollars. L'usine emploie actuellement quelque 500 ouvriers. Achour Abderrahmane et Ainouche Rabah auraient encaissé des chèques libellés au nom de leurs sociétés sans pour autant que les comptes de ces dernières ne soient mouvementés. Selon l'expertise, ces sociétés sont : Eurl Mamouna, Prodirom, Sarl National Plus, Bitomat, Nasin (ETP). Plusieurs autres chèques ont été par contre encaissés par des personnes physiques : Settouf Djamel Ali, Ainouche Rabah et Achour Abderrahmane. C'est l'agence de Bouzaréah, dont le directeur Timadjer Omar est actuellement en fuite à l'étranger, probablement à Londres, qui jouait un rôle principal dans cette opération de détournement. Les chèques impayés encaissés ne faisaient que tourner durant quatre ans (entre 2001 et 2005) entre cette agence et celles de Koléa, de Cherchell, puis plus récemment entre les agences de Zighout Youcef et Baba Hacène. Lorsque la somme subtilisée à l'agence de Bouzaréah est devenue trop importante, c'est la succursale de Cherchell, puis Koléa, Zighout et Baba Hacène qui ont pris le relais pour enrichir les deux pseudo-opérateurs. La cerise sur le gâteau a été déposée en 2005, lorsque l'une des sociétés de ces derniers a obtenu un important marché pour la réalisation d'un tronçon de l'autoroute Est-Ouest. Question. Comment un tel marché peut-il être donné à des sociétés nouvellement créées et dont les comptes sont rarement approvisionnés ? Dans ce grand scandale, dix-sept personnes ont été présentées au parquet, puis devant le magistrat instructeur qui a délivré huit mandats de dépôt, notamment à l'encontre de l'adjoint du directeur de l'agence de Bouzaréah, du directeur de l'agence de Cherchell, du directeur de la section de Bouzaréah, de l'adjoint du directeur de Cherchell, du directeur de la section de Koléa et du directeur régional de Koléa. Le magistrat a également placé cinq autres personnes sous contrôle judiciaire, entre autres, le directeur du réseau exploitation et des commerçants. L'affaire est toujours en instruction, qui risque de prendre beaucoup de temps du fait que les quatre principaux accusés sont à l'étranger. Si pour trois d'entre eux, il y a des chances pour qu'ils soient extradés du Maroc, un, le directeur de l'agence de Bouzaréah, actuellement en Grande-Bretagne, a choisi une terre d'asile avec laquelle aucune convention judiciaire avec l'Algérie n'existe. Son retour au pays reste vraiment compromis.