Mouloud Hamrouche trouve qu'il y a « une part de diversion » dans la profusion de réactions à la loi française du 23 février 2005 reconnaissant un caractère « positif » au colonialisme. L'homme invite à l'humilité et à l'autocritique plutôt que de continuer à faire dans le « bruit ». « Voilà un Etat qui fait une loi pour glorifier son passé, encore faut-il garder à l'esprit que l'histoire est une affaire de lectures et d'historiens. Mais nous, qu'avons-nous fait ? », s'est interrogé l'ancien chef de gouvernement qui était l'invité hier de l'Organisation nationale des enfants de chouhada (ONEC) et de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) à Kherrata, à l'occasion du 61e anniversaire des massacres du 8 mai 1945. « Ce que l'on sait des événements de Kherrata et d'ailleurs, on l'a lu chez des historiens français. Nous, nous nous sommes occupés à effacer notre histoire, à la tronquer ou à l'instrumentaliser. Notre histoire, nous devons l'assumer dans son intégralité. II faut qu'elle cesse d'être exploitée », a-t-il dénoncé. M. Hamrouche est convaincu que sans la libération de l'individu et le respect de ses droits de citoyen, aucun élan de développement n'est possible. Il invite à interroger l'histoire du pays depuis les lustres les plus reculés, particulièrement celle de l'Algérie indépendante, pour se rendre compte que « les sacrifices consentis ont trop souvent été disproportionnés par rapport aux acquis ». La rencontre, à laquelle ont pris part des élus et des opérateurs économiques de la région de Béjaïa, a donné l'occasion au chef de file des réformateurs qui ont ouvert le champ politique au début des années 1990 de proposer des éléments d'approche pour la situation politique du pays. « J'aurais pu vous rassurer, vous dire que l'Algérie va bien..., mais je ne le ferai pas et vous savez comme moi que les choses vont mal », a d'emblée prévenu le conférencier. « Quand la mystification et le mensonge sont érigés en principes, la nation tout entière se retrouve soumise à la tyrannie et à l'injustice », a-t-il dit. Sans trop faire dans le réquisitoire ou le constat factuel, celui que des lectures donnent comme sorti de sa réserve en perspective de nouvelles échéances politiques a beaucoup plus esquissé ce qu'il y a lieu de prendre comme les thématiques axiales d'une probable implication personnelle. D'abord, préconise-t-il en finir avec l'attitude prétentieuse qui veut qu'on n'apprend pas des expériences des autres et qu'on ne retient pas les leçons de son propre parcours. « Nous continuons à produire l'échec... Jusqu'à présent, on continue à ne pas se rendre compte que tous les choix faits depuis l'indépendance n'ont pas réussi parce qu'on a tout le temps oublié que le succès dépendait de l'épanouissement et de la liberté de l'individu. » Le propos amène M. Hamrouche à ce constat : « La politique et son exercice sont quasiment interdits dans le pays, à moins de rentrer dans les schémas arrêtés par les tenants du pouvoir. » Le conférencier relèvera lors des débats que le discrédit et la perversion entachent désormais dangereusement des concepts, des instruments de lutte et des institutions. « Nous avons certes des députés, mais nous n'avons pas de parlement. Des ministres, mais pas de gouvernement », ajoutera-t-il. « On a tout fait, poursuivra-t-il, pour que les syndicats aient l'image d'outils de troubles et de blocages. La liberté d'expression n'est agitée que pour contrecarrer la véritable liberté d'expression... » Toujours sur la question de la confusion ainsi créée sur la scène politique, le conférencier soutient qu'au sujet des réformes, concept qui colle à M. Hamrouche et ses partisans jusqu'à aujourd'hui, il fait lui aussi l'objet de grosses mystifications. « De quelles réformes parlent-ils aujourd'hui ? De celles imposées par les Américains sans doute, celles qui visent à démanteler le nationalisme arabe », a-t-il observé.