Directeur du laboratoire de recherche : la philosophie et son histoire de l'université d'Oran, Mohamed Moulfi a présenté la conférence inaugurale du colloque international consacré à l'esthétique et qui s'est tenu à l'hôtel Eden du 25 au 26 avril. Les participants, de plusieurs nationalités : Maroc, Tunisie, France, Allemagne, Espagne, Koweït, devaient débattre des « enjeux socioculturels des arts ». Dans la présentation qu'il a faite de la problématique de cette manifestation scientifique, intitulée « L'art est-il toujours un besoin socioculturel », il est cependant beaucoup question de littérature. « On pourra dire que la littérature est ce désir de vouloir un autre monde autre que celui prosaïque. L'homme en a besoin », note l'universitaire qui s'appuiera sur une flopée de penseurs, des philosophes en premier lieu, dont quelques- uns se sont intéressés de manière particulière au roman comme création artistique. Mohamed Moulfi cite Mikhaïl Bakhtine, auteur de Esthétique et théorie du roman. Il cite également Lukacs, un des théoriciens de cette forme littéraire. « Si l'art est un besoin, il faut le satisfaire, mais s'il est déjà une satisfaction, il est la satisfaction de quel besoin ? », s'interroge-t-il pour revenir aux préoccupations d'ordre philosophiques : Kierkgaard puis Hegel avec lequel il se réintroduira dans l'univers littéraire grâce à Homère : « certaines étoiles ont deux noms, l'un dans la langue des immortels, l'autre dans la langue des hommes éphémères. » Dans l'univers langagier, hormis les visions des poètes, l'expression de l'écrivain est qualifiée de belle avant de citer Flaubert et son souci de la forme. Dans les choix qu'il a opérés, il se réfère une seule fois à une œuvre picturale, « une tapisserie réalisée par Cettomai pour le pape Pie VI » et c'est pour évoquer « l'art du symbole » traité par Pierre Legendre qu'il cite. Il considère en outre que le rituel ou la fête, comme « présent de certaines puissances divines : Apollon, Dionysos et les muses » est au centre de la condition humaine. Le chant et la danse sont aussi cités une seule fois pour « l'expérience du rythme et de l'harmonie qu'ils procurent », selon Marcel Détienne qu'il cite également avant de revenir encore une fois à la littérature. « Qu'est-ce que la littérature ? » et « Qu'est-ce que la philosophie ? » Deux interrogations qui se complètent chez Mohamed Moulfi pour qui « la fabulation est (...) renaissance d'un univers », référence à André Gide à travers Jean Déjeux. Avec Nietzsche, il évoque la tragédie et avec Heidegger la poésie. Avec Hegel, il est amené à considérer que « le beau, bizarre chez Baudelaire est ce qui est susceptible d'accueillir l'infini ». Il termine avec le mythe de l'âge d'or et la pensée de « Nietzsche s'inspirant de Stendhal (encore une référence à un romancier) », selon laquelle « la beauté est une promesse de bonheur » mais à laquelle il oppose : « l'art est une promesse de philosophie. » Le cinéma, la danse et chants soufis, le théâtre sont des thématiques devant faire l'objet de conférence durant les deux jours du colloque qui s'intéresse également aux rapports de l'art avec l'existence, l'identité, le plaisir, la politique, la démocratie.