A moins de deux jours de la rentrée scolaire, l'Etat français refuse de céder au chantage des ravisseurs des journalistes Georges Malbrunot et Christian Chesnot qui exigent le retrait de la loi sur les signes religieux ostensibles à l'école publique. La loi du 15 mars 2004 interdisant le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics entrera en vigueur ce jeudi à l'occasion de la rentrée scolaire. Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement, l'a clairement précisé lundi. Et François Fillon, ministre de l'Education nationale, a confirmé hier à Libération, lors d'un entretien sur la rentrée scolaire que « la laïcité n'est nullement tournée contre les religions et donc pas contre la religion musulmane. Je veux le dire, et peut-être ces propos parviendront-ils au-delà de nos frontières. La loi sur la laïcité sera appliquée conformément à son esprit, qui est celui du respect des individus. Ce n'est pas une loi d'exclusion, mais une loi d'ouverture fondée sur un principe de dialogue. Afin que la laïcité soit comprise pour ce qu'elle est : une défense de la liberté de conscience de chacun. Notre objectif est d'intégrer tous les élèves dans l'école républicaine. La phase de dialogue est inscrite dans la loi. Pendant ce temps, l'élève reste dans l'établissement. Il reviendra aux chefs d'établissement de décider dans quelles conditions. Ce temps d'explication sera pris partout où il le faut. Tous les élèves seront accueillis lors de la rentrée scolaire, même en cas de tenue ostensiblement religieuse. Pour autant, explication n'est pas négociation : l'Education nationale ne composera pas avec les termes de la loi. J'espère sincèrement que cette démarche permettra qu'aucun élève ne soit exclu d'un établissement au titre de cette loi. La France est le pays des droits de l'homme, de la démocratie, de la liberté politique et du respect de toutes les croyances. Nous ne laisserons pas détruire cet héritage, ni dicter notre conduite de l'extérieur. De ce point de vue, je suis frappé, au meilleur sens du terme, par la démonstration de cohésion nationale qui s'exprime depuis l'annonce de la prise d'otages de nos journalistes. Face à la montée des communautarismes, ce réflexe de cohésion est essentiel. » Le drame auquel est confrontée la France dans son ensemble a balayé les malentendus, les organisations musulmanes notamment l'UOIF qui, cet été, avait appelé les jeunes filles voilées à ne pas retirer leur voile à l'école et qui s'était opposée à la promulgation de la loi, invite aujourd'hui ces mêmes jeunes filles à respecter la loi. Réactions d'incompréhension « Nous étions contre l'idée d'une loi, car nous pensions que tous les dispositifs existaient déjà pour régler les éventuels problèmes. Mais c'est le passé. Aujourd'hui, il y a une loi, qui est un bon compromis. Elle a été votée et doit être respectée. Personne n'a à l'interpréter : ni les jeunes filles concernées ni les chefs d'établissement », affirme Lhaj Thami Breze, président de l'UOIF (d'obédience Frères musulmans) au Parisien. Il demande toutefois aux chefs d'établissement « d'être justes et de ne pas en profiter pour interdire les bandanas et les couvre-chefs discrets. Malheureusement, beaucoup de proviseurs et de principaux ont joué le durcissement en modifiant leur règlement intérieur. J'espère que le drame actuel en Irak ne poussera pas certains à nous acculer à renoncer à nos droits. Mais je le répète : nous ne mettrons pas d'huile sur le feu. S'il le faut, nous jouerons les médiateurs en cas de litige. » L'adoption de la loi, précédée d'un débat vif et passionné en France, a suscité de nombreuses réactions d'incompréhension parmi la communauté internationale, faute d'avoir été expliquée. C'est cette lacune que s'efforce de combler l'Etat français quand, depuis le plus haut niveau, il insiste sur le fait qu'elle n'est pas une loi discriminatoire et que la laïcité assure au contraire le respect et la liberté de culte. « La laïcité est au cœur de notre héritage républicain et de notre cohésion nationale », a rappelé Dominique de Villepin dimanche en recevant, place Beauvau, les responsables du culte musulman, puis d'expliquer que « la récente loi sur la laïcité s'inscrit dans cette histoire. Elle interdit les signes ostensibles tout en autorisant les signes discrets. Elle n'est dirigée contre personne, mais elle vise au contraire à préserver la liberté de chacun. »