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Lisa See, fleur de neige
Le Nu Shu, langage secret des femmes
Publié dans El Watan le 18 - 05 - 2006

Los Angeles est une mégapole, toujours égale à elle-même, une ville qui ne cesse de nous faire frémir de beauté à chaque passage, de plaisir et d'étonnement. Un ciel bleu durant toute l'année qui fait rappeler les îles Caraïbes, une culture avant-gardiste qui n'a jamais cessé de se faire entendre et un désir permanent de renouveau.
Le théâtre Mann's Chinese Theater, au 6925 Hollywood Boulevard, est la présence culturelle chinoise la plus visible, mais pas la seule. Traversé par trois grandes rues de Los Angeles, Hill street, Brodway et Main Street, Le Chinatown est une ville dans une ville. C'est l'arrière-grand-père de Lisa See qui, quittant son village chinois natal au début du siècle, devint le parrain de cette ville qui marque la banlieue de Los Angeles d'une couleur asiatique vivace avec les secrets d'une société lointaine et un savoir-vivre remarquable. Lisa See, écrivaine américaine, vit aujourd'hui à Los Angeles, ville d'adoption de son aïeul. Elle retourne sur les traces de la Chine du XIXe siècle, revisite un monde qui n'a jamais cessé d'exister dans le quotidien des Chinois et dans leurs mémoires, malgré la force d'une modernité peu câline, mais qui n'a pu bousculer définitivement un passé lourd de conséquences. Elle est l'auteur de La mort Scarabée (traduction, C. Lévy, 1998) et On Gold Mountain, livre mémoire sur sa famille, salué à sa sortie, par la critique littéraire ; et Fleur de Neige (traduction, Flammarion, 2006), un best-seller, traduit dans plus d'une vingtaine de langues. C'est un roman qui est né d'une expérience douloureuse et d'une grave maladie qui a marqué à jamais l'écrivain. D'ailleurs, Lisa laisse échapper un petit secret de son métier d'écrivain, elle travaille aujourd'hui sur un autre roman qui fonctionne avec les mêmes éléments et les mêmes ingrédients familiaux. Ce qui fait d'elle une écrivaine atypique, tiraillée entre deux rives lointaines et deux cultures, qui se croisent et s'entrechoquent. Fleur de Neige est l'histoire de deux filles, Fleur de Neige et Fleur de lys la narratrice. La première bourgeoise, la seconde elle n'a rien à offrir à son Laotong (âme sœur) que sa beauté et son éducation, certes dure, mais qui lui a appris l'endurance et la patience. Elles sont nées le même jour à la même heure, dans la province lointaine de la Chine du XIXe siècle. Elles doivent, pour avoir des pieds parfaits, suivre la tradition du supplice des pieds bandés. Les moments de douleurs effroyables leur permettent de mettre en action le Nu Shu, le langage des femmes, qu'elles avaient appris. Une amitié sans limites s'installe entre eux. Elles deviennent des inséparables ; jusqu'au jour ou Fleur de Lys découvre la trahison de son amie Fleur de Neige. Le grand amour se désintègre vite, laissant place à une jalousie infernale qui va jusqu'au bout de sa propre logique. Tout se passe dans la Chine impériale où les traditions sont presque lois de la nature que personne ne peut entraver. Vieille, Fleur de Lys se souvient de sa relation et de tous les petits détails de cette relation qui a tout expérimenté, l'amour charnel, la poésie et la force de l'âme. Dans sa narration bien bâtie, elle se présente ainsi : « Mon nom est Fleur de Lys. Je suis venue au monde le cinquième jour du sixième mois de la troisième année du règne de l'empereur Daoguang. Puwei, mon village natal, est situé dans le district de Yongming, le district de la lueur éternelle. » (Fleur de Neige p :17) pour bien saisir la portée de l'histoire, Lisa See installe son roman sur le mode du flash-back où défile, sous nos yeux, une vie perturbée et pleine de détours et de douleurs. La vieillesse fait de Fleur de Lys une femme qui ne lui reste plus grand-chose à perdre, plutôt gagner sa mémoire et celle des femmes qui l'ont toujours entourée : « Je suis bien trop vieille pour méconnaître mes qualités et mes défauts, qui se sont bien souvent confondus au cours de mon existence. Toute ma vie, j'ai attendu l'amour. Je savais qu'il était indigne de ma part - aussi bien dans ma jeunesse que dans mes années de maturité - d'espérer une chose pareille. Mais tel fut pourtant le cas : et ce désir sans fondement a été à l'origine de tous les problèmes que j'ai rencontrés » (Fleur de Neige, p : 9). Fleur de Lys vient d'une tradition ancestrale de l'Asie orientale ; elle porte en elle toutes les douleurs d'une Shéhérazade face, cette fois-ci, à elle-même. Fleurs de Neige n'est pas une amie qui termine en ennemie, mais un miroir narcissique, un reflet de tous les refoulements mal exprimés ou endormis. A travers Fleur de Neige, Fleur de Lys raconte son autre moi, interdit d'accès à la liberté, capable de dire la fatalité humaine du malheur malgré le bonheur apparent. Proie à ses propres démons, ses désirs, la perte de sens auquel elle a fait confiance à un moment donné de sa vie, elle fraie un chemin dans le conte pour pouvoir continuer à vivre. Le Nu Shu, langue secrète, est sa façon discrète de dire tout simplement la vie. Mais, hélas, la blessure et l'aveuglement narcissiques sont là pour remplacer l'éros par un Tanatos destructeur. La rédaction de ses confessions ou celles des femmes qui l'ont tout le temps entourées ne fait qu'aggraver ce désir invisible d'autodestruction. Plus important encore, ma tante commença à m'apprendre le Nu Shu. A l'époque, je ne comprenais pas pourquoi elle s'intéressait particulièrement à moi. Comme une idiote, je me disais que je devais peut-être donner le bon exemple à Belle Lune. Si celle-ci s'appliquait à son tour, elle parviendrait à faire un meilleur mariage que sa mère. (Fleur de Neige p 41). Fleur de Lys plonge dans les autres pour oublier la douleur provoquée par le bandage qui lui a fait perdre sa sœur cadette, mais aussi oublier la trahison insupportable de son ami Fleur de Neige qui lui a fait découvrir les délices du Nu Shu mis en pratique sur son propre corps. « Elle lécha à nouveau son doigt, tout aussi gracieusement que la première fois. Dès que je sentis ce contact humide sur mon ventre, je ne pus m'empêcher de fermer les yeux. J'avais le souffle coupé et une impression de lourdeur avait gagné l'ensemble de mon corps ». Ce n'étaient pas seulement des gestes mais des mots qu'elles découvrirent ; ainsi l'écriture s'installe et le poème prend forme. Fleur de Neige n'est pas seulement un roman d'amour où s'entremêlent langage du corps et passions poussées à leur paroxysme, mais un conte, une fable pleine d'enseignements et de leçons. Lisa See, qui partage une partie de son nom avec son héroïne (Lisa et Lis), plonge dans une vie dont les éléments narrés ne sont pas loin de l'autobiographie. C'est plus qu'un roman, c'est un souffle de bonheur malgré le tragique de la fatalité qui le traverse.

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