Enlèvements, torture, viols, assassinats... Le ministère de la Justice, sous la pression sociale, a soumis mercredi au conseil du gouvernement un avant-projet de loi, élaboré en 2006, qui condamne à la peine de mort les assassins d'enfant. Pour l'heure, la proposition ne fait pas l'unanimité. Jeté dans les tiroirs du ministère de la Justice depuis sept ans, l'avant-projet de loi relatif à la protection de l'enfant est enfin dépoussiéré. La copie originale du texte a été examinée mercredi par le conseil de gouvernement en attendant qu'il soit mis sur la table du Conseil des ministres puis son adoption par le Parlement. Elaboré par le ministère de la Justice en 2006, avec l'appui des associations nationales, l'avant-projet de loi constitue une protection judiciaire et sociale de l'enfant. Contexte oblige, c'est une urgence. Les enlèvements d'enfants ont choqué ces derniers mois. Ce qui a poussé le gouvernement à répondre enfin aux exigences et aux pressions de la société civile. Des mesures sont également proposées par la loi : une nouvelle instance de protection de l'enfant, plus de prérogatives pour le juge des mineurs, d'autres dispositions pénales qui punissent et condamnent toute exploitation d'enfant portant atteinte à sa vie privée. Indignation Les Algériens ont réclamé l'application de la peine de mort pour les kidnappeurs d'enfants. Des voix se sont élevées pour demander l'application de cette peine pour les kidnappeurs après la grande indignation soulevée par l'assassinat de Chaïma en décembre 2012, puis des deux garçons à Constantine, en mars dernier. L'avant-projet de loi relatif à la protection de l'enfant propose la peine de mort pour les auteurs des enlèvements d'enfants, soumis à la torture corporelle suivis et de décès. Le ministre de l'Intérieur avait évoqué, il y a quelques jours, l'argument d'une «décision politique». Même si le gouvernement semble conscient des dangers qui guettent les enfants, selon une source proche du dossier, lors du conseil de gouvernement, «les différents départements ministériels n'auraient pas fait l'unanimité sur ce dossier. Il n'y a pas eu un consensus sur la peine de mort». Le texte, tel qu'il est proposé, stipule la peine de mort, mais «la proposition doit d'abord être soumise à une commission composée de plusieurs institutions de l'Etat qui statuera et tranchera avant que le président Bouteflika ait la primeur d'annoncer la décision définitive après examen en Conseil des ministres», explique notre source. Art. 144 : Quiconque, par violence, menaces ou fraude, ou par tout autre moyen enlève ou tente d'enlever un enfant, est puni de la réclusion à perpétuité. Si la personne enlevée a été soumise à des tortures corporelles ou si l'enlèvement avait pour but le paiement d'une rançon ou si la victime est décédée, le coupable est puni de la peine de mort. Le coupable ne bénéficie pas des circonstances atténuantes prévues par le code pénal, sans préjudice des dispositions de son article 294. La peine de réclusion à perpétuité prévue par le présent article ne peut être réduite à moins de trente ans de réclusion à temps. L'adoption de cette loi impliquera systématiquement l'amendement du code pénal afin que ces nouvelles dispositions soient appliquées dans les meilleurs délais. Un délégué national Dans son article 10, le texte porte la création sous l'égide du président de la République d'un organe indépendant pour la protection de l'enfance. Il est géré par un délégué national. Ce dernier est nommé par décret présidentiel et choisi parmi les personnalités nationales jouissant d'une expérience et connues pour l'intérêt qu'elles portent à l'enfance. Il peut être saisi pour toute atteinte aux droits de l'enfant par toute personne qui saisira à son tour le ministère de la Justice. Art 10 : Il est créé, sous l'égide du président de la République, un organe national de la protection de l'enfance, présidé par le délégué national à la protection de l'enfance, chargé de veiller à la protection et à la promotion des droits de l'enfant, jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie financière et administrative. Dans 32 articles, le texte fixe les missions conférées à l'organe du délégué et les modalités de son action. Art 19 : Le délégué national à la protection de l'enfance contribue à l'élaboration des rapports relatifs aux droits de l'enfant que l'Etat présente aux organes des Nations unies et ses comités, ainsi qu'aux organisations régionales spécialisées. Le délégué a la prérogative de se déplacer pour enquêter sur la situation de l'enfant. Art. 25 : Le délégué de wilaya s'assure de l'existence effective d'une situation en danger en : auditionnant l'enfant […] se déplaçant au lieu où se trouve l'enfant […] procédant à l'enquête sociale nécessaire pour déterminer la situation de l'enfant afin de prendre des mesures… Déliquescence Le texte consacre également la protection judiciaire des enfants délinquants et propose des procédures souples à tous les stades de la poursuite, en donnant le droit à l'enfant d'exprimer son avis et en l'associant à toute mesure pouvant être prise à son encontre. D'abord, on peut le maintenir dans son milieu familial, ensuite, il peut être remis à une personne digne de confiance et enfin le placer dans un centre d'hébergement ou hospitalier. Le texte fixe l'âge de 10 ans pour la responsabilité pénale. La garde à vue ne peut pas excéder plus de 24 heures, selon le texte. La nouveauté est que l'avocat doit être obligatoirement présent dès le début de l'enquête. Art. 53 : Lors de l'enquête préliminaire, l'enfant présumé avoir commis ou tenté de commettre une infraction peut se faire assister par un avocat.Longtemps exigé par les associations, le texte législatif a fini par accepter l'enregistrement vidéo ou audio lors des auditions des enfants victimes d'agression sexuelle. L'enregistrement peut ensuite être mis à la disposition des enquêteurs, l'avocat, même les psychologues si nécessaire. Une façon de ne pas traumatiser l'enfant par une série de questions plusieurs fois et par plusieurs personnes. Art. 55 : L'audition, au cours de l'enquête et de l'information, d'un enfant victime d'agression sexuelle fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel. Le texte renforce également les prérogatives du juge des mineurs en matière de temps, de suivi de l'instruction et de décision. Art. 92 : Dans chaque cour, siège une chambre de mineurs.