Une peine de 12 années de reclusion assortie d'une amende de 2 millions de dinars et une privation de dix années d'exercice de la médecine a été retenue, hier soir, par le tribunal criminel près la cour d'Alger contre le médecin Hanouti Khelifa. Très attendue, l'affaire liée au «trafic d'enfants» qui a défrayé la chronique a finalement été jugée, hier, par le tribunal criminel près la cour d'Alger. Onze personnes sont poursuivies pour, entre autres, «association de malfaiteurs, faux et usage de faux en écritures publiques, enlèvement, séquestration et éloignement d'enfants de leurs mères». Le tribunal reproche au médecin, Hanouti Khelifa, d'avoir fait accoucher, dans son cabinet à Aïn Taya (Alger) des mères célibataires, sans avoir la qualité de gynécologue, dans le but de placer les nourrissons en adoption (kafala), en se faisant payer non seulement par les mamans mais aussi par les familles d'accueil. Au moins 12 enfants issus de mères célibataires ont été adoptés par des parents qui vivent en France. Hier, dans le box des accusés, seuls six des accusés étaient présents, dont deux – le médecin Hanouti Khelifa, et Saïdi Walid, fils de notaire – faisaient l'objet de détention provisoire depuis l'éclatement de l'affaire en 2009. La première personne à être appelée à la barre par le juge, Omar Belkherchi, est Hanafi Loundja, la femme chez laquelle Hanouti plaçait les mères célibataires avant l'accouchement. Elle reconnaît avoir accueilli trois mères célibataires enceintes. «Pour moi, il s'agissait d'un acte de bienfaisance. Je leur permettais de trouver un gîte en attendant qu'elles accouchent», ne cesse-t-elle de répéter. «Vous saviez que le docteur procédait à des avortements ?», lui lance le juge. Elle lâche : «Jamais. Pour moi, elles allaient accoucher. Je suis passée par cette situation et je sais quelle souffrance ces pauvres femmes endurent lorsqu'elles se retrouvent enceintes. Elles sont menacées de mort et rejetées par tous. Je voulais leur éviter une telle tragédie sans aucune contrepartie. Je jure que je ne savais pas ce que faisait le docteur. Je ne faisais que du bien.» Le juge ne semble pas convaincu. «Vous ne faisiez pas du bien. Vous encouragiez la dépravation. Vous avez trahi la société et les familles de ces femmes», lui lance-t-il, avant d'être interrompu par l'accusée. «Je n'ai trahi personne. Parmi ces femmes, certaines venaient accompagnées de leurs pères ou leurs frères», se défend-elle, avant de céder sa place à Makhlouf Dahbia, une autre nourrice, poursuivie déjà pour la mort suspecte d'un nouveau-né placé chez elle, en 2004, par le médecin. Elle déclare avoir accueilli, dans son chalet à Aïn Taya, six enfants que le médecin lui a ramenés. «Lorsque la police a perquisitionné votre domicile, trois enfants ont été retrouvés. Que faisaient-ils chez vous ?», interroge-t-il. L'accusée explique : «Je suis mère de huit enfants et mon mari ne travaille pas. Je fais la nourrice pour les enfants que le médecin me ramène. C'est une manière de m'aider. Les enfants ont des parents.» Le juge appelle Hanouti Hayet (sœur du médecin), Abderrahmane Ahmed, un des témoins ayant signé un des actes de kafala, Saïdi Walid, fils du notaire (à signaler que le notaire est mort en détention), et le médecin Hanouti Khelifa. C'est en fin de journée que l'interrogatoire du tribunal a pris fin. Le représentant du ministère public a requis une peine de 20 ans de réclusion contre Hanouti, assortie d'une amende de 5 millions de dinars, et d'une privation d'exercice de la médecine pour une durée de 10 ans. Une peine similaire assortie d'une amende de 2 millions de dinars a été également requise contre Saïdi Walid. Contre les autres accusées – Hanouti Hayet, Makhlouf Dahbia, Hanafi Loundja et Mouzaoui Amel – le parquet général a demandé une peine de 10 ans de réclusion assortie d'une amende d'un million de dinars. La même peine a été requise contre le reste des accusés, en majorité des émigrés ayant adopté les enfants et qui vivent en France, plus précisément à Saint-Etienne, la ville où le médecin possède un appartement. Il s'agit de Hadj Ali Aïcha, Ibari Boualem, Mouza Alfonso Daniel, Sain Zahia, Derdiche Hakim et Sayad Omar. Durant des heures, les avocats ont tenté de casser l'accusation en plaidant l'innocence des mis en cause. Pour eux, les actes de kafala sont légaux et aucune mère n'a déposé plainte contre eux. Les avocats du médecin ont tous fait l'éloge de ce dernier, affirmant qu'il ne faisait que des actes de bienfaisance en rendant service à ces mères célibataires menacées de mort par leurs familles et en sauvant les bébés dont elles voulaient se débarrasser. Les plaidoiries se sont poursuivies jusque en début de soirée. Une peine de 12 années de réclusion criminelle, assortie d'une amende de 2 millions de dinars et d'une privation de dix années d'exercice de la médecine a été finalement retenue, par le tribunal criminel près la cour d'Alger contre le médecin Hanouti Khelifa, et une autre de 5 ans de réclusion assortie d'une amende d'un million de dinars contre Saïdi Walid, le fils du notaire. Trois autres peines de trois ans avec sursis ont été prononcées, assorties d'une amende de 500 000 DA contre deux nourrices et un témoin (dans un acte de kafala), alors que Hanouti Hayet, la sœur du médecin, a été acquittée. Le tribunal a condamné à 10 ans de réclusion criminelle par contumace les six accusés absents, en l'occurrence les émigrés ayant adopté les enfants.