Le 18 mars écoulé le Boeing 737-600 immatriculé 7T-VJK de la compagnie nationale Air Algérie qui assurait un vol « affrété » (AH 1652) entre Tindouf et Séville (Espagne) en transitant par Oran, a fait l'objet d'un accident lors de son atterrissage dans la matinée sur l'aérodrome de Séville (Espagne). Il y avait à son bord 108 personnes : 101 passagers de nationalité étrangère et 7 membres d'équipage. Selon les informations rapportées par la presse, il semble que les conditions météorologiques étaient dégradées et que le facteur initial de cet accident aurait été le cisaillement du vent lié à un orage qui s'est brusquement manifesté au niveau de cet aéroport. Selon certaines indiscrétions, le problème du train d'atterrissage, en partie endommagé après rebondissement de l'appareil sur la piste, aurait compliqué davantage les manœuvres d'atterrissage. La conséquence directe a été son affaissement provoquant une sortie de piste de l'appareil sur le côté latéral dont l'une des ailes a dû heurter le sol : résultat l'un des réacteurs aurait été sérieusement endommagé. L'IMPORTANCE DU PRéJUDICE SUBI PAR LA COMPAGNIE NATIONALE Le premier bilan faisait état de plusieurs blessés légers parmi les passagers lors de leur évacuation et surtout de dégâts matériels très graves qui pourraient probablement rendre inapte à la navigation aérienne cet appareil « bébé » de trois ans d'âge et précipiter ainsi son départ en « retraite ». A moins que la compagnie nationale n'accepte pour sa réfection de payer un prix fort au constructeur. En réalité, les préjudices matériels et financiers seront beaucoup plus importants que l'on n'imagine. Tout d'abord, la destruction partielle de certains organes essentiels de la structure va incontestablement conduire à l'immobilisation de cet appareil pour réparation qui sera évidemment longue et coûteuse. Ensuite, le manque à gagner, conséquence directe de cette immobilisation qui sera encore plus difficile à évaluer. Et en fin de compte, la flotte qui sera « amputée » temporairement d'un appareil dont l'absence va sûrement influer de manière négative sur le programme d'exploitation et cela dans une conjoncture marquée par le retour en force des compagnies aériennes étrangères. La facture liée à cet accident viendra sans nul doute peser de manière significative sur le compte d'exploitation de la compagnie nationale qui, malheureusement, n'est pas à son premier accident du genre. LE CISAILLEMENT DU VENT ET LES MOYENS TECHNIQUES MIS EN ŒUVRE La cause première avancée pour cet accident est le cisaillement du vent. Pourtant la « dangerosité » de ses effets à l'atterrissage : la perte de vitesse indiquée entraînant le décrochage et/ou la sortie latérale de piste, est bien connue par tout équipage qui le plus souvent craint une sortie de piste. Pour rappel, ce phénomène météorologique a été déjà durant les années 1970 la cause de graves accidents survenus notamment dans les aéroports des Etats-Unis. Dès cette époque, il devenait un réel danger au-delà d'un certain seuil. Pour y faire face, des efforts ont été réalisés par les services aéronautiques au sol pour sa détection et son information « précoce » et des améliorations ont été apportées à l'instrumentation de bord. Aujourd'hui, tous les avions en service sont équipés de systèmes embarqués d'avertissement de cisaillement du vent et de rétablissement de guidage. Cet équipement est devenu indispensable à la sécurité des vols. Comment alors imaginer l'accident de Séville ? Il serait utile de rappeler en premier cette règle fondamentale : le pilote commandant de bord est responsable de la conduite de son appareil et décidera de son utilisation tant qu'il aura le commandement. Certes le pilote a souvent affaire matériellement à des situations délicates exigeant des décisions immédiates qui peuvent être lourdes de conséquences. Mais dans ce cas précis que s'est-il réellement passé ? DES INTERROGATIONS QUANT AU COMPORTEMENT DE L' éQUIPAGE Bien qu'il soit encore tôt pour se prononcer, plusieurs questions viennent à l'esprit. Tout d'abord, cet accident ne pouvait-il pas être évité par le pilote qui disposait à l'avance, par le biais de divers moyens, de toutes les informations météorologiques nécessaires à son vol, à son approche finale et à ses manoeuvres d'atterrissage ? Ensuite, comment est-il possible que le cisaillement du vent puisse encore de nos jours être à l'origine d'un accident d'avion sachant pertinemment que lorsque celui-ci rencontre ce genre de phénomène, la technologie embarquée donne au pilote des informations immédiates et précises qui lui sont nécessaires pour protéger l'avion, l'équipage et les passagers contre ce phénomène brusquement hostile ? Et enfin, ce qui est encore incompréhensible, c'est pourquoi le pilote en fonction face à ce danger potentiel n'a pas réagi autrement (exemple se dérouter ou remettre les gaz.) dès qu'il a été prévenu par le signal clignotant. « Windshear » (un appel sonore et un voyant clignotant en rouge) l'avertissant qu'il se trouvait dans une situation dangereuse ? L'autorisation d'atterrissage donnée par les services de la tour de contrôle de Séville ne le dispensait pas d'exercer la prudence et la vigilance requises. C'est à lui qui connaît les caractéristiques de son appareil et qui a la responsabilité première de sa manoeuvre que revient en dernier ressort la décision d'atterrir ou pas. Que dire lorsque l'on sait qu'après tout, il est le maître à bord et à ce titre, il est responsable en premier lieu de sa propre sécurité, et par voie de conséquence, de celle de ses passagers. LES CAUSES PROBABLES DE L'ACCIDENT : FACTEUR HUMAIN ? Cela dit, pour