La grâce décidée par le président de la République au profit des journalistes condamnés définitivement pour des délits de presse concerne 200 journalistes dont une centaine exerce à Alger. Selon une source judiciaire citée par l'APS, « ces mesures qui touchent les journalistes condamnés à travers l'ensemble du territoire national, avec ses 36 cours et 193 tribunaux, s'appliquent à ceux qui ont épuisé toutes les voies de recours, c'est-à-dire de l'opposition jusqu'au pourvoi en cassation ». La même source a parlé des « condamnations à l'amende pénale, avec sursis ou à l'emprisonnement ferme ». Interrogé sur les effets des mesures prises par le président de la République, Me Khaled Bourayou a estimé que « cette grâce n'a aucun effet », puisque, a-t-il ajouté, « de nombreux journalistes n'en profitent pas pour la simple raison qu'ils n'ont pas été condamnés définitivement. Quant à Mohamed Benchicou, emprisonné depuis le 14 juin 2004, il est également exclu du bénéfice de ces mesures dès lors qu'il est condamné pour un délit de droit commun ». L'avocat de la presse a souhaité voir le président décréter une amnistie dont l'effet sera plus large et plus rapide. Le Comité Benchicou pour les libertés de son côté a établi, hier, une liste non exhaustive des journalistes qui ne sont pas éligibles à la décision présidentielle. Dans ce tableau figurent 20 journalistes et 5 éditeurs (Mohamed Benchicou, Fouad Boughanem, Ali Djerri, Omar Belhouchet et Hadj Daoud Nedjar). Ayant fait appel, ces derniers ne sont pas concernés par la grâce présidentielle. Le Syndicat national des journalistes (SNJ), par la voie de son secrétaire général par intérim Kamel Amarni, a qualifié l'initiative du chef de l'Etat de « non-événement ». Pour lui, « toute volonté politique de dédramatiser les relations entre le pouvoir et la presse passe nécessairement par la libération de Mohamed Benchicou et l'extinction de toutes les poursuites judiciaires, pour délit d'opinion, au profit des autres journalistes ». Les journalistes et les éditeurs, chacun y va de sa propre analyse pour commenter la grâce présidentielle. Certains ont cru voir dans ces mesures « un geste auguste et magnanime ». D'autres ont « salué l'initiative tout en souhaitant des mesures plus larges ». Cependant, beaucoup se sont empressés d'applaudir avant même d'examiner les termes du communiqué officiel pour comprendre la portée des mesures promulguées. L'effet d'annonce passé, ils se seraient tous rendu compte qu'il fallait plutôt prendre cette « générosité » avec des pincettes. D'abord parce que l'énoncé de cette mesure est confus. Ensuite parce que la plupart des affaires liées aux délits de presse ne sont pas définitivement jugées. Mais au-delà du nombre de journalistes qui seront graciés - tant mieux pour les 200 journalistes concernés, soit dit en passant - l'on s'interroge sur les véritables visées d'une telle mesure. Est-elle un artifice pour cacher une réalité peu glorieuse ? S'agit-il d'une décision destinée à la consommation externe ? Il est vrai que cette mesure est la première depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir en 1999, mais, avant lui, le harcèlement contre la presse était moins pesant et les journalistes condamnés se comptaient sur les doigts d'une seule main.