C'est le tube de l'été. Hchich & pois chiches. Cela donne en traduction simplifiée, «fines herbes et pois chiches». Le morceau, composé et écrit par le jeune Ahmed Djamil Ghouli, chanteur et leader de Djmawi Africa, fait partie du dernier album du groupe, Avancez l'arrière, sorti cette semaine en Algérie chez Padidou (www.djmawiafrica.com). Dimanche soir, à la salle Ibn Khaldoun à Alger, les fans de Djmawi Africa étaient nombreux a apprécier cette chanson sur scène. «Salam alikoum!», Hichich & pois chiche commence comme une histoire. Celle d'un jeune sans le sou qui vit dans un quartier populaire et qui évoque l'amour impossible avec une fille d'un milieu aisé et soyeux : «Hiya aicha fi rich oua naya achaya hchich ou pois chiche» (Elle vit dans le coton et moi je dîne avec des fines herbes et des pois chiches). On retrouve mélangées plusieurs sonorités dans ce titre qui, dans l'album, débute avec les bruits d'une rue. «C'est de la réalité algérienne ! N'importe quel jeune algérien qui reste dans la houma va se reconnaître dans cette chanson. Un jeune qui essaie de trouver des choix dans sa vie. Partir ailleurs ou se marier. C'est la chanson la plus vue et plus écoutée sur internet. A la base, c'était une improvisation. Nous avons arrangé le morceau pour en faire une chanson», a souligné Ahmed Djamil Ghouli. Il y a un peu de chaâbi, du moderne algérois, du diwan, de l'oriental et… un petit esprit de Gnawa diffusion. Avancez l'arrière est un autre titre dans lequel les cuivres sont appuyés par une bonne rythmique avec un doux parfum africain dans une sauce reggae. «Hada fouk hada, al akliya kouré… » (entassés l'un sur l'autre comme dans une écurie... fonce, pousse, il n'y a pas de limites). Plus loin, la chanson prend la forme d'une protest song : «rana retard à cause de deux mots bizarres : avancez, avancez l' arrière, zid avancez ! Chauffeur decida wahdou…». Deux mots inventés par les receveurs de bus algériens… «Nous avons résumé un certain état d'esprit avec le titre Avancez l'arrière. Au premier degré, ça évoque un bus. Le terme ‘‘avancez l'arrière'' est algérianisé. Seuls les Algériens peuvent comprendre le sens. On peut imaginer que le bus représente l'Algérie…», a noté Ahmed Djamil Ghouli. «Wach rak chayfna ya chauffeur ?» (Vous nous prenez pour qui chauffeur ?), la chanson Avancez l'arrière, écrite par Fethi Nadjem, violoniste du groupe, semble porter la colère diffuse d'une jeunesse qui se rend compte que les pannes de l'Algérie d'aujourd'hui ne sont pas uniquement mécaniques ! Il y a aussi Bezzef, demandé par le public de la salle Ibn Khaloun. Une chanson vivace avec une sympathique coloration de rock celtique. Et dès le début, on comprend l'enjeu : «ooh, bezzef el hoss» (Trop de bruit !). Le ras-le-bol. De presque tout : les feuilletons turcs avec la «Mohanedmania», la fausse beauté, les coureurs de jupons, les arrivistes («el krouch smina», les gros ventres), la crise de logement, la bureaucratie, le chômage, la tchipa, l'injustice… Bref, un puissant coup de pied dans le tas ! «Bezzef el hogra, hagrouna». La fin de la chanson exprime ce mécontentement. Dans le style Saf, Djamawi Africa a interprété Ya dellali pour souligner la volonté de s'ouvrir sur la diversité musicale algérienne. Et pour la première fois, Djmawi africa a interprété une chanson en français, La main froide. «La main froide évoque l'autorité. C'est une main qui étouffe les gens et qui les empêche de s'exprimer», a relevé Ahmed Djamil Ghouli qui joue du gumbri et de la guitare acoustique également. Il était accompagné sur scène par Fethi Nadjem à la mandole, au violon et au kora, Abdou El Ksouri, à la guitare électrique, Karim Kouadria, à la basse, Zoheir Ben Larbi à la derbouka et au guellal, Nazim Ziad à la batterie, Mohamed Shihadeh à la clarinette et au saxophone. Le groupe a entamé son concert par Ahallil, une chanson plongée dans un savant dosage reggae-rock inspiré des chants spirituels du Touat-Gourara. A la fin du concert, le groupe a repris en lui donnant une autre couleur, le Qcid Berrani Ghrib de Kaddour Ben M'Saïb. L'album Avancez l'arrière contient aussi une chanson hommage à des personnalités africaines, Manayo tribute. «Nous voulons rendre hommage à des personnalités légendaires telles Lumumba, Sankara, Ben M'hidi, Boudiaf, Abane, N'Kuruma, Mandela, Fanon… Des personnalités qui ont marqué l'histoire du continent», a soutenu Ahmed Djamil Ghouli. Avancez l'arrière est le deuxième album de Djmawi Africa après Mama en 2008. A voir la parfaite prestation sur scène et la composition musicales des chansons, des textes choisis, le nouvel album de Djmawi Africa est celui de la maturité d'un groupe qui ne cesse d'étonner. «Ces quatre dernières années, nous avons voyagé, rencontré des groupes, découvert des instruments, des sonorités…Tout cela se retrouve dans le nouvel album», a relevé le chanteur du groupe.