Des élèves fumant du haschich à l'école, c'est une réalité chez nous. Des enseignants en témoignent et dénoncent ceux qui cherchent à cacher la vérité. «Nous avons vu des cas où de jeunes lycéens, ayant eu un parcours scolaire brillant, ont fini par tout abandonner à cause de la drogue», affirme une enseignante. La démission parentale ouvre la voie à de telles dérives. La plupart des élèves ne connaissent pas les dangers de la consommation de la drogue. Malgré les cris d'alarme des différentes associations de prise en charge des jeunes et des enfants concernant les dangers de la drogue en milieu scolaire, «il y a tendance à étouffer cette réalité», estime Mme Zineb Belhamel, enseignante dans le secondaire. Le phénomène existe dans plusieurs lycées(*) de la capitale et des wilayas de l'intérieur du pays, apprend-on également du Conseil des lycées d'Algérie, se référant au compte rendu des enseignants concernant toutes les formes de violence et de dépassement sur lesquelles travaille le syndicat depuis quelque temps. «Nous avons eu des discussions avec nos collègues de plusieurs établissements, le phénomène touche aussi bien les établissements situés dans des quartiers défavorisés que ceux des quartiers huppés», révèle notre interlocutrice. Plusieurs enseignants et des membres d'association tirent la sonnette d'alarme quant au nombre effarant d'élèves fumeurs. «Des élèves fument au CEM. Ce qui est très dangereux, la cigarette pouvant être un moyen d'accès à la drogue», s'alarme Mustapha Saâdoun, commissaire général de l'association des Anciens scouts musulmans algériens (ASMA). Les dealers profitent de la facilité de contact avec ces enfants pour écouler leur poison et inciter ces élèves à les goûter. «Nous avons appris, à travers les discussions que nous avons eues avec de jeunes toxicomanes dans le cadre d'une caravane organisée récemment, que les jeunes touchent à la drogue pour la première fois, par curiosité.» Mme Belhamel estime, elle aussi, que les élèves touchant à la drogue ne sont pas forcément issus de milieux défavorisés. «Nous avons vu des cas où de jeunes lycéens, ayant eu un parcours scolaire brillant, ont fini par tout abandonner à cause de la drogue.» Dans un établissement du secondaire situé dans la capitale, un jeune lycéen, promu à une carrière brillante, a fini par embrasser le monde de la toxicomanie. «Je suis sûr qu'il a été influencé par d'autres élèves qui se droguaient», révèle un enseignant. Un doigt accusateur est pointé du côté des responsables des établissements scolaires «qui font tout pour étouffer ce types d'affaire». Lycéens drogués livrés à eux-mêmes Des enseignants révèlent que même signalés, les élèves se droguant ne sont pas pris en charge. «Ils sont gérés par l'administration jusqu'à la fin de l'année. Ils passent en conseil de discipline, et là, soit ils quittent définitivement l'établissement scolaire, soit ils sont “récupérés”. Mais dans les mêmes conditions», déplorent des enseignants. «J'ai signalé le cas d'un élève concerné par ce fléau, rien n'a été fait par la direction de l'établissement. L'élève a été exclu à la fin de l'année, mais a trouvé une place dans un autre établissement.» Au niveau des syndicats de l'éducation, une revendication est exprimée quant à la prise en charge de cette situation. «Cela ne sert à rien d'exclure ces élèves ou de les punir, mais il faut les prendre en charge d'une façon sérieuse et médicale», soutient Mme Belhamel. La drogue est souvent derrière la recrudescence des actes de violence dans les établissements scolaires. Des enseignants d'un établissement du secondaire, situé à Bab El Oued, citent un gang de dealers ayant investi un lycée d'Alger pour récupérer sa «marchandise» «retenue» par un élève revendeur. Une bagarre avec des armes blanches a failli dégénérer. «Les événements se sont déroulés il y a une année, mais aucune mesure n'a été prise jusqu'à présent», déplore un professeur d'arabe. Les enseignants réclament qu'il y ait intervention de la tutelle pour la prise en charge des cas signalés. «Il est impossible de continuer à cacher ce phénomène. Au contraire, il faut protéger les autres élèves et proposer une vraie solution aux jeunes qui ont des problèmes de consommation», conclut Mme Belhamel. * Les noms des établissements ne sont pas cités par mesure de sécurité.