Le réalisateur algérien Mahmoud Zemmouri, auteur de films comme Les folles années du twist, L'honneur de la tribu ou encore 100% Arabica, revient avec un nouveau long métrage intitulé Beur, Blanc, Rouge, après une longue absence qui aura duré une dizaine d'années C'est le grand retour, après une longue absence... C'est dû à un scénario qui n'était pas prêt. Il fallait l'écrire. Puis surtout, comme je fais de la production, la réalisation et l'écriture, je mets plus de deux ans pour monter un projet. Doucement mais sûrement... Voilà ! Vous revenez avec un nouveau film Beur, blanc, rouge et vous avez tenu que l'avant-première internationale soit symboliquement à Alger, avant-hier à la salle Algeria... Oui, absolument. L'avant-première nationale en France sera étrennée le 17 mai. J'ai voulu cette avant-première mondiale à Alger parce que l'Algérie est coproductrice. On m'a beaucoup aidé sur ce film-là. L'ENTV, le ministère de la Culture, tous les organismes de cinéma... Puis, je me suis dit, c'est là qu'il faut faire la première. Beur, blanc, rouge est film triptyque de la déconfiture de l'intégration en France... Justement, le film parle de la crise identitaire de jeunes Français issus de parents immigrés. On ne les appelle plus les beurs. Cela traite de leurs difficultés d'insertion sociale en France et leur difficulté de venir en Algérie. Beaucoup d'entre eux hésitent mais aiment énormément l'Algérie, mythiquement. Certains n'ont jamais mis les pieds en Algérie. Leur contact avec l'Algérie est très difficile. Le point de départ de Beur, blanc, rouge avec le match France-Algérie. Une sorte de hooliganisme ou un rejet de la France ? C'est un rejet de la France parce que ces jeunes sont complètement exclus par la France. Leur exclusion engendre un refus de la France et ils ont trouvé un refuge, c'est le pays de leurs parents. Avant, c'étaient les cités, maintenant, ils veulent tous défendre ce pays, par amour de leurs parents. Le match était une tribune pour une expression directe... Huer la Marseillaise, c'est surtout un malaise communautaire. La Marseillaise a déjà été conspuée par les Corses, les Bretons lors d'une finale de la coupe de France de football, il y a deux ans. Le président Chirac y était présent et a même piqué une crise. Il avait fait un gros cinéma médiatique. Généralement, les services de renseignements généraux, en France, prévenaient le président comme quoi la Marseillaise allait être huée. Il était au courant... Mais cela obéit à des contingences électoralistes. C'était un signe avant-coureur des événements ayant secoué les banlieues françaises en 2005... Bien sûr ! Le match était un signe avant-coureur des événements des banlieues. Vous avez tout compris ! J'étais dans le stade et j'ai tout de suite compris que cela allait exploser un jour et c'est arrivé fin 2005 dans les banlieues. Ce match aura été la température de ce qui allait se passer. Etes-vous un cinéaste de l'émigration ? Je suis un cinéaste des deux côtés de la Méditerranée. Je me considère cinéaste français comme cinéaste algérien aussi, parce que je traite beaucoup des problèmes entre les deux rives. Reviendrez-vous un jour à cette adaptation au grand écran de la littérature algérienne comme vous l'avez fait avec L'honneur de la tribu de Rachid Mimouni ? J'adore Rachid Mimouni. C'est vraiment un grand écrivain algérien. Malheureusement, je me suis rendu compte que quand je ne suis pas l'auteur d'un scénario, créant un histoire, il m'était difficile de le faire admettre au public. Je sais dans mon cinéma ce que veut le public. Surtout la dérision, l'humour... Donc, je n'ai pas les mains libres en adaptant un livre. Maintenant, je préfère écrire mes propres scénarios et les faire moi-même et faire plaisir à mon public. Un gros public de l'émigration, toute la communauté (maghrébine). Et quel est ce scénario qui est en chantier ? Je suis en train de travailler sur un scénario qui traite, justement, de la colonisation positive (rires). Pour moi, c'est de la colonisation négative, parce que la colonisation, je l'ai vécue. J'avais 8 ans quand la révolution a commencé. J'ai élaboré une trame que j'ai présentée à toute les instances françaises et européennes pour avoir une aide à l'écriture. ça été refusé. Votre scénario dérange... C'est pour vous dire que le sujet est tabou côté français. Il y a une espèce de collaboration européenne avec la France. Je pense qu'un tel sujet, si l'Algérie tient à cette idée de colonisation négative, c'est elle qui devrait financer un film comme cela. En dinars, cela ne représente rien par rapport aux dépenses inutiles qu'on fait ici. Dernièrement, vous avez joué sous la direction de Steven Spielberg dans le film Munich... J'y ai interprété le rôle d'un Libanais, sauf que le film, en final, faisait trois heures. Steven Spielberg l'a réduit à 2h40. Donc, je paraît très peu dans le film. Mais j'ai passé quand même quinze jours avec Spielberg, à Malte. C'était vraiment extraordinaire ! Je n'en revenais pas en voyant les moyens que peuvent mettre les gens dans les films. Cinq cameramen, trois chefs opérateurs, une équipe de 180 personnes. J'ai ressenti à la fois un étonnement, une émotion terribles et un complexe par rapport aux moyens du film Munich (rires). Mais pour vous dire, il y a eu un espèce de feeling entre nous et il m'a dit : “Vous avez une tête tellement sympathqiue que je me demandais comment allonger votre rôle dans le film...” Cela a été vraiment formidable. Donc, il y aurait un projet dans l'air... Je pense lui envoyer mon prochain scénario sur la guerre d'Algérie inch'Allah. Je crois qu'il le prendra positivement.