Rien ne va plus entre le France et la Turquie. Alors que l'Assemblée nationale française a programmé pour le 18 mai prochain, un deuxième examen de la proposition de loi de 1998 sur le « génocide arménien », la Turquie, selon nos sources, a décidé si cela a lieu, de rappeler son ambassadeur de France, « elle réduira sa représentation à un degré moindre, voire symbolique », nous a-t-on déclaré. Il faut rappeler que la Turquie avait protesté officiellement, dès le lendemain de l'adoption, à l'unanimité, de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste, et qui « reconnaît publiquement le génocide arménien ». Même si la loi dit « qu'elle ne nomme pas l'auteur de ce génocide », la Turquie n'a pas été dupe sur le sujet. En effet, c'est la France officielle qui avait mis sur la table la question de la reconnaissance du génocide arménien par les turcs, entre autres, comme condition de son entrée à l'Union européenne. De plus, un série d'inaugurations de stèles commémoratives du génocide arménien de 1915 ont été érigées en France, ainsi que son introduction dans les programmes scolaires, notamment celui de 1res des lycées. 5000 nouveaux livres sur ce génocide viennent d'être édités et destinés au secteur de l'éducation. Les manifestations appelant au « devoir de mémoire » de la Turquie officielle, organisées dans l'hexagone, dont celle du 15 mars dernier, ont fini par pousser la Turquie à une réaction diplomatique assez forte. Parallèlement, les turcs sont appelés, dans une campagne nationale menée par des ONG, au boycott de tous les produits français. Une liste comprenant des centaines de firmes et d'articles français, dont Total, Elf, Peugeot, Renault... En passant par les produits agricoles, de transformations... circule dans le pays et à travers les médias locaux. Le problème est sérieux entre les deux Etats. Alors que ce fût la gauche (PS) qui a été à l'origine de cette loi, les turcs savent que la droite française n'a pas été du reste. La preuve, selon eux, c'est que Patrick Devedjian, député UMP et soutien de Sarkozy, qui semble-t-il, est à l'origine de la demande de réexamen de la loi, a été l'avocat du groupe terroriste ASALA, proche de la question arménienne, qui avait abattu dans les années 1980, près de 20 diplomates turcs à travers le monde. Journalistes et hommes politique turcs voient dans cette manœuvre des visées électoralistes en direction de la diaspora arménienne en France. Comme l'histoire aime se répéter, les intellectuels turcs, sans remettre en cause le drame des arméniens de 1915, estiment que c'est aux historiens et non aux politiques de s'exprimer sur les faits historiques. Ils rappellent aux français leur refus de reconnaître les massacres qu'ils ont perpétré contre des civils en Algérie, notamment ceux de Sétif et Kherrata en ce 8 mai 1945. Sans vouloir faire dans la « concurrence ou la surenchère mémorielle », les turcs ne comprennent pas pourquoi la France officielle exige d'eux un mea culpa vis-à-vis des arméniens, alors qu'elle vote une loi glorifiant son passé colonial sombre en Algérie ? Ainsi, six ans après le vote de l'assemblée française de la proposition de loi sur le génocide arménien, la Turquie est décidée à en découdre sérieusement avec la France. Jamais peut-être, la perspective d'une élection présidentielle française n'a remué tant de blessures de l'histoire que celle de mai 2007.