«On a tué, massacré, violé, pillé tout à l'aise dans un pays sans défense, l'histoire de cette frénésie de meurtres et de rapines ne sera jamais connue, les Européens ayant trop de motifs pour faire le silence (...). Rien n'est plus contraire aux intérêts français que cette politique de barbarie.» Jean Jaurès, 1908, discours à la chambre des députés Apparemment, le deuxième tour de la présidentielle se déroule - exception faite de l'agitation entretenue par les médias -dans une atmosphère sereine. Cela ne veut pas dire que le sujet ne soit pas important, mais les Français pensent plus au «pont du week-end du Premier mai» qu'aux élections. Ceci étant dit, la démocratie et la solidité des institutions font que les débats, bien que vifs, sont feutrés; l'enjeu est de taille mais il n'y a pas comme dans les pays où il n'existe pas de démocratie, à la fois cette atmosphère d'émeute et de fin de règne- toujours recommencée quand le potentat en sort indemne. Le professeur Nour Eddine Toualbi, analysant l'alternance au pouvoir dans les monarchies arabes, notamment «républicaines», avance que les dirigeants arabes «acceptent l'alternance» imposée par l'émeute -quand ils n'y perdent pas la vie- ou par la mort naturelle. Plus que Bush avec sa démocratie aéroportée, Darwin est le seul secours et recours des peuples arabes. Pour en revenir aux élections, les sourds et les malentendants, en un mot, les handicapés sont l'objet d'une attention particulière des deux partis principaux; des traducteurs en signes sont toujours présents dans les meetings. Après une semaine de campagne, les sondages donnant Sarkozy gagnant se confirment. La candidate socialiste aura des difficultés à s'affirmer, en tentant de séduire en vain, l'électorat de Bayrou, elle risque de se couper des siens. Elle s'est réjouie de voir émerger un certain nombre de convergences fortes entre elle et François Bayrou. Elle a réitéré sa proposition d'un débat d'éclaircissement avec le candidat centriste, elle en appelle à tous les républicains de progrès à se rassembler dans sa future majorité présidentielle.(1) Majorité «arc-en-ciel» En femme qui s'adapte aux circonstances, elle accepte un débat filmé. Ma responsabilité politique c'est de prendre toutes les bonnes idées d'où qu'elles viennent pour peu que l'on soit très au clair sur ses valeurs républicaines. En clair, on sent le flou artistique qui augmente le désarroi des électeurs de gauche pure et dure qui peuvent la déserter. Par ailleurs, après avoir refusé de donner une consigne de vote pour le second tour de la présidentielle, François Bayrou a annoncé, mercredi 25 avril, dans une conférence de presse, la création d'un nouveau parti, le Parti démocrate: «Il y a, désormais, dans notre pays, trois forces politiques et non plus seulement deux: une à droite, une à gauche, et une au centre», La fondation d'une «force nouvelle» permet de marquer la rupture avec une UDF qui appartient depuis sa création, en 1978, à la droite. Et de poser l'acte fondateur de la renaissance du centre, tel qu'il a existé avant 1974.(2). L'ex-candidat centriste ayant refusé de donner une consigne de vote. Pour François Hollande, la position de ni-ni du centriste n'est pas une surprise. Le premier secrétaire du PS veut croire que le portrait guère flatteur de Nicolas Sarkozy dressé par François Bayrou incitera ses électeurs à se tourner vers la gauche. Mercredi 25 avril à Montpellier où elle venait de tenir un meeting, la candidate du PS, espère prendre la tête d'une majorité arc-en-ciel, du rouge socialiste au vert écologiste en passant par l'orange, couleur fétiche de la campagne présidentielle centriste. Nicolas Sarkozy, sûr de sa force, est accusé de faire pression pour empêcher, disent aussi bien Bayrou que Royal que les débats n'aient pas lieu, et qui a eu lieu samedi. On se souvient que la