en savoir plus sur les causes probables de cet accident et le rôle éventuel joué par le mauvais temps, il faudrait attendre le travail de la commission d'enquête menée actuellement par les autorités espagnoles (lieu de l'accident) avec la participation de la partie algérienne (état d'immatriculation de l'avion), Même si à première vue, les conditions météorologiques peuvent constituer un des éléments d'explication, il est fort probable que l'enquête examine la question de l'interface homme, machine et environnement pour déterminer si ces facteurs ont contribué à l'accident. A ce propos, beaucoup d'enquêtes effectuées sur les accidents d'avions de transport dus à un cisaillement du vent, ont conclu que l'accident aurait pu être évité, c'est-à-dire que l'avion possédait l'énergie cinétique nécessaire pour se rétablir mais qu'il s'était écrasé au sol parce que cette énergie n'avait pas été gérée avec précision. C'est dire que les nouveaux appareils dotés des équipements de haute technologie pardonnent moins les erreurs de pilotage. Leur conduite doit être assurée par des équipages compétents, vigilants et hautement qualifiés, et si tout fonctionne bien, il n y a pas de problèmes ; dans le cas contraire, c'est très souvent le crash. Sur ce plan, la compagnie nationale a eu déjà son « lot » d'accidents (comme toute compagnie qui se « respecte ») avec entre autres, les accidents présentant des caractéristiques similaires qui ont eu lieu l'un à Coventry en Grande-Bretagne en décembre 1994 faisant 5 victimes avec la destruction totale de l'appareil, l'autre à Alger en octobre 1997 ayant occasionné des dégâts matériels très importants, et enfin celui de Constantine en février 1999 qui avait entraîné la réforme totale de l'appareil après sa sortie de piste. Il reste que celui de Séville est le premier accident depuis le crash de Tamanrasset. Il vient semer à nouveau le doute sur la sécurité des vols. L'ENTRETIEN TeCHNIQUE ET LA VéTUSTé DES APPAREILS EN QUESTION Autrefois, bien avant le renouvellement de la flotte, dès qu'il y avait un accident d'avion ou un incident d'exploitation grave : explosion dans le réacteur, train d'atterrissage bloqué, éclatement de pneu qui étaient fréquents, l'astuce toute trouvée était de les mettre sur « le dos voûté » des appareils « âgés » de la compagnie aérienne nationale mais presque jamais sur leurs conditions d'entretien, de maintenance ou de contrôle technique comme si ces opérations étaient exécutées sans faille. Cela ne veut pas dire qu'il fallait incriminer les techniciens de la maintenance avions qui, autrefois, n'ont pas cessé, et très souvent en passant par des grèves, de décrier leurs conditions de travail devenues intolérables alors que leur corps technique constitue l'un des « pivots » de la sécurité. La vétusté du matériel volant qui était souvent évoquée, n'était en fait, qu'un « épouvantail » que l'on brandissait à chaque fois. Car il est bien connu que des appareils continuent de voler au-delà de leur durée utile prévue. Et, un avion est conçu et donc certifié en supposant que son « aptitude au vol » serait entretenue au cours de sa vie « mouvementée » par l'usure, les pannes et les incidents d'exploitation qui pouvaient mettre en cause la sécurité. L'entretien se présente alors comme un élément fondamental de la sécurité du vol. Et lorsque l'avion vieillit, il devient de nouveau nécessaire de renforcer le programme des travaux pour pallier les problèmes liés au vieillissement, à la fatigue et à la corrosion. Dès lors se pose la question de savoir si la compagnie nationale a réellement une politique d'entretien et de maintenance ? Surtout qu'elle dispose aujourd'hui d'un nouveau centre de maintenance qui est « superbement » équipé. LE CONTRÔLE DE COMPéTENCE ET LA NéCESSITé DES ENTRAîNEMENTS DE L'éQUIPAGE Il en est de même en ce qui concerne le personnel navigant technique pour qui aucun reproche n'était toléré. Quand bien même les pilotes et copilotes sont dans leur grande majorité à la hauteur de leur tâche, et grâce à leur compétence, leur sang-froid, leur discipline et leur travail d'équipe, ils ont pu dans des conditions souvent très critiques sauver leurs passagers du pire, il reste tout de même qu'il y a encore une fraction infime de ce personnel qui, quelquefois dans des situations d'urgence, continue de faire preuve d'un comportement non fiable dû au manque de compétence ou d'expérience et souvent d'indiscipline dans le cockpit (un autre facteur d'accident). Des négligences qui se sont traduites par une mauvaise exécution ou inexécution de leur fonction : une erreur de jugement, une imprudence ou une maladresse qui ont conduit à la violation des règles de l'air ; alors que chaque situation d'urgence ou de secours pouvant résulter d'une anomalie ou d'une panne a déjà fait l'objet d'étude détaillée permettant de définir le comportement de chaque membre d'équipage. Pour rappel, un danger en vol se manifeste généralement dans un très court laps de temps et le résultat dépend de l'expérience de l'équipage et de son aptitude à intervenir promptement pour reprendre la situation en main. D'où la priorité de renforcer en urgence leurs entraînements au pilotage, afin qu'ils puissent réagir vite et bien dans des conditions d'utilisation normales ou exceptionnelles (inusitées). Le personnel navigant doit donc connaître parfaitement les tâches qui lui incombent et de les réaliser selon les règles, consignes et instructions qui lui ont été données d'une façon rigoureuse sans commettre d'erreur : le moindre oubli et la moindre fausse manœuvre peuvent avoir des conséquences catastrophiques sur le déroulement du vol.