L'immigration sera incontestablement le thème central de la prochaine élection présidentielle en France qui aura lieu dans un an. Et déjà l'extrême droite “chauffe le bendir”, comme on dit chez nous. Le Pen et De Villiers ont annoncé la couleur, le premier en se montrant choqué de voir le président algérien venir effectuer une visite de contrôle médical dans un hôpital français, le second accentuant haineusement son inquiétude sur l'islamisation rampante de la France pour espérer survivre politiquement d'ici là. Vus à la télé, l'ancien tortionnaire de la guerre d'Algérie et le responsable du MPF n'avaient pas du tout la gueule de conquérants, mais qu'importe... Il y a des rengaines qui semblent inépuisables, alors pourquoi hésiter encore. Dans la foulée, il n'y a cependant pas que ces deux hommes, connus pour leur xénophobie à l'encontre de tout ce qui porte un faciès arabe, algérien en particulier, qui sont montés au créneau. Le chef du parti majoritaire et puissant ministre de l'Intérieur a lui aussi mêlé subtilement sa voix pour conditionner les esprits avec les petites phrases assassines qu'il espère porteuses à condition de les distiller au bon moment. Si autrefois, du moins dans un passé pas tellement lointain, la pratique relevait de l'indécence, chasser désormais sur les terres lepenistes est devenu avec le temps une simple affaire de compétition électorale. Il suffit simplement d'arranger un peu la forme en conservant le fond. Sarko plus ambitieux que jamais sait donc où il va, en faisant une projection sur la configuration de la politique d'immigration qu'il compte mener une fois au pouvoir. L'Algérie avec son potentiel migrant et... résidant étant un sujet-cible incontournable, il va sans dire qu'une place de choix lui sera réservée dans les discours de campagne. Mais ouvrir d'ores et déjà des brèches ne compromet en rien la stratégie en place. C'est ce que le ministre des Affaires étrangères a voulu nous faire comprendre en choisissant le ton de la dérision pour s'attaquer à l'Algérie. Douste-Blazy, en effet, a saisi au vol la polémique insidieuse qui s'est installée entre les deux pays à propos des soins que venait subir Bouteflika à l'hôpital du Val-de-Grâce de Paris, pour enfoncer un clou. Il a certainement mal, très mal digéré la nullité de sa dernière visite à Alger, et on comprend son amertume, mais si son dribble se déroulait au centre, c'est sur l'aile qu'il faut aller chercher la signification du message. Sa sortie médiatique, en réalité, si elle alimente de manière très confortable les thèses défendues par l'extrême droite, conforte en même temps la position néocoloniale de la France que l'Algérie ose dénoncer à chaque fois qu'elle brouille les rapports avec l'ancienne puissance. En parlant de génocide perpétré dans notre pays, à l'encontre de notre peuple, par cette puissance coloniale, Bouteflika a provoqué une levée de boucliers de la part des nostalgiques de l'Algérie française qui prouve que quarante quatre ans après notre indépendance, la culture du racisme et de la haine au pays des droits de l'homme a la peau dure. Quant à sa visite médicale dans un hôpital français qui avait eu l'amabilité de l'accueillir une première fois en urgence avant de lui assurer un suivi somme toute naturel, elle n'a servi que de déclic à une vieille rancoeur nourrie dans l'Hexagone et prête à se réveiller à tout moment, selon les circonstances. De toute façon, que pensez-vous si on vous dira que les médias français dans leur totalité se sont complètement plantés avec cette visite ? La vérité est que c'est sur insistance du président Chirac lui-même que Bouteflika a accepté de se faire soigner au Val-de-Grâce. Ne pouvant se déplacer au dernier sommet euroméditerranéen de Barcelone, il devait se rendre en Suisse pour les premiers soins.