bavure policière jamais jugée a, d'une façon ou d'une autre, rassemblé la France et l'unanimité a été transversale. Si Philippe de Villiers parlait d'envoyer l'armée et s'est félicité de l'état d'urgence qui rappelle à s'y méprendre celui subi par les grands-parents de ces mêmes beurs, une cinquantaine d'années plus tôt. Le parti socialiste ne fut pas en reste. Ségolène Royal parle, ni plus ni moins, de camps de redressement militaire pour les jeunes de moins de 15 ans qui n'ont pas pu être détectés -on l'aura compris- par la proposition du ministre de l'Intérieur de mettre en place un fichier ethnique en contradiction avec la constitution républicaine....«A-t-on déjà oublié Eric Raoult, maire UMP de la ville de Raincy, qui n'avait pas attendu que le gouvernement français instaure le couvre-feu, pour imposer lui-même, depuis 2001 et tous les étés qui suivirent, une mesure de ce type à tous les enfants de moins de 13 ans?» Prévisions chiffrées, projets de lois, réformes par petites touches prudentes ou par le fond: les amis de l'un ou de l'autre des deux candidats, planifient l'entrée de la France dans un nouveau régime. Pour l'un des candidats, il suffit d'étouffer le droit sous l'apparence du droit (sa campagne l'a démontré), pour l'autre, il faut donner des droits sans rien marchander.(3). Lorsque Sarkozy, au plus fort de sa campagne électorale, avance des solutions du type: «Ministère de l'Immigration», «Obligation de parler français aux futurs arrivants sur le sol français», «Réinstauration de la double peine», nécessité d'expulser de France tout étranger, y compris ceux en situation régulière, condamnés par la justice, il nous éclaire sur la vraie nature de Sarkozy candidat. Son alternance de propos martiaux et des petites phrases «sociales» et «paternalistes» à l'égard de la jeunesse désespérée, des harkis et de leurs enfants, des rapatriés, est, en réalité, l'expression du double langage politique un art largement pratiqué par ses pairs. (..)Et lorsque les urnes auront désigné le vainqueur, tout le monde trinquera, mais sûrement pas de la même manière.(3). Par ailleurs, il faut bien convenir que la politique extérieure n'apparaît pas dans les programmes des candidats, tout au plus, ils surfent sur des sujets du jour tels que l'Europe, l'Iran, Israël, pas un mot de la politique de l'immigration sinon les litanies habituelles, le bâton pour Sarkozy et un hypocrite codéveloppement proposé par Ségolène Royal. Pour l'histoire, souvenons-nous: Nous sommes le 7 avril 2002: 3 candidats à la présidentielle participent à la manif de soutien à Israël et Ariel Sharon à l'appel du Crif: Bayrou, Madelin, Lepage. Au même moment, les villes palestiniennes sont réoccupées par l'armée israélienne. Le QG d'Arafat est encerclé, l'Eglise de la nativité à Bethléem est bombardée au mortier. Des dizaines de civils sont assassinés au camp de réfugiés de Jénine, les humanitaires ne pourront rentrer dans le camp que le 13 avril. En février 2007, lors d'un meeting, Sarkozy parle du rêve qui a poussé au Sud des croisés jusqu'aux colons...La rhétorique est la même: Le Blanc civilisateur, le white man Burden. Sarkozy cite à tort, Jaurès qui a toujours combattu ce devoir de civilisation. Cependant Sarkozy et Royal n'ont pas osé porter un jugement de valeur sur la politique israélienne. Au contraire, Sarkozy est un ardent défenseur d'Israël, un timbre est même réalisé à son effigie. De plus, on l'appelle le Bush français. S'agissant d'Azzouz Begag, ex-ministre français de la Promotion de l'Egalité des chances, qui était, à n'en point douter, «l'Arabe de service qui cache la forêt du racisme», tente de rebondir en jouant le joker Bayrou et règle ses comptes avec Sarkozy qui l'aurait menacé de «lui casser la gueule», par ouvrage interposé- un mouton dans la baignoire- n'a jamais été réellement accepté On