De la guerre des mots, les Palestiniens du Hamas et du Fatah sont en passe, si ce n'est déjà fait, de se diriger vers une guerre, où seule Israël pourra compter les coups. Il ne s'agit plus de chercher un quelconque impact psychologique, mais d'occuper l'espace et la rue comme viennent de le faire les éléments armés du Hamas constitués en nouvelle force de sécurité. Depuis mercredi dernier, les écarts et même les morts sont enregistrés, mais ce qui s'est passé hier constitue à coup sûr un dérapage d'une tout autre nature, puisqu'il y a eu préméditation et intention de tuer le chef des services de renseignements palestiniens. Ce dernier, Tarek Abou Rajab, a été sérieusement blessé hier dans un attentat à la bombe, mais un de ses gardes du corps a été tué, ce qui fait craindre un embrasement général de la bande de Ghaza. Huit autres personnes ont été blessées dans l'attentat survenu sur fond de tensions croissantes et heurts sporadiques entre forces loyales au Fatah du dirigeant Mahmoud Abbas et militants du mouvement Hamas. « Tarek Abou Rajab a été sérieusement blessé. Il se trouvait dans un ascenseur quand l'explosion a eu lieu », a affirmé une source de renseignements, en parlant d'une « tentative d'assassinat ». « Sa vie n'est pas en danger », a dit Bakr Abou Safia, chef des services d'urgence de l'hôpital Chiffa. Son garde du corps et neveu, Ali Abou Hassira, a été tué dans l'explosion, selon une source médicale à l'hôpital Chiffa. La plupart des huit autres blessés, dont deux sont grièvement atteints, sont des gardes du corps de M. Rajab, selon une source médicale. L'attentat a visiblement été bien préparé : au moment où le chef des renseignements était dans un ascenseur avec ses gardes du corps et s'apprêtait à quitter le QG, une bombe, vraisemblablement placée sous la cage, a explosé, selon des sources proches des services de renseignements. Preuve de cette préméditation, et pour les auteurs de cet attentat d'atteindre leur cible, quelques minutes plus tard, alors que des membres de la sécurité palestinienne transportaient Abou Rajab à l'hôpital, leur convoi blindé a essuyé des tirs d'inconnus, a affirmé une source sécuritaire. L'attentat n'a pas été revendiqué, mais ses effets peuvent être immédiats et ravageurs sur l'unité des Palestiniens. « Nous nous vengerons des traîtres », ont ainsi crié des centaines de partisans du Fatah en tirant en l'air, lors des funérailles du garde du corps tué à Ghaza. « La tentative d'assassinat du chef des services de renseignements palestiniens Tarek Abou Rajab est une escalade dangereuse et une atteinte à la sécurité nationale », a réagi Nabil Abou Roudeïna, porte-parole de Mahmoud Abbas, qui se trouve à Charm El Cheikh, en Egypte, où il participe à un forum économique. « Elle mènera à une dégradation de la situation dans les territoires palestiniens », a-t-il ajouté, précisant que M. Abbas avait ordonné la « formation immédiate d'une commission d'enquête ». Tarek Abou Rajab avait été nommé à la tête des Renseignements par M. Abbas en avril 2005. Il avait survécu en août 2004 à une tentative d'assassinat à Ghaza. Il avait été blessé par balle à la jambe et à la poitrine. Son chauffeur et un de ses gardes du corps avaient été tués dans une attaque contre son convoi. Cet attentat survient alors que les affrontements interpalestiniens se sont multipliés au cours des derniers jours. Dans la nuit de vendredi à samedi, trois Palestiniens ont été blessés à Ghaza dans des heurts entre la Sécurité préventive, fidèle au Fatah, et la nouvelle force paramilitaire du gouvernement, Hamas. M. Abbas a écarté un recours à la proclamation de l'état d'urgence, faisant valoir que « l'Autorité palestinienne n'a qu'une seule tête selon la loi et nous veillerons à ce qu'il en soit ainsi ». Reste à savoir quels moyens Mahmoud Abbas entend utiliser pour appliquer la loi comme il le dit, et aussi, si le Hamas acceptera de s'y soumettre. Ce qui, jusque-là, ne semble pas évident comme en témoigne la création de sa force de sécurité.