- L'attaque au gaz neurotoxique, menée à Damas mercredi dernier, vous a incité à pointer du doigt la communauté internationale. Pourquoi ? J'accuse les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Chine d'être partenaires avec cet assassin qui n'est autre que Bachar Al Assad. Le silence de la communauté internationale est une trahison à l'Etat syrien, un Etat membre des Nations unies. Je dis Etat et non régime ! La France est doublement responsable, puisqu'elle est membre du Conseil de sécurité de l'ONU. La France a toujours eu des rapports avec la Syrie, d'abord pendant le mandat français, puis en plaçant au pouvoir le père de Bachar, puis ce dernier. Le 14 juillet 2008, Sarkozy a déroulé le tapis rouge à un assassin, au même moment où Bachar commettait des génocides dans les prisons du pays. - Les armes chimiques sont une nouvelle donne dans le conflit syrien. Comment l'ASL réplique-t-elle ?
Nous combattons avec des armes moyennes et légères, aucune aide ne vient des Occidentaux. Nous avons récupéré nos armes à partir des combats, ou achetées au marché noir, et avec l'aide de quelques pays arabes. L'Occident veut la chute de l'Etat syrien ? Ne nous voulons pas la chute de l'Etat syrien, mais la chute du régime. Si la France et l'Europe craignent pour leur sécurité et leurs intérêts au Proche-Orient, elles doivent réagir en partenariat avec le peuple syrien, et non par une intervention anarchique. - Que pensez-vous des propos du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, réclamant une «réaction de force» ?
La communauté internationale et les cinq pays membres du Conseil de sécurité n'arrivent pas à sortir de l'hypocrisie et des mensonges. On leur demande d'être à la hauteur de leurs responsabilités. Nous demandons à ces pays, ainsi qu'à l'Iran, de cesser le sacrifice de nos enfants. Nous avons plus de 10 millions de Syriens réfugiés, sans parler des bâtiments détruits quotidiennement sous le feu des bombardements, ni les prisonniers, les disparus et encore moins les morts. Nous voulons de l'action pas du «blabla». Je rappelle à la France sa révolution et ses valeurs républicaines, pour souligner que le peuple syrien s'est également révolté pour les mêmes valeurs. - Abandonnée, selon vous, la Syrie l'est-elle également par les pays arabes ?
Pareil ! Le silence des gouvernements arabes est une honte qui entache le monde arabo-musulman. Le peuple syrien est livré à lui-même, alors qu'il a toujours été aux côtés de toutes les révolutions arabes. Je dis «peuple» syrien et non le régime syrien. - Qui assassine en masse les Syriens ?
Ce n'est certainement pas l'armée régulière syrienne, mais les milices et mercenaires à la solde de Bachar Al Assad. - D'où viennent ces milices ?
D'abord du Liban proche, par le Hezbollah, de l'Irak par les chiites irakiens extrémistes, les terroristes implantés par Bachar Al Assad et l'Iran. Ajoutez les combattants qui viennent de l'étranger afin de se battre. Nous leur demandons de quitter immédiatement notre territoire, nous n'avons pas besoin de leur soutien, encore moins des combattants extrémistes et terroristes. - Et les terroristes extrémistes sur le sol syrien ?
Il faut savoir que trois mois après la révolution syrienne, Bachar Al Assad a libéré 500 prisonniers islamistes, la majorité appartiennent à Al Qaîda, l'un d'entre eux est Abou Moussab Al Souri, recherché par la communauté internationale. L'Iran a fait libérer des mercenaires des prisons irakiennes pour les envoyer en Syrie. Le régime syrien a installé Al Qaîda en Syrie et diabolisé notre mouvement. Nous sommes en conflit avec des groupes terroristes lourdement armés pour nous écraser et nous massacrer. Ils doivent quitter notre pays, car après la chute de Bachar, ils n'auront pas leur place. - Les instances internationales dépêchent, depuis des mois, des observateurs en Syrie. Croyez-vous que cela changera la situation ?
Dans le monde occidental, tout le monde se mobilise pour une fusillade à l'encontre de leurs enfants, pourtant personne ne se mobilise pour nos enfants égorgés quotidiennement. Le peuple syrien est orphelin et ne doit son salut qu'à lui-même. Il faut une intervention militaire, hors des prérogatives du Conseil de sécurité, qui mettra fin aux souffrances du peuple syrien. La pression doit être mise sur le Hezbollah, l'Irak et l'Iran pour qu'ils retirent leurs combattants en Syrie. Ils espèrent transformer le conflit syrien en guerre entre sunnites et chiites. La révolution syrienne n'est pas une révolution confessionnelle. Nous nous battons pour la liberté et la dignité. Bachar Al Assad a envoyé à deux reprises des armes chimiques au Hezbollah libanais. Quand le danger se fera sentir, les Etats-Unis et Israël réagiront avec la bénédiction de la communauté internationale. - Pensez-vous que Lakhdar Brahimi, l'émissaire spécial des Nations unies et de la Ligue arabe pour la Syrie, solutionnera la crise ?
J'ai rencontré, l'an dernier, Lakhdar Brahimi, au nom du commandement conjoint de l'Armée syrienne libre, il était très clair pour réfléchir sur «l'après-Bachar Al Assad». Le rôle de Brahimi n'a pas encore débuté, il commencera après la chute de Bachar Al Assad. La crise syrienne se soldera par une solution politique, mais après l'inévitable solution militaire.