se souvient des sobriquets dont il a fait l'objet: Azzouz le «Gag». Même François Fillon, réputé modéré, s'est interrogé, à haute voix, sur «la valeur ajoutée de ce ministre au gouvernement». Les reproches faits à Ségolène viennent de ses errements et aussi de son désir de ratisser large pour rattraper son retard. «La défaite à venir du Parti socialiste n'était pas inéluctable. Il y a un an, sa candidate apparaissait même comme un adversaire redoutable. Pour de nombreuses raisons. Le Parti socialiste manifestait sa détermination à présenter un front uni face à la droite, lequel s'était concrétisé lors du congrès du Mans. En déclarant que Tony Blair avait mis en place des réformes intéressantes, Ségolène Royal brisait le tabou du modèle anglais et ouvrait la voie à la modernisation du parti socialiste vers une social-démocratie assumée. Enfin, parce que femme politique, parce que présidente de région, parce qu'ancien ministre, parce que femme s'affichant résolument moderne, madame Royal avait su capter l'attention des Médias et jouer du système»(4) Mais l'image que Ségolène Royal avait construite se fissura peu à peu, sans que rien ne parvienne à relancer une campagne qui n'a, en fait, jamais pris. Rien n'avait vraiment été éclairci, Ségolène Royal avait continué à refuser de prendre position, renvoyant à ses «débats participatifs» le soin de lui souffler une bonne réponse. C'est dans ce cadre qu'elle part à la conquête des électeurs par Internet interposé. Sans compter la politique internationale: sur la Corse, sur le Québec libre, sur l'Iran et le nucléaire civil, sur le Hezbollah, sur la justice chinoise...Chaque prise de parole réservant son lot d'approximations ou de dogmatisme, à mille lieues de ce qu'elle avait laissé espérer. Et elle ne fut pas aidée par François Hollande et son désormais mémorable: «Je n'aime pas les riches, j'en conviens»...quelques semaines avant la publication de leurs revenus respectifs et de leur assujettissement à l'impôt sur la fortune...Mais surtout, parce que Ségolène Royal n'avait pas su embrasser la dimension formidable que se doit de prendre le chef de l'Etat français: déterminé, solide, ouvert, visionnaire. Les dirigeants socialistes, conscients de l'incapacité de leur candidate à battre Nicolas Sarkozy sur le plan des idées, sur le plan du charisme, sur le plan de la stature présidentielle, se lancèrent alors dans une course de diabolisation sans précédent, tentant de faire passer leur adversaire pour un fasciste-eugéniste-ultralibéral-raciste. Ils renoncèrent à défendre un projet alors même que les Français avaient manifesté le 29 mai 2005 leur ardent désarroi et leur désir de reprendre pied autour d'un projet politique clair et concret.(4) L'appel de la candidate aux «éléphants du PS»: Fabius, Strauss Kahn -ce dernier étant l'interface avec Bayrou- après les avoir méprisé, dénote d'un manque réel de gouvernail. Le 6 mai prochain, Nicolas Sarkozy est en passe de remporter les élections présidentielles. Pourtant, Sarkozy fait peur, «On ne peut pas rencontrer, écrit Bayrou, plus différents que Nicolas Sarkozy et moi». Le 16 mars à la radio Sud-Ouest, Bayrou se confesse: Je n'ai pas parlé avec Nicolas Sarkozy depuis trois ans. Lors d'une rencontre arrangée par Jacques Chancel, Sarkozy me dit: Je te propose une alliance contre Chirac. On va faire les jeunes et on va le démoder, lui qui est vieux. On va lui faire la guerre et, au bout du compte, on fait une alliance contre Chirac. Bayrou refuse. Cette confidence permet de comprendre le fossé entre les deux hommes. D'ailleurs, le 25 avril, François Bayrou laissant ses électeurs faire ce qu'il veulent a, en outre, attaqué Nicolas Sarkozy, dénonçant «son goût de l'intimidation et de la menace», «son tempérament et les thèmes qu'il a choisis d'attiser», et aussi «sa proximité avec les milieux