Le nord du Mali, la Syrie, Myanmar et les relations avec l'Algérie ont été les principaux points abordés, mercredi dernier en fin de journée, par Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), lors d'une conférence de presse. Intervenant à l'issue de sa visite en Algérie pour prendre part au colloque international de trois jours sur l'Emir Abdelkader et le droit humanitaire international, Peter Maurer a fait état d'un bilan «positif» des dix années (depuis 2001) de coopération entre le CICR et l'Algérie. «Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes. Cependant, nous pouvons dire que nos suggestions sont suivies de réponses de la part des autorités algériennes. Ce qui fait la différence entre les pays, c'est la volonté d'amélioration d'une situation. C'est le cas pour l'Algérie», a déclaré M. Maurer à propos des visites de son organisation dans les prisons et lieux de détention en Algérie. A une question sur la situation des ressortissants sub-sahariens se trouvant sur notre territoire, l'orateur a répondu : «L'Algérie, qui était un pays de transit pour les ressortissants sub-sahariens, est devenue depuis quelques années une destination des migrants, dont les besoins sont très importants. Le rôle du CICR se limite au rétablissement des liens familiaux de ces ressortissants.» Le conférencier n'a pas été très prolixe sur la question des réfugiés sahraouis se trouvant au sud du pays. Il s'est limité à rappeler la construction par son organisation d'un centre orthopédique au profit des réfugiés, en faisant remarquer que la situation de ces derniers relève du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) près de l'ONU. Interrogé sur la crise malienne, le conférencier a exprimé son «inquiétude» face à la situation «d'insécurité» qui prévaut au nord du Mali en affirmant : «Les risques restent considérables dans cette région, même si les centres urbains sont relativement calmes. Des mines sont disséminées un peu partout et la situation n'est pas sûre dans les régions rurales.» Tout en notant que le retour des populations réfugiées «ne se fait pas tel qu'espéré, après l'opération militaire française Serval». Il a précisé que dans la région du Sahel, «l'Algérie est le pays le moins touché par l'exode des populations, comme le Burkina, la Mauritanie et le Niger où nous sommes actifs sur tous les fronts». Après une interruption, due aux opérations militaires, «la mission humanitaire, lancée par le Comité, a repris ses activités pour mettre à la disposition de 400 000 personnes se trouvant dans certaines parties du territoire, l'aide humanitaire nécessaire. Dans les zones rurales, nous assurons la livraison de médicaments aux hôpitaux et nous avons aidé à l'installation de sept centres médicaux». Avec un budget de plus de 70 millions de francs suisses, révèle le conférencier, le Mali est, aujourd'hui, la troisième plus importante opération du CICR, après celles de l'Afghanistan et de la Syrie (avec un budget de 100 millions de francs suisses), ce pays où l'organisation humanitaire est «la seule» encore présente sur le terrain et qui a réussi «à être sur tous les fronts avec l'aide du Croissant-Rouge syrien». Les opérations humanitaires en Syrie deviennent dangereuses et précaires La situation, a souligné Peter Maurer, «nous préoccupe beaucoup. Cela fait plus de 2 ans qu'elle perdure. Le CICR a réussi à négocier davantage d'opérations qui lui ont permis d'être sur la ligne de front afin d'acheminer des convois de médicaments et de nourriture. 400 000 à 500 000 personnes attendent chaque jour de l'aide et les opérations humanitaires deviennent de plus en plus dangereuses et précaires en même temps. Les combats n'épargnent aucune région et élargissent la surface du conflit. Ce qui complique l'action du CICR sur le terrain». Le conférencier a précisé que le CICR «n'apporte pas de solution politique». Sa mission, a-t-il dit, est de faire en sorte que les populations civiles bénéficient de l'aide humanitaire dans le but de soulager leur souffrance. «Or, sur le terrain, le nombre de victimes s'accroît de manière exponentielle, et l'impact sur les pays voisins est très important. Nous pouvons dire que la région est confrontée à une crise d'importance majeure. Toutes les parties en conflit violent de manière systématique le droit humanitaire international consacré par les Conventions de Genève. Même si ce n'est pas de la même manière, des deux côtés, il y a violation du droit. Par exemple, une des parties militarise les hôpitaux qui de fait deviennent une cible pour l'autre partie. La situation est extrêmement difficile. C'est un conflit où le front bouge tous les jours. Nous sommes présents un peu partout, mais nous n'avons pas la possibilité d'atteindre certaines régions qui restent des taches blanches sur notre carte de la Syrie. La situation est extrêmement compliquée. Nous ne savons pas ce qui va se passer demain», a-t-il noté. Interrogé sur les actions du CICR à Myanmar, où la communauté musulmane est quotidiennement victime de violence de la part de la communauté bouddhiste, M. Maurer a relevé les difficultés que rencontre l'organisation qu'il préside dans certaines zones de conflit, en disant qu'«il est plus difficile et plus complexe d'intervenir dans des situations inédites, comme celles à Myanmar où la violence est exercée par une partie de la population contre une autre». Sur la question du financement de l'organisation, M. Maurer a reconnu que les ressources sont devenues «difficilement disponibles». Une grande partie, a-t-il précisé, provient de l'Europe et une autre de l'Occident (OCDE), dont les Etats sont concernés par les restrictions budgétaires. «Nous sommes dans l'obligation d'aller à la recherche d'autres bailleurs et d'encourager les sociétés nationales à participer au financement de l'organisation», a expliqué le président du CICR. Il a tenu à relever que le comité est souvent mis devant des situations assez difficiles, où des pays attirent plus d'aide que d'autres, alors que la crise à laquelle ils sont confrontés est moins dangereuse qu'ailleurs. «Au centre du Congo et en Somalie, la population est à la limite de la survie. Sa situation est de loin plus grave que celle de la Syrie qui pourtant a attiré un budget de 100 millions de francs suisses», a noté le président du CICR.