Dans le passé, on a volontairement mis en avant une seule civilisation à Cherchell, celle de l'ère romaine. Or, cette ville recèle des témoignages de plusieurs époques historiques. Il y a en effet une foule de valeurs à revendiquer sur le site. D'ailleurs, le site archéologique enfoui a conditionné l'urbanisme, les différentes voies qui ont été bâties les unes sur les autres, la formation de la ville et son développement à travers toute l'histoire. Les valeurs des patrimoines sont identifiées par la succession des héritages des civilisations qui sont passées par cette ville. L'Ilot du phare de Cherchell (Joinville) demeure à nos jours un lieu truffé d'histoire, qui résume tout le phénomène de stratification qu'avait subi tout le site de Cherchell. En effet, on y trouve les restes d'un habitat du IVe siècle avant J.C., les restes du phare de l'époque romaine qui se voulait être une copie du phare d'Alexandrie, les restes de l'époque ottomane qu'on appelait Bordj El Djazira, les restes d'un oratoire du saint Sid-Ali El Ferki, qui privilégiait l'isolement à la vie pour favoriser la méditation, l'actuel phare construit en 1881. Ce petit îlot constitue un lieu qui reflète parfaitement l'histoire de la ville de Cherchell, depuis que les premiers hommes avaient foulé le sol de l'antique Iol. Depuis le Ve siècle avant J.C., la ville de Cherchell avait fait face à un défilé d'occupations. Aujourd'hui, l'intérêt pour chaque citoyen de cette cité est de respecter plus ce patrimoine. L'existence de quelques vestiges et monuments en ville et dans ses environs illustre un bel exemple. C'est le cas des thermes de l'Ouest qui datent de l'époque romaine. Les Andalous, les Ottomans et les musulmans n'ont pas voulu démolir ce site pour libérer une assiette d'intervention pour une éventuelle construction. Par conséquent, la logique d'intégration des biens archéologiques dans la dynamique urbaine avait pourtant été respectée à cette époque-là, grâce à la sérénité et à la clairvoyance dans le raisonnement des gens de cette civilisation. En revanche, la colonisation française avait comme philosophie de base, la refondation de l'Empire français sur le territoire du Maghreb, afin de redonner un nouveau souffle à l'Empire romain, dans le sens où plusieurs terres avaient été récupérées, pour les exploiter par la suite à leurs intérêts. Quand les Français avaient conquis Cherchell le 2 mai 1840, ils ne sont pas arrivés à retrouver comme ils l'avaient prévu les grands monuments du site Césarée. Bien entendu, ils avaient retrouvé certains objets. Cet état de fait les a poussé à mener toute une campagne de fouilles par la suite, qui avait occasionné des rectifications dans l'urbanisme de la ville de Cherchell. Ainsi, tout ce qui appartenait à la période punique et musulmane avait été ravagé. Le forum de l'ancienne capitale de l'Empire de Maurétanie, qui était enfoui, n'avait jamais pu être découvert par les colons français. Une partie de ce fabuleux forum avait été finalement mise à jour par une équipe d'archéologues algéro-britanique en 1977. La colonisation française, qui voulait reconstituer l'image du véritable forum de la ville en fin de compte, n'avait pas trouvé mieux que de créer une place dite « romaine », pour décorer ce grand espace avec des pièces récupérées sur l'ensemble des sites archéologiques de Cherchell à la suite de fouilles. Même les bâtiments qui arborent cette place romaine avaient été réalisés avec une architecture à consonance gréco-romaine. Il suffit de voire l'architecture de l'ancienne église qui se voulait être la réplique du temple Saturne de Rome (Italie), le musée qui ressemble à un type de villa romaine, même sa façade est construite pour représenter un présentoir. Cette mise en scène, selon notre interlocuteur, a été réalisée à d'autres fins idéologiques par la civilisation française. Le fort turc avait été totalement démoli à la suite des bombardements qui avaient eu lieu à la veille de la Première Guerre mondiale. A Cherchell, il y avait cinq mosquées avec leur minaret et deux autres sans minarets. On peut citer la mosquée aux 100 Colonnes construite en 1574 par Abou Ayad El Andaloussi et celle du marché, autrement il ne reste plus de traces pour les autres. La mosquée avait été transformée en un hôpital militaire par l'armée coloniale française, jusqu'à l'indépendance du pays. Le rempart de la ville de Cherchell, à l'époque andalouse (XVIe siècle), vient d'être constitué par le chercheur Youcef Chennaoui, à la suite de ses nombreuses recherches effectuées au niveau des bibliothèques européennes, dans le cadre de ses investigations universitaires. Soucieuse de préserver et de restaurer les monuments qui existent actuellement, en dépit du fait que beaucoup sont dans un état de dégradation lamentable, l'autorité de wilaya a quand même retenu en 2006 deux sites prestigieux, Cherchell et Tipaza, en attendant Koléa, pour réaliser le plan permanent de sauvegarde. En ce qui concerne le centre du site de Cherchell, il ne s'agit plus d'un classique plan d'occupation du sol (POS), car les outils traditionnels ne sont plus adaptés aux particularités des sites historiques, qui, il faut le rappeler, sont à composante archéologique, historique, culturelle et paysagère. Par conséquent, la dotation en instruments spécifiques est alors impérative. Désormais, le cadre juridique existe grâce à ce chapitre inhérent à la mise en valeur du patrimoine culturel. La loi de 1967 s'était limitée à l'identifier, le répertorier et le classer bien culturel. L'expérience avait démontré, qu'effectivement, il y avait un grand vide juridique en matière de prise en charge, de requalification et de mise en valeur du patrimoine archéologique. A travers les décrets exécutifs du mois d'avril 2005, une codification des personnes habilitées à intervenir sur patrimoines culturels a vu le jour. Dans le cas présent pour la wilaya de Tipaza, les experts se penchent sur les deux sites cités ci-dessus. Il s'agit d'un plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur des secteurs sauvegardés (PPSMVSS) et du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur des sites archéologiques (PPSMVSA). L'expert Youcef Chenaoui rappelle, pour l'anecdote, l'élaboration du plan permanent de sauvegarde du patrimoine de Tipaza sous l'égide de l'Unesco en 1992. « Certes, il y avait déjà le grand vide juridique en dépit de la volonté politique sur la mise en valeur et la préservation du site. Reposable au tiers, dit-il, en 1999, ce plan avait été approuvé et avait figuré dans le Journal officiel. Aujourd'hui, il s'avère que ce même plan n'est plus conforme à la réglementation du point de vue de son contenu. Il est considéré comme étant nul et non avenu, bien que ce plan avait défini les limites des surfaces afin de sauvegarder le site. Néanmoins, enchaîne-t-il, ce plan ressemblait à un générique », ajoute-t-il. La problématique du site de Cherchell est totalement différente de celle du site de Tipaza. Pour l'antique Césarée, il s'agit de la problématique archéologique urbaine. Ce n'est donc point la problématique du parc archéologique isolé. Ainsi, pour le site de Cherchell, il s'agit des monuments parsemés dans son tissu urbain. Il s'est avéré par la suite que le site de la médina de la ville (Aïn K'Sibah) avait été classé, sachant pourtant que l'étendue du site de Cherchell est plus vaste. Notre interlocuteur compte effectuer la révision du plan permanent de sauvegarde, afin justement de l'étendre sur toute la ville, allant de la porte de Ténès (Ouest) à la porte d'Alger (Est) qui avait totalement démolie au lendemain de l'indépendance du pays par les autorités locales. Le centre urbain de la ville de Cherchell du XIXe siècle sera doté du PPSMVSS, tandis que celui de la zone de Aïn K'Siba sera doté d'un plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur de sites historiques (PPSMVSH). Les deux instruments sont différents, mais demeurent complémentaires. L'objectif du PPSMVSH est la sauvegarde, la mise en valeur et la restauration, tandis que le PPSMVSS qui est à caractère aménagement urbain et gestion des nouveaux projets (nouvelles constructions), son objectif est de veiller au respect des cahiers de charges, dans lesquels seront inscrites toutes les recommandations relatives aux choix architecturaux, l'alignement et l'utilisation des matériaux. Youcef Chenaoui estime que le PPSMVSS est beaucoup plus simple par rapport aux PPSMVSA et au PPSMVSH. Si les deux derniers plans permanents sont à caractère de sauvegarde et de mise en valeur, le PPSMVSS intervient quant à lui dans la gestion. Pour le site du chef-lieu de la wilaya de Tipaza, la démarche est similaire. Il s'agit de son PPSMVSA qu'il faut réticuler dans le PPSMVSS. Les vestiges sont apparents alors que d'autres sont toujours enfouis sous le sol. C'est à