Les journalistes algériens condamnés pour « outrage à fonctionnaire, offense au président de la République, outrage à corps constitué, diffamation et injure » bénéficient d'une grâce présidentielle. « A l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a décidé en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 77-7 de la Constitution, des mesures de grâce au profit des journalistes condamnés définitivement », a annoncé un communiqué de la Présidence repris, hier, par l'APS. Les mesures de grâce en question comportent, a précisé le communiqué, une remise totale des peines prononcées à l'encontre des journalistes condamnés pour les raisons précitées. Mohamed Benchicou, directeur du quotidien suspendu Le Matin, emprisonné depuis le 14 juin 2004, est-il concerné par cette mesure ? Peu probable, d'autant que, selon le communiqué, la grâce concernera uniquement les journalistes condamnés pour des affaires de « diffamation, d'injure, d'offense au chef de l'Etat et d'outrage à fonctionnaire ou corps constitué ». Benchicou, lui, a été mis en prison, rappelons-le, pour « infraction à la législation des changes et transfert illégal des capitaux ». C'était en tout cas la raison avancée pour justifier son emprisonnement. Mais, pour le monde de la presse et les défenseurs des droits de l'homme, Benchicou a été mis derrière les barreaux pour ses écrits. Ses différends avec le président Bouteflika et le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, étaient, selon ses proches, la raison essentielle de son arrestation et les « bons de caisse » n'étaient qu'un prétexte pour cacher cette raison. La mesure de grâce en faveur des journalistes est considérée, selon le communiqué de la Présidence, comme une garantie de la volonté du pouvoir de promouvoir la liberté de la presse. « Cette mesure, qui exprime le souci constant du chef de l'Etat à préserver, à consolider et à renforcer la liberté de la presse, est un gage supplémentaire pour la sauvegarde des droits et des libertés dans notre pays, sauvegarde à laquelle contribue grandement la presse nationale », a ajouté le président de la République. Pour le premier magistrat du pays, la même mesure exprime « l'engagement irrévocable de l'Algérie dans la voie de la démocratie et du pluralisme politique ». Cette grâce présidentielle, une première depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir en 1999, est importante, mais pas suffisante pour la promotion de la liberté de la presse. L'Algérie n'a cessé, ces dernières années, de récolter les mauvais points en matière de liberté en général et la liberté de la presse en particulier. Les rapports des ONG nationales et internationales ont condamné à maintes fois le gouvernement algérien pour sa « politique de répression » et d'« 'instrumentalisation de la justice » pour museler la presse indépendante. En sus du harcèlement contre la presse indépendante, le pouvoir maintient son emprise sur les médias publics, dont la radio et la télévision.