Le pouvoir politique est mis entre les mains du président de la Cour constitutionnelle, Adly Mansour, jusqu'à la tenue d'une présidentielle anticipée. Morsi hors jeu. L'armée égyptienne a tourné, hier, la page du président Mohamed Morsi comme elle l'avait fait en février 2011 pour Hosni Moubarak. Le président issu du mouvement des Frères musulmans, qui a été triomphalement élu il y a juste une année, n'a pu survivre à son premier anniversaire à la tête de la bouillante Egypte. Dans une déclaration lue hier soir à la télévision, le général Abdelfattah Al Sissi, chef d'état-major de l'armée égyptienne, a annoncé la mise à l'écart du président Mohamed Morsi sous forme d'un «doux» coup d'Etat. Le chef de l'armée, qui sortait d'un conclave de l'état-major, a également annoncé la feuille de route d'une période de transition, le temps de revenir au processus électoral. En attendant, l'armée a décidé de suspendre «provisoirement» la Constitution égyptienne et le remplacement du président Mohamed Morsi à la tête de l'Etat par le président de la Cour constitutionnelle. Le général Al Sissi a également annoncé que l'Egypte sera désormais dirigée par un gouvernement «d'experts» et des «compétences nationales» et qu'une commission sera chargée de réviser la Constitution. Le chef d'état-major a appelé de ses vœux à l'organisation des élections présidentielle et parlementaires ainsi qu'à la création d'un comité de réconciliation nationale incluant les mouvements de jeunesse. Il n'a toutefois pas fixé de date ni de calendrier pour la tenue de ces élections. Abdelfattah Al Sissi n'a pas manqué, en revanche, de mettre en garde contre d'éventuels actes de violence. «L'armée et la police répondront à toutes les violences», a-t-il menacé.Cette feuille de route déclinée par le chef de l'armée égyptienne, qui constitue un coup d'Etat qui ne veut pas dire son nom, a été accueillie par la joie et les youyous sur la place Tahrir. Des feux d'artifice ont illuminé la nuit cairote dès la fin du discours du général. Un coup d'Etat «béni» A quelques centaines de mètres, c'est le silence des cimetières chez les partisans du président Mohamed Morsi. Ce dernier, dont on ne savait pas, à l'heure où nous mettions sous presse, où il se trouvait, a aussitôt appelé les Egyptiens à résister «pacifiquement» au «coup d'Etat» de l'armée. «Le président appelle tous les Egyptiens à résister pacifiquement à ce coup d'Etat, comme il le fera lui-même», a déclaré un conseiller de Morsi. «Ce qu'ils ont fait est illégal, ils n'ont pas autorité pour le faire», a-t-il ajouté juste après la déclaration du chef de l'armée, le général Abdelfattah Al Sissi, annonçant que le président du Conseil constitutionnel prenait la direction du pays. Le désormais ex-président d'Egypte s'est par la suite fendu d'un tweet où il a dénoncé un «coup d'Etat complet». «Les mesures annoncées par le commandement des forces armées représentent un coup d'Etat complet, rejeté catégoriquement par tous les hommes libres de notre pay», a-t-il déclaré sur Twitter. Morsi appelle à la «résistance pacifique» En revanche, son opposant Mohamed El Baradei, qui était présent lors de l'annonce du limogeage de Morsi, a estimé que la feuille de route de l'armée «répond à la volonté du peuple». De leur côté, le grand imam Ahmed Al Tayeb d'Al Azhar et le patriarche copte orthodoxe Tawadros II, présents eux aussi, ont «béni» l'un après l'autre le renvoi de Mohamed Morsi. Cela dit, il était aisé de comprendre le souci de la hiérarchie militaire de réussir son orchestration du renvoi de Morsi pour maquiller un coup d'Etat. En convoquant à ses côtés les deux personnages religieux (l'imam d'Al Azhar et le patriarche orthodoxe) ainsi que le symbole de l'opposition El Baradei, le général Al Sissi a voulu envoyer un message subliminal : l'armée n'a pas agi seule. On remarquera aussi que les capitales occidentales, notamment Washington, se sont bien gardées de qualifier le renversement de Morsi de coup d'Etat. Mais au-delà, la poussée populaire contre le président des «Frères» emmenée par le fameux mouvement Tamarod (rébellion) a fini par avoir raison de sa ténacité à ne pas se laisser impressionner par les clameurs de la place Tahrir. L'armée, qui a dû se plier à la volonté populaire d'adouber un président islamiste, reprend ainsi rapidement les rênes du pouvoir même si elle s'en défend. Une question qui coule du Nil : les troupes des Frères musulmans vont-elles baisser les bras ou répondront-elles à l'appel à la «résistance pacifique» lancé par Morsi ?