Le temps presse, «l'armée islamique en Irak» a donné aux autorités françaises un délai de 48 heures pour satisfaire leur revendication. Jamais opération de prise d'otages n'a suscité autant de réactions de la part de la communauté internationale depuis la fin de la guerre en Irak, que celle des deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot. D'abord, pour la position hostile de la France par rapport à la guerre en Irak et ensuite en raison des motivations de cet enlèvement, à savoir l'annulation de la loi sur le voile islamique à l'école publique française. Une revendication qui parait aux yeux des observateurs comme un «chantage» contre les deux journalistes. Côté français, c'est le branle-bas de combat pour parvenir à la libération des otages. Après l'intervention radiotélévisée du président Chirac, dimanche dernier, qui avait lancé un appel «solennel» aux ravisseurs pour libérer les deux journalistes c'était au tour de son chef de la diplomatie, Michel Barnier, de s'envoler le même jour pour la capitale égyptienne pour y rencontrer le général Omar souleymane, chef des services secrets de ce pays et Amr Moussa, secrétaire général de la ligue Arabe. Une tournée d'explication dont l'objectif est d'amener les ravisseurs à surseoir à leurs menaces. Le temps presse, surtout que «l'armée islamique en Irak» a donné aux autorités françaises un délai de quarante-huit heures (jusqu'à hier soir) pour répondre à leurs exigences. Une mise en demeure qui intervient, rappelons-le, quelques jours seulement après l'exécution, par le même groupe, du journaliste italien Enzo Baldoni. L'escale égyptienne, indiquent des sources au fait des mouvements terroristes, est dictée par l'expérience de ce pays en matière de lutte antiterroriste et de négociations dans des opérations de prise d'otages. Car, depuis le déclenchement des opérations de prise d'otages en Irak au début de l'année, plusieurs ressortissants égyptiens, dont un diplomate, ont été enlevés puis libérés dans ce pays. Un diplomate égyptien, Mohamed Mamdouh Kotb, «numéro trois» de la section des intérêts égyptiens à Bagdad, qui avait été retenu en otage pendant trois jours fin juillet avant d'être libéré, a une expérience du terrain irakien. Avant d'être enlevé, M.Kotb, 49 ans, avait acquis une bonne connaissance des groupes de ravisseurs irakiens en négociant discrètement avec eux après plusieurs enlèvements d'Egyptiens en Irak. Il aurait obtenu des groupes armés la libération de certains des ressortissants égyptiens enlevés en Irak et aurait une connaissance étendue du milieu islamiste irakien. Un élément que le gouvernement français compte mettre à profit pour nouer des contacts avec les ravisseurs. D'ailleurs, même le secrétaire général du Quai d'Orsay s'est rendu, hier à Bagdad pour «renforcer l'action de l'ambassade de France dans ce pays au sujet des deux otages retenus en Irak», a annoncé au Caire, le chef de la diplomatie française, Michel Barnier. Il est clair que le gouvernement français doit songer à toutes les scénarii, dont la demande d'une rançon est l'une des hypothèses les plus plausibles. Parallèlement à l'action diplomatique, des appels émanant des associations musulmanes de France ou de pays musulmans ainsi que d'organisations de journalistes se poursuivent. C'est le cas de l'organisation Reporters sans frontières qui, tout en exhortant les ravisseurs à entendre les multiples appels des instances musulmanes à travers le monde, dont le recteur d'Al Azhar, l'imam Tantaoui, estime (RSF, ndlr) que les deux journalistes sont des «fins connaisseurs du Moyen-Orient, respectueux de l'islam et qui ont toujours rejeté le sensationnalisme» Cependant quelles que soient les raisons du rapt des deux journalistes et l'identité des ravisseurs, il reste que la France ne compte pas céder au chantage. La déclaration du porte-parole du gouvernement français, Jean François Copé est on ne peut plus claire: «La loi interdisant le port ostensible de signes religieux à l'école publique, notamment le voile islamique, sera appliquée, comme prévu, jeudi, jour de rentrée scolaire en France, en dépit de l'ultimatum des ravisseurs de deux journalistes français en Irak», a-t-il assuré. Même les associations islamiques de France y compris celles qui s'étaient prononcées contre la loi sur le voile islamique ont été unanimes à condamner la prise d'otages, jugeant que la revendication nuisait à la communauté musulmane en France. Idem pour le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, qui a, de son côté, appelé à la «libération immédiate» des deux journalistes, estimant que ces derniers «aident la cause irakienne et la cause palestinienne». Alors que les tractations se poursuivent en vue de parvenir à la libération des deux otages, il est à se demander quelles sont les visées réelles de cette affaire. Veut-on faire payer à la France son opposition à la guerre en Irak de façon à l'amener, aujourd'hui à s'y engager dans le cadre du maintien de la paix ou serait-ce seulement l'acte d'un groupe isolé? La suite de l'affaire livrera tous les éléments de réponse.