d'affaires et les puissances médiatiques». Pour sa part, l'ancien ministre de l'Intérieur a estimé que François Bayrou était tout à fait logique avec sa démarche. Au fond, il pense qu'il n'y avait que lui qui pouvait être un bon président de la République (...). Le jeudi 26 avril 2007, onze sondages donnent Sarkozy gagnant malgré de médiocres reports Bayrou. Toutes ces enquêtes donnent l'ancien ministre de l'Intérieur vainqueur, avec des scores allant de 51% à 54% (53-47 dans les trois derniers). Mais quand bien même, M.Sarkozy ne récupérerait que 25% de ses voix, il gagnerait encore, selon la Sofres. Il s'agit d'un électorat qui allait sur par motivation antisystème. A l'extrême droite, réduite à 10,44%, certains électeurs peuvent “mal accepter que M.Sarkozy soit parvenu à affaiblir les scores de M.Le Pen et vouloir lui faire payer; D'autres, de milieux populaires, peuvent ne pas être très à l'aise avec des thèses qu'ils peuvent estimer libérales. Les tendances des sondages Une autre hypothèse contredit la précédente: «Il ne faut pas, est-il avancé, oublier un peu vite les désaccords sur le fond et sous-estimer le poids des votes blancs ou nuls prévisibles...Un second tour à 54%/46%, oui peut-être, mais dans quel ordre? Pour faire perdre Ségolène Royal, il faudrait que tous les électeurs lepenistes (10,44%) votent pour Nicolas Sarkozy, et que, dans le même temps, tous les bayrouistes (18,57%) s'abstiennent. Peu réalistes. Mais c'est oublier que le principal argument de cette campagne portait sur le rejet de la société ultralibérale de Maastricht et la Constitution européenne avortée que veut, à toute force, nous faire avaler Sarkozy par voie parlementaire...Ni l'électorat Le Pen, ni celui de Bayrou, ni encore moins les électeurs de gauche n'en veulent! Les uns comme les autres voteront donc contre Sarkozy, ce qui revient dans les faits à donner la victoire à Ségolène!» C'est un point de vue.(5) En définitive, on attendrai objectivement, d'un futur chef d'Etat autre chose que de l'arrogance, de l'ambition dévorante qui pousse à attiser la fragmentation, la violence, l'agitation, des messages de haine, la sectarisation, la nostalgie de l'empire, la «conquérance» -comme il le dit lui [Sarkozy]- pour parler comme un certain cheb. Et pourtant, ce candidat de la droite dure passera selon toute vraisemblance à moins d'un miracle. La «réalpolitik» fait que l'Algérie devrait s'y préparer sans état d'âme. Nous regretterons le temps béni de l'humaniste Chirac et son désir de construire un «Traité» torpillé, entre autres par le futur président. L'Algérie a, en face d'elle, une nouvelle génération de dirigeants français sans état d'âme, ils n'ont pas connu la guerre d'Algérie, ils ont la nostalgie de l'empire. Sarkozy est d'accord pour aider l'Algérie à installer des centrales électro-nucléaires contre un approvisionnement régulier et prioritaire en gaz. Il serait important que l'Algérie exploite, sans tarder, cette opportunité en toute transparence comme le lui permet le TNP. S'agissant de l'émigration choisie, il est nécessaire de comptabiliser cette hémorragie et évaluer sa contrepartie. C'est peut-être cela le «Traité» dénué de toutes charges émotionnelles et qui peut, peut-être, durer cent ans comme celui signé, en leur temps, par Louis XIV et le Dey d'Alger. Ce qui se passe en France ne doit pas nous être indifférent. 1.Ségolène Royal ne désarme pas face à François Bayrou, Lexpress.fr avec Reuters jeudi 26 avril 2007. 2.Laurent de Boissieu: Bayrou choisit de ne pas choisir. La Croix du 25 avril 2007 3.Youcef Driss: Second tour des présidentielles françaises: qui va «trinquer»? Le Quotidien d'Oran 26/04/2007. 4.Agora vox 25/04/2007:http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_article=23082 5. Agora vox: http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_article=23061.