La crise que vit le Front de libération nationale (FLN), sans secrétaire général depuis le 31 janvier dernier, est intimement liée à l'élection présidentielle de 2014. Une évidence ? C'en est vraiment une ! Mais ce qui intrigue, c'est la guerre qui s'y déroule. Un véritable bras de fer est engagé depuis plusieurs mois autour du contrôle du parti, perçu comme une des clefs du Palais d'El Mouradia. Les antagonismes qui déchirent le FLN deviennent de plus en plus visibles et lisibles. D'un côté, le clan du duo Abdelaziz Belkhadem-Amar Saâdani, soutenu, selon une source digne de foi, par une flopée de milliardaires arrivés dans les bagages du premier cité, par la présidence de la République, l'entourage du chef de l'Etat, ses conseillers et notamment son frère Saïd, et de l'autre, les opposants historiques au secrétaire général déchu. Ce n'est un secret pour personne, à présent, que le président Bouteflika ne compte pas quitter la Présidence au terme de son troisième mandat, mais pense bien y rester pour un quatrième, et son célèbre «tab djnanou» (nous n'avons plus l'âge) lâché à Sétif avant les élections législatives du 10 mai 2012 ne traduisait pas, en fait, la réalité de l'ambition de l'homme. Bien que réduit depuis quelques années déjà à n'assurer que les exigences protocolaires, le chef de l'Etat distille plusieurs messages montrant la voie qu'il veut bien être la sienne. Le président Bouteflika, comme il sait le faire dans un pays où la pratique politique est loin de répondre aux standards démocratiques, fait durer le suspense quant à sa décision de prolonger ou non son règne. Mais tout semble aller vers un remake de l'élection présidentielle de 2009, ce serait du moins, selon nos sources, son intention. Le locataire du Palais d'El Mouradia avait entretenu le flou jusqu'à la dernière minute avant de lever, en décembre 2008, l'écueil constitutionnel limitant les mandats présidentiels à un seul renouvelable une seule fois. Abdelaziz Bouteflika «postulait» alors pour une présidence à vie ! Le projet de révision constitutionnelle en cours n'en vise pas moins, il s'inscrirait, selon nos sources, dans la même logique. Résultat des courses : une scène politique plombée et un pays coincé dans un tunnel sans fin. Dans un contexte où la classe politique et la société sont quasi désactivées, l'heure semble plus que jamais propice pour ceux qui ont pris l'habitude de la rente et des privilèges de toutes sortes, de manœuvrer pour rester. Ceux qui se sont donc nourris aux trois mandats successifs du président Bouteflika, qui n'aurait pas été, selon des indiscrétions, contre l'intronisation de l'ancien président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Amar Saâdani, à la tête du FLN, s'affairent, depuis des mois, à défendre «leur pré carré». Et avec une telle ténacité que les résistances qu'ils rencontrent au sein du FLN, dans les institutions ou dans la société, n'arrivent pas à atténuer. Rien ne semble les décourager, ni le bilan des 14 années de règne dont le chef de l'Etat lui-même «n'est pas satisfait», il lui est arrivé de parler d'«échec» ni la série de graves scandales qui ont touché le projet de l'autoroute Est-Ouest, Sonatrach, et, au début des années 2000, Khalifa, pour ne citer que ceux-là. Quand Belkhadem et Saâdani font cause commune Même le secrétaire général déchu du FLN, Abdelaziz Belkhadem, donne l'air d'être ragaillardi par l'évolution de la situation. Après sa destitution et un intermède fait de silence, mais pas sans activité, il retrouve de la voix, multiplie les interventions dans certains médias. La mise sur pied d'une commission de révision de la Constitution aurait des lectures auxquelles le commun des mortels n'aurait pas accès. Seulement, la création d'un poste de vice-président ferait saliver Belkhadem qui, depuis quelques jours, indique une source digne de foi, organise en catimini des sorties sur le terrain, la dernière serait dans la wilaya de Tizi Ouzou. Les partisans d'un quatrième mandat de l'actuel locataire d'El Mouradia, éclaboussé par les affaires de corruption où est cité l'un des plus importants personnages de son règne, en l'occurrence Chakib Khelil, arriveront-ils à imposer leur logique de pouvoir ? Le bon sens voudrait que quand les bilans parlent négativement, les ambitions doivent se taire. Les différentes affaires de corruption qui ont marqué les trois mandats du chef de l'Etat devraient mettre de l'eau dans le vin de ses partisans. Ce n'est pas le cas, affirment des sources concordantes. «L'entourage du président Bouteflika, qui voulait imposer Amar Saâdani à la tête du FLN, n'en démord pas». Il le sponsorise toujours malgré, soutiennent les mêmes sources, de fortes oppositions au sommet de l'Etat. Un bras de fer dont il est impossible de prévoir l'issue dans un système qui évolue en vase clos. Mais dans une telle situation de crise, expliquent nos interlocuteurs, «Abderrahmane Belayat, qui gère les affaires courantes du parti, tient bien son rôle en empêchant, pour l'instant, le basculement du FLN dans le camp des Belkhadem, Saâdani et affairistes qui les soutiennent». La guerre déclarée autour du contrôle du FLN et la persistance de la crise dénotent un sérieux bras de fer en haut lieu, indique-t-on encore.