Par le hublot de l'avion du vol régulier Paris-Pékin rien ne transparaissait en contrebas. Pourtant du haut-parleur de la cabine, la voix grésillante de l'hôtesse venait d'annoncer un atterrissage imminent sur la piste de l'aéroport international de la capitale chinoise. Une brume épaisse enveloppant le petit matin pékinois empêchait, en effet, de distinguer le relief terrestre, guetté par les passagers. Un visiteur averti, assis à côté, nous informe des spécificités atmosphériques de cette mégapole forte de 20 millions de résidants permanents et ceinturée de milliers d'usines polluantes. « Plus que d'autres villes chinoises, Pékin est hyperpolluée. Cependant, joutes olympiques obligent et depuis quelques mois, des mesures de délocalisation de nombre d'usines ont été prises. Mais le résultat n'est pas pour autant brillant », nous dit notre aimable voisin. Les autorités centrales ont fait de gros efforts pour satisfaire aux conditions imposées par le Comité international olympique (CIO) et ont indiqué que si la situation ne venait pas à s'améliorer au début des jeux, elles prendraient des mesures radicales (fermeture d'unités de production polluantes et restriction de la circulation automobile, entre autres). Immense chantier depuis une douzaine d'années, la ville s'est douloureusement défaite de ses « hutongs » (vieux quartiers traditionnels constitués de maisons basses et de ruelles étroites) au profit d'un style urbanistique éminemment américanisé, c'est-à-dire arrogant et aérien. Des buildings par dizaines, se différenciant notablement les uns des autres, semblent se disputer un émérite concours d'architecture. Avec un design agréable, ces colosses de béton et de verre jettent leurs pieds dans des plateaux de verdure luxuriante, bordés d'accotements larges, ordonnés et dallés de matériaux nobles ou parfois parés du meilleur marbre. De l'aéroport à l'hôtel, puis de l'hôtel jusque dans les dédales de la cité, les rues adjacentes aux lumières éclatantes le disputent aux larges avenues autoroutières. Votre serviteur n'a malheureusement pas la plume suffisamment talentueuse pour vous restituer textuellement les images éblouissantes d'une capitale qui l'a surpris et ému au plus haut point. Comme tous les visiteurs non avertis, il aura commis l'impair de s'attendre à une ville « banalement chinoise », c'est-à-dire très « terre à terre », faite de maisons basses, de ruelles sales dominées par la gouaille assourdissante d'une agglomération qu'on devinait, à tort, surpeuplée et pesante. C'est ce que nous ont toujours inspiré les descriptions réductrices des médias occidentaux. La découverte d'un milieu pékinois urbain aéré, agréable, dominé par une architecture d'ordre au style futuriste et joliment égayé de parterres fleuris en nombre époustouflant, donne à constater que le Pékin d'aujourd'hui n'a rien à envier à Washington, Berlin, Los Angeles, Montréal ou Sydney. Partout, les panneaux publicitaires, immenses et lumineux, ont remplacé les vieux placards de la propagande nationaliste vantant la gloire de Mao et les acquis de la révolution chinoise. Le bleu du ciel Les Jeux olympiques ont contribué à hauteur d'une enveloppe de 16 milliards de dollars à améliorer le cadre de vie de la capitale chinoise, à la grande joie de ses résidants, même si certains d'entre eux ont été malheureux de se voir arrachés à leurs quartiers séculaires, restructurés par la suite en constructions modernes. Les Pékinois ont troqué leur costume traditionnel cher à la révolution maoïste (que nous appelons chez nous le « bleu shangaï ») pour un accoutrement très occidentalisé. Moins de vélos dans les rues et beaucoup plus de voitures particulières que par le passé, où, il y a une trentaine d'années à peine, seuls les officiels et cadres du parti utilisaient ce moyen de locomotion. Aujourd'hui, la circulation automobile, dense dans de nombreux endroits de la capitale, (les autoroutes pékinoises n'ont rien à envier par leur qualité aux voies express européennes), participe elle aussi à rendre l'air largement pollué, même si les normes des véhicules sont devenues les mêmes qu'en Europe. Si des efforts importants ont été faits (des centaines d'usines, utilisant le charbon comme source d'énergie, ont été fermées jusqu'au 25 septembre), la pollution est restée le seul aspect négatif de notre séjour. Souvent, la visibilité est réduite à moins de 200 m et le bleu du ciel ne vous apparaît que lorsque vous vous déplacez en lointaine banlieue. Les organisateurs de ces JO ont promis un ciel moins sombre au début des jeux : à confirmer. Mais, promet-on à l'endroit des visiteurs du monde entier, que ce soit à Pékin ou dans toute la Chine, la beauté du ciel sera dans les cœurs. Ces Asiatiques aux particularités multiples ont été instruits par un guide mis à leur disposition sur l'amabilité et l'hospitalité dont ils sont tenus de faire preuve durant les Jeux olympiques à l'égard des étrangers. Les Chinois, à la gentillesse naturelle et à l'hospitalité millénaire, avaient-ils besoin qu'un fascicule vienne le leur rappeler ?