Les grands bouleversements socio-économiques et géopolitiques qui ont marqué ces trois dernières années ont largement contribué à redessiner la carte des migrations internationales. Les attentes des migrants par rapport aux liens qu'ils entretiennent avec leur pays d'origine ont également changé ainsi que leur façon d'envisager et de matérialiser leur engagement vis-à-vis de leur communauté d'origine. Du fait de toutes ces évolutions, la problématique du rapport migration-développement n'a jamais été aussi présente dans l'agenda politique international qu'aujourd'hui. Et c'est justement dans le souci de cerner les contraintes et de répondre de mieux en mieux aux aspirations des communautés expatriées de par le monde que l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM) a pris l'initiative d'organiser la première Conférence ministérielle sur la diaspora. Cette conférence de haut niveau, qui s'inscrit dans le cadre du dialogue international sur la migration 2013, réunira, les 18 et 19 juin à Genève (Suisse), des ministres et des hauts fonctionnaires de ministères et d'administrations publiques directement chargés de mettre en œuvre les politiques et les programmes relatifs à la diaspora. L'Algérie y sera représentée par une importante délégation conduite par Belkacem Sahli, Secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Communauté nationale à l'étranger. L'opportunité sera ainsi donnée aux participants issus du monde entier de «mettre en commun leurs expériences respectives de travail avec leurs ressortissants à l'étranger et de recueillir de nombreuses et précieuses informations auprès de leurs homologues du monde entier. Elle vise en outre à passer en revue les bonnes pratiques, à renforcer la collaboration entre ministères et entités de haut niveau et à améliorer le partage d'idées et de pratiques en s'appuyant sur les vastes connaissances spécialisées de la diaspora que possède l'OIM sur le plan des politiques et de la recherche, ainsi que sur le plan opérationnel», a expliqué, dans une déclaration à El Watan Economie, Françoise Droulez, assistante chargée des médias et communications à l'OIM. «Les conclusions et recommandations attendues de la Conférence de Genève devraient aider à préparer le Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement qui se tiendra à New York en octobre 2013 sous l'égide des Nations unies», ajoute notre interlocutrice. D'autant que dans les pays d'origine ont pu être observés un renouvellement des relations avec les diasporas et des institutions politiques en lien avec elles ainsi qu'une prise de conscience accrue de l'importance du potentiel qu'elles représentent pour le développement économique et social dans le monde. 501 milliards de dollars de transferts de fonds en 2011 Il est aujourd'hui avéré que les diasporas disposent d'importantes ressources. D'abord en termes financiers, comme en témoigne le niveau des transferts de fonds officiels à destination des pays en développement, estimés par la Banque mondiale à plus de 372 milliards de dollars en 2011 contre 501 milliards dans le monde, y compris vers les pays à revenus élevés, puis en termes de capital humain, puisque près d'un tiers des migrants récents dans les pays de l'OCDE dont diplômés du supérieur contre moins de 6% en moyenne dans leur pays d'origine. «Ces dernières décennies, la mobilisation des diasporas sur des questions considérées traditionnellement comme se rapportant au développement, telles que la réduction de la pauvreté, la croissance économique, le commerce ou le redressement post-crise, a suscité un intérêt croissant parmi diverses parties prenantes. Cet intérêt est à chaque fois réaffirmé lors des débats internationaux, notamment dans le cadre des différentes sessions du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD)», insiste Françoise Droulez. Les gouvernements cherchent les moyens de resserrer leur collaboration avec les communautés expatriées en concrétisant leurs aspirations et en les aidant à maximiser leur potentiel. Celui-ci n'est pas uniquement lié au rapatriement des fonds mais comprend un large éventail de ressources qui peuvent être mobilisées à travers les réseaux internationaux. C'est pourquoi, précise-t-elle, la conférence devrait permettre aux participants de dresser un aperçu sur les diverses contributions des communautés de la diaspora à leur pays d'origine et de résidence et à proposer quelques domaines dans lesquels peut être maximisé l'impact de leur mobilisation. Il est à ce titre important d'étudier les stratégies susceptibles de faciliter leur participation des deux côtés. Pour cela, renchérira la représentante de l'OIM, sera suggérée une approche reposant sur trois piliers : la mobilisation, la création de conditions favorables et l'autonomisation- qui constituent le cadre permettant d'identifier les politiques et les programmes destinés à développer les possibilités de participation aux processus de développement offertes aux communautés de la diaspora, ces dernières constituant à la fois un capital humain, social, culturel et surtout économique qui ne peuvent être occultés. Des moyens de transfert chers Les rapatriements de fonds sont un élément important de la contribution économique des diasporas au bien-être de leur famille ou des membres de leur communauté dans leur pays d'origine, mais cette contribution ne se limite pas au transfert de capitaux financiers, explique la même source. Les échanges commerciaux entre pays d'origine et de destination effectués par les diasporas sont eux aussi non négligeables. Les membres des diasporas qui investissent dans leur pays d'origine en y créant de petites et moyennes entreprises ou par le biais d'investissements étrangers directs, participent de manière déterminante à la réduction de la pauvreté et au dynamisme économique mondial. En témoigne l'étude récente qui a fait ressortir qu'en moyenne, une augmentation de 10% de la part des rapatriements de fonds internationaux dans le PIB d'un pays permet de réduire de 1,6% la proportion d'habitants vivant dans la pauvreté. A pu être, toutefois, soulevée par les auteurs de la même étude une contrainte de taille. Elle réside dans les coûts de transaction qui restent élevés, rendant difficile l'exploitation des rapatriements de fonds aux fins de développement. L'exemple de l'année 2011 est des plus édifiants : le coût moyen, dans le monde, d'un transfert de 200 dollars était de 9,30%. Certaines filières de rapatriements de fonds coûtent particulièrement cher. En la matière, les cinq plus chères au monde ont été recensées en Afrique. Un obstacle majeur auquel la conférence de Genève tentera d'étudier les mécanismes à mettre en place pour que les diasporas puissent être porteuses de projets susceptibles de développer l'emploi et les infrastructures surtout au niveau local. Les pays de destination y seront, pour leur part, interpelés sur un phénomène qui a tendance à se propager de manière fort inquiétante : Les migrants sont de plus en plus exposés à différentes formes de marginalisation notamment en raison de barrières culturelles, sexo-spécifiques et linguistiques et de sentiments hostiles à leur égard, qui sont exaspérés en ces périodes de récession économique, déplore l'OIM. Cette situation se reflète dans les politiques en place dans tous les domaines, l'emploi, la santé et la protection sociale en particulier.