Annoncé avec insistance pour hier, le Conseil des ministres qui devait consacrer le retour de Bouteflika aux commandes de l'Etat ne s'est finalement pas tenu. Les raisons du report restent inconnues, mais tout porte à croire que l'état de santé du Président lui a fait rater cet important rendez-vous institutionnel. Le président Abdelaziz Bouteflika devait présider, hier à 15h, un Conseil des ministres. Les membres du gouvernement avaient tous, selon des sources concordantes, été convoqués la veille pour le rendez-vous tant attendu par les institutions de l'Etat, pour voir enfin l'activité institutionnelle déverrouillée, et par les partisans du quatrième mandat qui s'impatientaient de la rentrée politique désespérément souhaitée de leur parrain. Mais dès la matinée, la nouvelle de l'annulation du Conseil des ministres avait fait le tour des rédactions de la presse nationale. La réunion qui devait examiner des dossiers – 20 projets de loi – en suspens depuis l'accident vasculaire cérébral qui a frappé le chef de l'Etat le 27 avril dernier, et du très urgent traitement du projet de loi de finances pour 2014, qui attend depuis belle lurette lui aussi, a été reportée. Le gouvernement et la Présidence, qui n'ont pas communiqué officiellement la tenue de la réunion, certainement à cause de l'incertitude qui entoure les rencontres officielles depuis la maladie de Bouteflika et surtout dans le but d'amortir les répercussions politiques d'un éventuel report, n'ont pas jugé utile d'expliquer pourquoi le Conseil des ministres, qui ne s'est pas tenu depuis mai 2012 (plus d'une année), n'a pas eu lieu. Le pays complètement bloqué Première hypothèse : le président de la République, vu l'état de santé qui est le sien et selon les bribes d'images que les Algériens ont vu de lui par le biais de l'ENTV, arrive difficilement à mouvoir sa main droite et semble également dans l'incapacité de parler normalement, ne pourra présider une telle réunion. Des rumeurs alarmantes disent que l'état de santé de Abdelaziz Bouteflika n'a pas évolué, voire se serait détérioré ces derniers jours et il ne peut animer une réunion de Conseil de ministres. Ses médecins, selon des confidences rapportées par un confrère, lui ont déconseillé carrément de présider une telle rencontre pour la simple raison qu'une éventuelle situation émotionnelle est susceptible d'aggraver son cas. Officiellement donc, les Algériens, qui ont le droit de connaître l'évolution de l'état de santé du Président, peuvent attendre. Et logiquement, en l'absence d'une communication institutionnelle digne de ce nom, l'annulation de la réunion du Conseil des ministres ne peut avoir d'autre explication que l'incapacité physique du chef de l'Etat. Une incapacité physique qui tient en otage le pays, qui se retrouve totalement bloqué depuis l'AVC dont a été victime le locataire d'El Mouradia, mais qui fonctionnait déjà dans l'à-peu-près depuis sa première évacuation pour une maladie qu'on ignore encore aujourd'hui à l'hôpital militaire parisien Val-de-Grâce, au début de son deuxième mandat, en 2005. Annulation ou report du Conseil des ministres, peu importe, le plus grave est l'inertie qui frappe les institutions de l'Etat. L'Assemblée populaire nationale (APN) continuera à chômer comme elle le fait depuis plus d'une année. Son bureau, qui avait programmé une réunion, aujourd'hui, pour recevoir les projets de loi, notamment celui concernant la loi de finances pour 2014 que le Conseil des ministres devait examiner et adopter hier, n'aura rien à se mettre sous la dent. Amorphe et totalement bloqué depuis des mois, le pays, que l'intense activité du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, n'a ni déverrouillé ni rassuré, continuera à vivre dans l'incertitude, à six mois seulement de la très importante élection présidentielle de 2014. Si celle-ci a lieu. Intrigant est ce qui s'est déroulé en Algérie depuis fin août jusqu'à hier. Comment le Président qui a bouleversé les esprits, dérouté les plus avertis des analystes politiques en effectuant un remaniement gouvernemental spectaculaire, une tapageuse restructuration de certains services de l'Armée nationale populaire (ANP), notamment le Renseignement, ne puisse pas présider un simple Conseil des ministres ? Les décisions prises ces dernières semaines auraient certainement nécessité de la réflexion, de la concertation, de longues discussions et donc énormément d'efforts qu'un Président aussi fatigué par la maladie n'aurait pas pu consentir. C'est sans aucun doute au-dessus de ses moyens. Sauf si les chamboulements opérés ont été le fruit d'un coup de tête, d'une avidité de pouvoir, d'une ambition enfouie de longue date qui a surgi à la veille de l'élection présidentielle pour assurer la continuité du clan. Ultime interrogation : qu'est-ce qui motive en réalité ceux qui sont en train de faire campagne pour un quatrième mandat présidentiel pour un chef d'Etat que tout le monde sait malade et physiquement incapable de gérer les affaires d'un pays en crise ?