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On l'appelle Madiba
La chronique africaine de Benaouda Lebdaï
Publié dans El Watan le 06 - 07 - 2013

L'Afrique du Sud est un pays post-apartheid depuis 1994, avec Nelson Mandela comme premier président noir, élu après 352 ans de colonisation.
Ainsi, les Noirs et les Blancs l'appellent affectueusement «Madiba», nom d'un chef de sa tribu qui a vécu au XVIIIe siècle. Né à Qunu dans le Transkei, Nelson Mandela fut un enfant heureux. Il a parcouru, depuis, un long chemin, traversant le XXe siècle et le début du XXIe avec une passion sans réserve. Cette longue et superbe vie, cet extraordinaire itinéraire, ne peuvent être contenus dans cette chronique.
Son autobiographie, La longue marche, et son ouvrage, Discussion avec moi-même, soulignent son extrême intelligence et son incommensurable volonté. Berger dès l'âge de cinq ans, même s'il appartenait à une lignée royale, on lui a appris qu'il fallait compter sur lui-même dans la vie. Sa soif d'apprendre et sa volonté à vouloir aller au-delà de son village l'ont mené à poursuivre de longues études, ce qui n'était pas acquis d'avance dans ces années-là pour un Noir. Il devient avocat dans la grande ville de Johannesburg. De la culture Xhosa acquise dans son village, il retient l'importance de la vie en communauté, la générosité envers autrui et l'échange. Ces éléments furent le moteur de toutes ses actions et expliquent son engagement politique, au-delà de sa révolte fondamentale en tant que Sud-Africain noir révolté par le racisme et luttant contre l'apartheid.
Dans son enfance, il avait entendu le nom de Robben Island, comme étant l'île de la mort et de la déportation. En Xhosa, on l'appelait «Esiquithini» et cela depuis le XIXe siècle avec le premier Xhosa à y être déporté, un certain Makana, un des héros du jeune Nelson Mandela qui ne savait pas que son futur engagement allait le mener à passer
27 ans de sa vie sur cette même île, dans une cellule minuscule. Mandela a étudié grâce aux missions chrétiennes britanniques. Brillant, il a attiré l'attention de ses enseignants qui l'ont poussé vers les études supérieures dans les années 1940. La seule université qui acceptait quelques Noirs était Witwatersrand, à Johannesburg, et c'est donc là qu'il débuta des études de droit. Il se mêle aux syndicalistes communistes des mines et il rejoint l'ANC en tant que militant, approchant ainsi des leaders comme Walter Sizulu qui se souvient toujours du jeune homme athlétique et fort élégant qu'il était, avec cette aura naturelle qui l'a toujours caractérisé.
Il se marie avec Evelyn Mase qu'il quitte quand elle lui demande de choisir entre elle et la politique, le foyer conjugal ou la libération de son peuple. C'est à cette période qu'il rencontre la belle Winnie Madikizela qui faisait des études d'infirmière à Johannesburg. Ils se marièrent en juin 1958. Winnie savait qu'en épousant Mandela, elle épousait la cause du peuple sud-africain et la lutte contre l'apartheid. Quelques années après son mariage, il rentre dans la clandestinité car recherché par la police de Pretoria. Il vivait à Soweto dans une petite maison que j'ai eu l'occasion de visiter et où il fut arrêté en 1959. Il fut jugé pour haute trahison durant le célèbre procès de Rivonia où il affirmait déjà qu'il ne luttait pas contre les Blancs mais contre le système inique de l'apartheid.
La clandestinité de Mandela fut très dure pour le jeune couple qui venait d'avoir une petite fille. Winnie Mandela se rappelait : «J'attendais toujours les petits coups sur la vitre vers l'aube, quand il réussissait à venir voir la petite famille.» L'activité de Mandela était intense, il avait voyagé en Afrique au nom de l'ANC pour récolter des fonds et de l'aide. Arrêté à nouveau, condamné à perpétuité pour terrorisme, il fut transféré à Robben Island, en 1963, où il subit travaux forcés, humiliation et déstabilisation psychologique. L'homme est exceptionnel d'humanité dans ses rapports avec les autres prisonniers politiques, dans son combat pour la reconnaissance de son statut de prisonnier politique et celui des autres prisonniers de l'ANC, dans ses rapport avec le peuple noir, métisse et indiens sud-africains, et aussi avec les libéraux blancs, comme Nadine Gordimer, qui luttaient contre l'apartheid. Durant cette vie de courage, il faut rendre hommage à Winnie Mandela qui a maintenu, durant le très long emprisonnement de son mari, le nom de Mandela dans l'actualité dans le cadre de la campagne «Free Nelson Mandela» et dans les townships où elle a maintenu la flamme de ce nom vivante.
C'est ainsi que le gouvernement de Pretoria, sous De Klerk, cédant à la pression internationale, débuta des négociations secrètes avec Nelson Mandela, pour sortir l'Afrique du Sud de l'impasse. Le monde entier a vu la libération de Nelson Mandela de Robben Island, auprès de Winnie Mandela, en février 1990. Nelson Mandela a réussi le tour de force de réconcilier l'inconciliable, d'éviter un bain de sang entre Blancs et Noirs en défendant l'idée d'une «nation arc-en-ciel», un bel exemple contre la bêtise humaine. Aujourd'hui, l'Afrique du Sud doit aller de l'avant en réglant les problèmes économiques et sociaux des Sud-Africains démunis, l'unique manière de continuer le combat d'un homme si humble dans sa vie privée mais si grand pour l'humanité. Nelson Mandela est une grande référence pour tous ceux épris de justice et d'équité. Le savoir aujourd'hui finissant ne peut faire oublier la force morale qu'il représentera toujours en tant que symbole de l'Afrique et de l'humanité.


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