partir de cette hypothèse, que s'impose la délimitation des zones de servitudes. Si dans le cas où les fouilles ne révéleront absolument rien, à ce moment, il y a lieu de livrer tout simplement ces espaces pour l'urbanisation d'utilité publique. Le concept du patrimoine a évolué dans les mentalités des gens dans le monde. Les plans permanents de sauvegarde réticulés dans les PDAU et les POS favorisent une dynamique dans la gestion urbaine, pour empêcher toutes les formes de muséification. Youcef Chenaoui milite pour la revitalisation des centres historiques. « Les expériences dans le monde avaient démontré, dit-il, la faillite de cette solution dans ce sens, pour ne citer que Varsovie, où à partir de 18h, c'est le désert total en ville et au niveau des sites, car ils avaient déployé toute une batterie de contraintes et de restrictions pour préserver les monuments historiques », conclut-il. Tipaza était le prolongement de l'antique capitale de l'Empire de Maurétanie, Césarée. Tipaza fut un véritable foyer d'art et culture gréco-latine, où fleurissent des éléments de la culture numide. Tipaza avait été également un des grands foyers du christianisme africain. Depuis la fin de l'année 2004, les responsables de la wilaya de Tipaza, ont décidé de réagir en s'engageant sérieusement, concrètement et d'une manière pragmatique, dans la préservation des sites archéologiques et historiques, avec cet espoir de fournir des solutions adéquates en matière de sauvegarde des patrimoines culturels. Dans le cas de la concrétisation de ces plans permanents de sauvegarde, sans aucun doute, que les efforts qui seront entrepris permettent de rendre plus attractif les sites ciblés dans le programme de la wilaya de Tipaza. La préservation du patrimoine est avant tout une affaire qui concerne en premier lieu la société. Un patrimoine culturel parfaitement entretenu et intelligemment exploité créera naturellement les richesses et les emplois. La grande majorité des touristes des temps modernes ne désire plus voyager pour aller bronzer au bord des plages ou des piscines. Ils s'intéressent dans leurs aventures aux coutumes et us des régions du monde, aux paysages naturels, à l'histoire, aux traditions et aux monuments archéologiques des pays de la planète. Leur objectif, c'est d'abord la découverte du pittoresque et de l'authenticité des lieux. Deux pays méditerranéens, la Tunisie et l'Italie viennent de prendre de l'avance en matière de préservation des sites historiques. Les pays qui optent pour cette voie doivent consentir des investissements lourds. La rentabilité sera assurée à long terme sur le plan social. La mise en avant du patrimoine culturel constitue la voie excellente pour défendre son identité. La wilaya de Tipaza peut s'enorgueillir de la présence de ces multitudes de sites éparpillés non seulement sur son territoire mais également sous la mer, qui présentent des atouts sérieux, en plus de l'agriculture et de la pêche, pour son développement intégré et durable. L'Assemblée populaire de wilaya, qui vient de tenir sa session extraordinaire, vient d'adopter les plans permanents de sauvegarde et de mise en valeur des sites de Cherchell et de Tipaza. Tout un dossier relatif au développement urbain, à l'approche globale et intégrée, la préservation et la mise en valeur architecturale, la rénovation et la réhabilitation des tissus des différentes civilisations, la restauration, la conservation et la requalification des sites historiques et monuments culturels classés, la stratégie dans les nouvelles constructions et les perspectives dans les aménagements urbains qui tiennent compte de tous les risques, autant d'éléments qui nécessitent la conjugaison des efforts et des sacrifices, des concepteurs, des bâtisseurs et des populations de ces localités pour produire une autre image aux sites et rendre les villes au passé riche, plus attrayantes et accueillantes. Le bureau d'études algérien Cneru s'était illustré dans la présentation de ses travaux devant les membres de l'APW de Tipaza, en venant de s'engager dans des actions remarquables, qui ont suscité l'admiration et le respect des responsables locaux. C'est à l'administration de lancer l'opération de l'appel d'offres, tout en mettant l'accent sur l'implication du mouvement associatif et des citoyens pour garantir le succès à ce programme relatif à la préservation et à la mise en valeur des patrimoines culturels.