Mounir Hadj Messaoud, Lakhdar Oulhaci, Moussa Boussaha, Mohamed Djemil, Rachid Saïdi, les membres de l'association culturelle Wiam et d'autres noms liés de près ou de loin à la musique chaâbie s'étaient donné rendez-vous, récemment, dans la grande salle des spectacles du palais de la culture et des arts Mohamed Boudiaf de Annaba. Ils y étaient aux côtés d'une foule d'amoureux de ce genre de musique, un aspect de la vie culturelle des algériens parmi tant d'autres arguments ou illustrations, pour rendre hommage à Abdallah Bey, plus connu sous le nom de Brahim Bey, un grand nom local et national du chaâbi. Quelques heures plus tôt, le public avait été invité à participer à une conférence-débat sur les musique et chanson chaâbies. Avec les noms de plusieurs étoiles, certaines éteintes et d'autres encore étincelantes, Annaba a vécu, l'espace d'une soirée, les signes annonciateurs d'un retour aux sources du chaâbi avec tout ce qu'il enracine depuis la nuit des temps. Dans cette musique, le rêve et la réalité sont étroitement imbriqués, mêlés par la qualité des notes musicales et des paroles des chansons. Le plaisir est immédiat, simple, primaire. Un tapis sonore époustouflant d'un chaâbi qui pulse, qui emporte l'adhésion immédiate. Ce fut, d'une certaine manière, une irruption dans cette musique qui prend sa source à Mekhnès (Maroc) pour, comme une sève, alimenter Tlemcen, Mostaganem, Alger, Constantine, Annaba. Une sorte d'équivalent héroïque d'où émergent des noms de légende comme El Hadj Mohamed El Anka et autres freaks chaâbis d'un temps tout aussi légendaire. Dans cette musique, on y retrouve promiscuité et chaleur humaine. L'on n'énumérera pas les chanteurs et musiciens qui s'étaient succédé, ainsi que leur itinéraire au fil des siècles et des années. Dans cette musique, chacun y allait avec son charisme particulier et la magie de ses propres paroles, un arrangement chaâbi tellement superbe qu'on ne s'étonne même pas qu'il chante autre chose que le public attend de lui. Brahim Bey est de ceux là. Né en 1948, le fils de Hocine, également grand musicien chaâbi, s'est produit partout à travers le territoire du pays depuis ses premiers pas dans cette musique à l'âge de 13 ans. Il est l'auteur de 16 albums d'une harmonie languissante qui lui a permis de consolider le chaâbi dans l'orbite de la musique d'inspiration religieuse dont il avait dérivé. Il n'est plus nécessaire de présenter Brahim Bey. Il n'est pourtant pas superflu de redire à quel point sa musique et ses chansons émanent de la tradition séculaire du chaâbi algérien. Mieux que tout autre, il traduit les sentiments dans un langage musical compréhensible par tous. Les hésitations de son flux musical, les redondances de ses paroles, ses envolées lyriques reproduisent à l'infini les modèles des anciens du chaâbi. Toutes les chansons de Brahim Bey témoignent de la vie, de sa façon de voir, d'entendre et de sentir. Ses paroles et sa musique expriment toute la dualité de cet héritage : une vie quotidienne où la réponse au pouvoir est indirecte, mais aussi une vie intérieure où questions et réponses sont formulées sans détour. C'est à toute cette vie musicale, ramassée en quelques heures de féérie en une sorte de superbe flash-back dans le passé du chaâbi, à laquelle Annaba a rendu hommage. On rend justice à la direction de la culture de la wilaya d'avoir été l'initiatrice de ces 2 manifestations (conférence et soirée de musique chaâbie). Elle a ainsi permis au public de mieux connaître des personnages légendaires qui, de nos jours, ont besoin d'être débarrassés de la poussière du temps. Ce jeudi à Annaba, Brahim Bey, Oulhaci, Khrouf, Benaïssa, Rachid Saïdi, Abdeselem Bahmed et bien d'autres l'ont fait.