John Huston a été l'un des grands noms du cinéma américain, voire même universel. Mort en 1987 à l'âge de 81 ans - le centenaire de sa naissance sera commémoré le 5 août prochain -, ce cinéaste exceptionnel présente cette particularité de n'avoir réalisé que des films de référence depuis ses débuts en 1941 avec rien moins que l'adaptation du roman culte de Dashiell Hammett Le faucon maltais. African Queen, que vient de diffuser la chaîne Arte, est un exemple de ce cinéma que John Huston a toujours su porter aux sommets. Ce film, tourné en 1951 dans des conditions épiques, avait permis à John Huston de réunir à l'écran Katharin Hepburn et Humphrey Bogart. Cela ne posait aucun problème à John Huston de se confronter à de tels monstres sacrés, car il était un remarquable directeur d'acteurs qui ne s'en laissait pas conter. Il avait d'ailleurs de qui tenir. Son père n'était autre que le prodigieux acteur Walter Huston, l'un des vétérans d'Hollywood. Le père et le fils travaillèrent d'ailleurs ensemble dans Le trésor de la Sierra Madre qui valut à l'un et à l'autre de recevoir des oscars dans leurs catégories respectives.Walter Huston était un spécialiste du second rôle à l'instar de son complice et alter ego Walter Brennan. Le père appartenait à cette génération d'acteurs qui, grâce à des cinéastes tels que John Ford ou Cecil B. De Mille, avaient fait la transition entre les XIXe et XXe siècles, entre la scène et l'écran. John Huston était donc déjà fort de la tradition familiale en venant au cinéma. De plus, il était pour ainsi dire né avec une plume dans les doigts. Il fut d'abord scénariste avant d'être cinéaste. Sa passion avérée pour la littérature s'affirme d'ailleurs dans sa filmographie marquée par des adaptations de grands écrivains comme Dashiell Hammett (Le faucon maltais), B.Traven (Le trésor de la Sierra Madre), Carson Mc Cullers (Reflets dans un œil d'or), Malcolm Lowry (Au-dessus du volcan) ou Rudyard Kipling (L'homme qui voulut être roi), la liste ne se voulant pas exhaustive au regard de quantité d'auteurs concernés. Peut-être en fait John Huston aurait-il été romancier s'il n'avait pas été cinéaste. Ce métier, auquel il était voué, était plus dans son caractère et sa légende personnelle de sportif épris de tournois de boxe pour lesquels il était d'ailleurs physiquement taillé. A cet égard, c'est l'ascendant hispano-irlandais qu'on lui prête qui explique le caractère souvent entier de John Huston. Il fut ainsi de ceux qui résistèrent au maléfique sénateur MacCarthy lorsque celui-ci déclencha contre Hollywood la terrible chasse aux sorcières qui broya des personnalités réputées fortes, à l'image d'Elia Kazan. Des pages entières ne suffiraient pas à résumer les raisons pour lesquelles John Huston a gagné une place de choix dans le cœur des cinéphiles. Il y a Le faucon maltais, c'est évident, mais aussi Key Largo, Le dernier de la liste, Freud, Passions secrètes, Les désaxés, Moulin rouge, autrement dit autant de films qu'on peut voir et revoir sans jamais se lasser. Bien que dans la sensibilité des cinéphiles, un chef-d'œuvre comme Quand la ville dort soit placé au-dessus de tout car il reste un modèle sublime du film noir, presque impressionniste, traversé par des personnages interlopes et peu recommandables que ceux incarnés par Louis Calhern ou Sidney Greenstreet. L'adulation de ce film se justifie aussi par le fait que John Huston y avait donné un petit bout de rôle à une quasi inconnue nommée... Marylin Monroe. Le destin voudra qu'il la dirige pour son ultime rôle dans Les désaxés, peu avant la mort tragique de l'actrice. John Huston avait dû accepter de tourner des films alimentaires comme le faisait aussi Orson Welles. Ce sont des films qui n'entreront pas dans la postérité des grandes œuvres classiques, mais le cinéaste avait pris plaisir à faire Casino Royale ou Avec les compliments de Charlie qu'on peut regarder comme des pastiches. Vieilli, n'ayant plus rien à prouver, John Huston réalise Les gens de Dublin, avec cette volonté de se réapproprier un univers digne du grand romancier James Joyce démontrant du coup qu'il était resté attaché à la seule jeunesse qui dure, celle de l'esprit. Son œuvre est un message de fidélité autant à la vie qu'au cinéma. C'est assez nettement à lui que Clint Eastwood rend hommage dans son magnifique film White Hunter, Black Heart. Un vrai passage de témoin.