Les lois de la rumeur, de la spéculation et même de la manipulation sont devenues le «mode de gestion» des affaires politiques du pays. Jamais une élection présidentielle n'a été entourée de tant de bruit, de rumeurs, de spéculations, d'intox et d'incertitudes. A moins de sept mois de l'échéance décisive d'avril 2014, rien n'est encore clair en ce qui concerne l'organisation de cette échéance. La classe politique, les observateurs et les analystes politiques baignent dans un flou total, en manque d'indicateurs sur les vraies intentions du système politique. A telle enseigne que le plus vieux parti de l'opposition, le FFS en l'occurrence, ne veut émettre aucune position, ni aucune proposition tant que la position du pouvoir n'est pas connue. «On ne va pas quand même abattre nos cartes maintenant alors qu'on ne sait pas encore s'il y aura ou pas d'élection présidentielle en 2014», a déclaré, mardi dernier à L'Expression, le premier secrétaire national du parti, Ahmed Batatache. Et comme la nature a horreur du vide, dans un contexte où le système politique ne permet aucune visibilité et ne respecte aucun sens interdit, il ne reste alors aux analystes politiques que la spéculation induite par la rumeur. Report de l'élection, prolongation du mandat actuel de deux ans, option du pouvoir pour un 4e mandat au profit de Bouteflika...etc. Toutes les éventualités et les scénarii possibles, imaginables et inimaginables sont évoqués sur les colonnes de la presse nationale. Ces analystes ont, il faut le reconnaître, le mérite de prédire les conséquences de tous les choix, notamment ceux que le pouvoir semble avoir envisagé. Pour le moment, la classe politique est divisée en deux pôles principaux. Ceux qui demandent un 4e mandat au chef de l'Etat dont le FLN, le RND, le TAJ et le MPA et ceux qui s'y opposent, notamment les partis islamistes et le RCD qui exigent l'application de l'article 88 de la Constitution. Aucun parti n'a assumé, pour le moment, publiquement, la demande d'une rallonge de deux ans du mandat actuel même si cette option est de plus en plus avancée.Mais des voix s'élèvent pour s'opposer à toute démarche allant dans ce sens. Ahmed Adimi, colonel à la retraite et enseignant en sciences politiques à l'Université Alger III, Mohand-Arezki Ferrad, ancien député du FFS et Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication ont lancé une initiative contre la révision de la Constitution et la rallonge du mandat. En revanche, un seul petit parti, nouvellement créé, sans poids ni ancrage dans la société, a demandé le report de cette élection pour permettre aux nouveaux partis de s'y préparer. Il s'agit du parti El Karama présidé par l'ancien député Mohamed Benhamou, ex-transfuge du FNA. «Le déroulement de l'élection présidentielle à sa date l'année prochaine n'offre pas la chance aux nouveaux partis de prendre part à la compétition, surtout qu'ils avaient déjà participé aux législatives précédentes et n'ont pas réalisé de grands résultats devant les anciens partis», a-t-il expliqué mardi dernier à Mascara. Dans un contexte politique à la fois tendu et délétère, ce n'est pas uniquement la prochaine élection présidentielle qui est entourée de flou, de rumeurs et de spéculations. Même le projet de la révision constitutionnelle, annoncé depuis le 15 avril 2011, n'a pas échappé à ce nouveau «mode de gestion» des affaires politiques du pays. Après que les déclarations contradictoires à propos de la remise du rapport de la commission chargée de cette révision à Bouteflika aient atteint les hautes sphères de l'Etat, la création du poste de vice-président est sujette à polémique, alors même que l'opinion publique n'est pas encore fixée sur la révision ou non du texte fondamental. Y aura-t-il une révision de la Constitution avant l'élection présidentielle? Le projet sera-t-il reporté jusqu'à l'après-avril 2014? Tout est possible dans ce pays où les choses vont de plus en plus mal. La gestion de la tenue du Conseil des ministres dont la dernière réunion remonte à décembre 2012, est, elle aussi, confiée à la loi de la rumeur, de la spéculation et même de la manipulation, ces armes redoutables qui peuvent déstabiliser les sociétés. N'est-ce pas le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a reconnu, un jour, que «la rumeur détruit la société?» Annoncé plusieurs fois avant d'être annulé, le Conseil des ministres ne se tient toujours pas. Du coup, c'est toute l'institution législative qui est bloquée