Le cinéma polonais est connu dans le monde entier et a fait ses premiers pas en 1911.Le cinéaste Krzysztof Kielowski en est l'un des pionniers. Les journées culturelles polonaises se poursuivent ce samedi 17 septembre, des films documentaires du cinéaste Krzysztof Kielowski ont été projetés à la Cinémathèque d'Alger. Le Refrain, le Point de vue du portier de nuit, Soldat et Avant le rallye, ce sont là les débuts du cinéaste. Le Refrain est un enregistrement documentaire de 16 minutes, d'une journée de fonctionnement d'une entreprise funèbre. La caméra observe des gens qui sont venus ici après la mort de leurs proches et des fonctionnaires qui remplissent d'une façon insensible et routinière les formalités funéraires. L'héroïsme silencieux d'un homme aveugle dans le Soldat restera plus longtemps dans notre mémoire que l'agitation mouvementée de l'équipe d'une Fiat polonaise dans Avant le rallye. Il y a toujours une observation attentive de l'homme confronté à une situation déterminée souvent dramatique. Dans tous les courts métrages, l'observation du réalisateur se concentre sur le caractère des hommes, la façon dont ils expriment leurs attitudes et non sur les circonstances intérieures. Kielowski réalise ainsi une vingtaine de courts et moyens métrages où il montrera les incohérences du système communiste. Car, bien intégré dans la société polonaise, le cinéaste n'est pas un communiste aveugle. Il y croit, mais il est conscient des lacunes et des erreurs du communisme. On trouve ainsi dans ces films, d'un côté, des individus riches de leurs forces, de leur détermination, et de l'autre, la bureaucratie décalée et inopérante par rapport à cette force vive. Il ne développe jamais de critique fondamentale du système mais se penche toujours sur le rapport de l'humain à la société. Krzysztof Kielowski est né le 27 juin 1941 à Varsovie. Perturbé par la maladie de son père atteint d'une tuberculose, il vit une enfance solitaire et se plonge dans la lecture. A 16 ans, à la mort de son père, il entre au collège des techniciens du théâtre de Varsovie, où il apprend la décoration. Il se passionne pour la mise en scène et entre finalement à l'Académie du film de Lodz. Il se fait remarquer pour ses dons et son charisme. Il en sort diplômé en 1969. Il n'aborde pas la fiction, considéré alors comme un mode bourgeois, mais le documentaire, plus en conformité avec le modèle économique de la Pologne de l'époque. Progressivement, sa vie privée filtre dans les sujets qu'il aborde. Quand sa femme est enceinte, il tourne l'histoire d'un couple non marié dont la femme tombe enceinte, et suit le couple jusqu'à la naissance. S'interrogeant sur le métier d'artiste, il en crée un dossier pour Curriculum Vitae, dossier qui sera le sujet de discussion d'un groupe du Parti qui s'interroge sur l'exclusion d'un artiste. C'est après que son père eut été atteint de tuberculose qu'il entreprend la Radiographie (court métrage). La transition vers la fiction a lieu avec la Cicatrice, très proche encore du documentaire social avec les passages «réunions du parti». Ses films possèdent de grandes qualités mais Kielowski ne reçoit aucune reconnaissance intellectuelle et l'Occident l'ignore. Ce sont les dix films du Décalogue qui lui apportent la célébrité mondiale en 1988, seulement, la gloire et la célébrité lui laissent un goût amer dans la bouche. Ces films du Décalogue ne sont pas forcément de meilleure qualité que ses films précédents et pourtant, ils, suscitent une avalanche de louanges en Europe de l'Ouest. Kielowski réalise ensuite la trilogie Bleu, Blanc, Rouge, portant sur les trois termes de la devise de la France : liberté, égalité, fraternité. Ces films sont coproduits en France par Marin Karmitz. Il connaît de nouveau le succès. A ce sujet, il déclare dans un entretien paru dans Positif en 1994: «J'ai réalisé ces trois films dans l'ordre, pour permettre au spectateur de les voir lui aussi dans l'ordre, c'était comme un signe, mais ce n'est pas nécessaire. Ce sont trois histoires séparées, bien que liées et évoluant ensemble. Je respecte beaucoup mes spectateurs et je leur laisse la liberté de découvrir dans l'ordre, de n'en voir qu'un seul ou même aucun!». De santé fragile, fatigué par l'artificialité du milieu cinématographique et se sentant trop décalé par rapport à la «vraie vie», il annonce à Berlin sa décision de ne plus réaliser de film. Il veut se tourner vers l'écriture et la production. Il démarre ainsi l'écriture d'une nouvelle trilogie: le Paradis, l'enfer et le purgatoire. Il décède prématurément, le 13 mars 1996, à l'âge de 55 ans. De sa dernière trilogie, il aura le temps d'écrire le premier épisode qui sera adapté avec succès, après son décès, par Tom Tykwer, Heaven sorti en 2002. Il faut dire que Krzysztof Kielowski est un personnage exceptionnel dans le milieu cinéaste polonais, non seulement en tant que réalisateur des films de fiction, mais aussi comme documentariste: l'un de ceux qui n'avaient pas peur de s'engager sur des voies nouvelles, qui osaient formuler des questions difficiles, universelles, portant sur les principes. Selon Stanislaw Zawinslinski, les préoccupations de Kielowski, dès son début, c'était sa focalisation sur l'être humain: «L'être humain face à la société, aux autorités, au système à son milieu, à sa famille et face à lui même. L'être humain empêtré dans des contrariétés, des dépendances, des conflits. L'être humain face au monde des valeurs, obligé de choisir sa voie et d'assumer la responsabilité de ses choix. L'être humain traqué par la politique et isolé de la politique. L'être humain en quête de l'amour, du bonheur, bienveillance...» L'être humain qui, tel le réalisateur lui-même, cherche sans cesse à répondre à la question «comment vivre?» Nonobstant les grandes différences séparant les oeuvres documentaires de Kielowski, les films de fiction de la période intermédiaire, celle du cinéma de l'inquiétude morale (le Personnel, l'Amateur, la Paix ou la Cicatrice), et son ultime triptyque trois couleurs, force est de constater que cette question réapparaît, tel un leitmotiv, tout au long de la création du grand cinéaste. Bien que les films de Kielowski soient à l'époque considérés comme manifestes de la méfiance à l'égard du système communiste, ce qui leur a valu le nom de «agitki» (fabrique), et qu'ils soient critiqués pour leur aspect publiciste ostentatoire ou la manière affectée des «têtes parlantes», caricaturant les programmes de télévision, la lutte contre les autorités ne constituait jamais l'aspiration prioritaire du réalisateur; au lieu de l'employer à agrandir la distance entre la nation et les autorités, il cherchait à la diminuer. Ce lundi, le célèbre Blanc va être diffusé à la Cinémathèque d'Alger et l'acteur principal Zbigniew Zamachowski sera présent. Dans ce film, l'égalité est le deuxième message de la trilogie à travers le personnage principal «Kasol Kasol» interprété par Zamachowski, qui cherche à obtenir l'égalité même au prix de la vengeance.