L'Algérie s'apprête à faire voler le 5 juillet prochain – date symbolique du recouvrement de l'indépendance nationale – le premier drone algérien conçu et fabriqué par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs nationaux, purs produits de l'université algérienne, avec la précieuse collaboration de chercheurs expatriés algériens qui ont apporté leur savoir-faire dans la concrétisation de ce projet scientifique et technologique inédit. L'information peut prêter à sourire et paraître surréaliste pour un pays où la quasi-totalité de ses besoins en produits divers de consommation et biens d'équipement en passant par l'outillage, la pièce détachée, le médicament… est importée. Il y a quelques jours, des usines de fabrication de tracteurs et d'engins de travaux publics de dernière génération en partenariat avec des groupes industriels étrangers de renommée mondiale ont été inaugurées par le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, Cherif Rahmani. Sur la même lancée, on nous annonce la sortie prochaine de ce prototype d'avion sans pilote algérien ; une technologie considérée comme une chasse gardée d'un club fermé de pays, à leur tête les Etats-Unis d'Amérique. Le directeur général de la recherche scientifique au ministère de l'Enseignement supérieur qui avait abordé, hier, sur les ondes de la radio Chaîne III, cette première technologique de la fabrication du drone algérien a certainement étonné les auditeurs par son optimisme débordant sur ce projet présenté comme un prototype à 100% algérien qui n'a rien à envier à ce qui se fait ailleurs au plan du process de fabrication et de la maîtrise technologique. Ces innovations technologiques qui sont une fierté pour l'Algérie et un gage de la compétence éprouvée de nos chercheurs et ingénieurs auraient été sans nul doute saluées comme des événements historiques ainsi que le font d'autres nations à chaque fois qu'elles poussent les limites de la connaissance et du savoir. Si la réalité algérienne ne vient pas, hélas, nous rappeler ce paradoxe de l'Algérie, incapable de produire sa baguette de pain importée et qui se lance dans des projets innovants coûteux qui apparaissent objectivement futuristes, voire comme une lubie technologique. On pourra toujours nous rétorquer que l'Algérie se doit de se préparer aujourd'hui pour relever le défi technologique de demain en se lançant, à son rythme et selon ses moyens, dans un programme ambitieux en matière de recherche et d'innovation pour ne pas rester en rade dans un monde où il est de plus en plus prouvé, du fait de la récession économique et financière mondiale, que les faibles n'ont pas leur place. Soit. Mais il reste que toute avancée technologique doit être le reflet exact du développement socioéconomique du pays. Sans quoi cette quête technologique motivée par une folie des grandeurs de dirigeants en mal de puissance (virtuelle) basée, comme le font certains régimes autocratiques, sur la détention de l'arme nucléaire, ne sera que source de malédiction et de décadence. C'est dire que, pour être féconds, les choix technologiques doivent découler d'une appréciation objective et réaliste des capacités réelles d'un pays à innover et à développer son potentiel industriel sur la base d'une hiérarchisation intelligente des priorités et d'une démarche rationnelle qui allie ambition, réalisme et bonne gouvernance. En ces temps de doute, l'Algérie a besoin d'un pilote et non pas d'un avion sans pilote. Le pays est déjà en pilotage automatique.