Après avoir donné un ultimatum aux parties en conflit pour trouver une solution politique consensuelle, l'Armée égyptienne a pris les devants hier. Dans ce qui ressemble à un coup d'Etat militaire sans fards, les blindés ont envahi la capitale se positionnant notamment près des rassemblements des militants pro Morsi. En fin de journée, elle passera à l'acte en écartant Morsi pour le remplacer par le chef de la Cour constitutionnelle. Un porte-parole du Parti de la liberté et la justice, aile politique de la confrérie, avait déjà annoncé, une heure après l'expiration de l'ultimatum, qu'un coup d'Etat était en cours d'exécution et que des chars étaient déployés dans les rues. Reuters faisait état de plusieurs centaines de militaires égyptiens défilant sur la principale avenue près du palais présidentiel. Washington se disait inquiet des développements sur le terrain au Caire, avant de préciser que les propositions contenues dans le discours de Morsi étaient insuffisantes. Le président Morsi, selon des médias égyptiens, était confiné dans le quartier général de la Garde républicaine. Auparavant, des informations indiquaient que le président Mohamed Morsi et plusieurs dirigeants des Frères musulmans ont été interdits de quitter l'Egypte, dans le cadre d'une enquête sur une affaire d'évasion de prison en 2011 ! Des responsables à l'aéroport du Caire ont confirmé aux agences de presse avoir reçu l'ordre d'empêcher les responsables islamistes, dont le Guide suprême de la confrérie Mohammed Badie et son «numéro 2», Khairat al-Chater, de voyager. L'interdit était annoncé par le journal gouvernemental Al-Ahram. Le plus grand journal égyptien précisera que l'interdit était un des points fondamentaux de la fameuse «feuille de route» des militaires. Cette feuille de route, selon la même source, prévoit une suspension de la Constitution et la rédaction d'une nouvelle, la mise en place d'un Conseil présidentiel de trois membres, dirigé par le président de la Cour suprême constitutionnelle, la mise en place d'un gouvernement intérimaire sans appartenance politique. Ces autorités devraient organiser des élections législatives et présidentielles. Le chef de l'armée égyptienne, Abdel Fattah al-Sissi, qui a mené les tractations avec Mohammed El Baradei, le patriarche copte Tawadros II et l'imam d'Al Azhar, Ahmed al-Tayeb, laissera la primeur de l'annonce à la télévision aux chefs religieux et à l'ancien chef de l'Aiea. Les représentants du parti salafiste al-Nour et du Parti de la liberté et de la justice ont refusé de prendre part à ces réunions où tout semblait joué à l'avance. Autant d'indices permettant de dire que la feuille de route de l'armée prenait drôlement la forme d'un coup d'Etat militaire en gestation. Le tweet de la présidence qui affirmait qu'il s'agissait bel et bien d'un coup de force de l'armée égyptienne, renforçait cette tendance. Le conseiller pour la sécurité nationale du président Mohamed Morsi, Essam al-Haddad, a dénoncé un «coup d'Etat militaire». «Alors que j'écris ces lignes, je suis parfaitement conscient qu'elles sont peut-être les dernières que je vais publier sur cette page», a ajouté M. Haddad. Les événements se succèdent en attendant une annonce officielle. Aéroports fermés, arrêt de la circulation des trains et déploiement des forces armées dans les rues du Caire, le scénario complet du coup d'Etat. Du moins les partisans de Morsi en avaient cette conviction. Place Tahrir, on scandait tout simplement le renvoi du président Morsi. Son appel à la formation d'un «gouvernement de coalition et de consensus afin d'organiser des législatives à venir» aura été la dernière tentative d'arrêter la machine mise en branle. Même Washington, en jugeant cette initiative insuffisante, semblait sceller le sort du premier Président démocratiquement élu en Egypte une année à peine après son avènement au pouvoir. G. H.