La France se montre unie et rassemblée pour la libération des otages français en Irak. Responsables politiques de la majorité et de l'opposition, responsables musulmans laïcs et religieux, médias, organisations de défense des droits de l'homme, syndicats... font bloc derrière le gouvernement et le président de la République pour dire non au chantage des ravisseurs des deux journalistes, pour signifier que la loi sur l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires publics qui sera appliquée dès la rentrée jeudi prochain, comme prévu, est une affaire de politique intérieure et que la laïcité n'est pas oppression d'une communauté religieuse quelle qu'elle soit. Ce dernier message répété avec insistance tant par le président Chirac que par les responsables politiques est destiné à ceux qui, dans la communauté internationale, ont montré leur désapprobation au moment où la loi sur le port du voile à l'école était adoptée. « Devant ce chantage, je voudrais prier mes frères et sœurs musulmans de France à faire bloc avec la communauté nationale autour de nos pouvoirs publics pour qu'on trouve des solutions et que la communauté musulmane ne soit pas amalgamée en rien avec ces formes dévoyées de l'islam, qui pratiquent la barbarie, le chantage et la prise d'otages, qui sont indignes de l'Islam », a déclaré, inquiet, Dalil Boubaker sur France-Info. L'Armée islamique en Irak, groupe qui a revendiqué samedi soir les rapts de Christian Chesnot de Radio France et de Georges Malbrunot, travaillant notamment pour le quotidien Le Figaro, a donné à la France 48 heures pour qu'elle annule sa loi interdisant le port du voile islamique dans les écoles publiques. L'ultimatum devait expirer hier soir. Appel « solennel et officiel » La mobilisation pour la libération des deux journalistes s'est amplifiée : action diplomatique, déclarations publiques, rassemblements et manifestations de soutien dans toute la France...L'Elysée a indiqué que le président Chirac était hier matin à son bureau où il suivait d'heure en heure les développements de la situation et que le Premier ministre et les ministres lui rendaient compte des efforts déployés sur le terrain. Le secrétaire général du ministère français des Affaires étrangères, Hubert Colin de Verdière, est arrivé hier matin à Baghdad pour y renforcer l'action de l'ambassade de France en vue d'obtenir la libération des deux hommes. Le chef de la diplomatie française, Michel Barnier, se trouvait pour sa part en Egypte, avant de se rendre à Qatar pour essayer de mobiliser les pays arabes sur cette question. Le ministre n'a pas exclu de se rendre lui-même à Baghdad. Depuis Le Caire, Michel Barnier a lancé un appel « solennel et officiel » aux ravisseurs pour la libération des journalistes, assurant que l'Islam, deuxième religion en France, était pratiqué « librement, pleinement » par 5 millions de personnes dans ce pays. « Leur enlèvement (des journalistes, ndlr) est incompréhensible pour tous ceux qui savent que la France, patrie des droits de l'homme, est une terre de tolérance et de respect de l'autre. C'est la vérité de notre pays », a insisté le ministre, rappelant que les dignitaires musulmans en France ont également appelé à la libération des journalistes. Le président Jacques Chirac avait également lancé la veille un appel à leur libération lors d'une allocution radiotélévisée. Les dirigeants de la majorité et de l'opposition, réunis hier autour du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin à Matignon, ont manifesté leur « unité » derrière le gouvernement. Dès dimanche, Jean-Pierre Raffarin avait appelé à « l'unité nationale » face à la crise des otages français. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, François Bayrou, président de l'UDF, Marie-Georges Buffet, secrétaire national du Parti communiste, Jean-Claude Gaudin et François Baroin pour l'UMP ont été reçus pendant plus d'une heure par Jean-Pierre Raffarin à Matignon. Ils ont tous appelé à participer aux deux manifestations de soutien prévues dans la soirée, à quelques heures de l'expiration de l'ultimatum de l'Armée islamique d'Irak. A l'appel d'intellectuels musulmans, un cortège devait partir à 17h30 de la Maison de la radio et rejoindre le rassemblement prévu à 18h30 au Trocadéro, à l'initiative des présidents de l'Assemblée et du Sénat. « A travers cette réunion, il est important pour son image que la France, par la voix de ses formations politiques et de sa représentation nationale, ait affiché une très grande unité », a indiqué le secrétaire général délégué de l'UMP, François Baroin, à l'issue de cette rencontre de près d'une heure. Au nom du Parti socialiste, François Hollande a souligné : « Quand il y a une question aussi essentielle que la vie ou la mort de deux hommes, Georges Malbrunot et Christian Chesnot, nous devons être absolument ensemble. Et lorsqu'il s'agit en plus de deux journalistes, c'est plus qu'une question de droits des personnes, c'est une question de droits de l'homme, de la liberté. Et enfin, quand il s'agit de la conception que nous avons de la République, nous sommes fiers d'être rassemblés. » Pour sa part, François Bayrou (UDF) a déclaré que « chacun à sa place, nous avons décidé qu'il fallait se serrer les coudes pour montrer que la France était regroupée à la fois autour des otages et de leurs familles et des valeurs républicaines ». Dans un entretien accordé dimanche dernier au Monde et publié hier, Mouzhar Al Douleïmi, président de la Ligue pour la défense des droits du peuple irakien, affirme avoir réussi à établir un contact avec le groupe de l'Armée islamique en Irak, qu'il a exhorté à « ne pas nuire aux deux journalistes et à les libérer en raison de la position honorable du gouvernement et du peuple français envers l'Irak ». Il assure qu'il a obtenu « un accord de principe » pour que soient épargnés Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Dans une interview également accordée dimanche au Monde ainsi qu'aux correspondants de plusieurs journaux étrangers, dont le Washington Post, le Sunday Times et le Corriere de la Serra, le Premier ministre irakien, Iyad Allaoui, estime que « la France ne sera pas épargnée » par le terrorisme. « Les gouvernements qui décident de rester sur la défensive seront les prochaines cibles des terroristes. Les attentats se produiront à Paris, à Nice, à Cannes ou à San Francisco », affirme-t-il. « Les Français, ainsi que tous les pays démocratiques, ne peuvent pas se contenter d'adopter une position passive. Les Américains, les Britanniques et les autres nations qui se battent en Irak ne se battent pas seulement pour protéger les Irakiens, ils se battent aussi pour protéger leur propre pays », souligne Iyad Allaoui. Par ailleurs, le Conseil des ambassadeurs arabes à Paris a condamné avec la plus grande fermeté le rapt des deux journalistes français. Pour sa part, le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat a appelé à la « libération immédiate » des deux journalistes, estimant que ces derniers « aident la cause irakienne et la cause palestinienne ».