Tout le monde en parle, mais personne ne sait quand elle interviendra, encore moins sa teneur. Mais une chose est sûre : le projet ou plutôt l'idée de révision de la Constitution – le contexte dans lequel elle va se faire, ses objectifs difficiles à déchiffrer – commence à faire face à un front de refus de plus en plus large. Parmi les plus farouches opposants à la modification de la Loi fondamentale et au quatrième mandat du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, plusieurs partis politiques, le groupe des 14 formations dont la réunion a été interdite la semaine dernière à l'hôtel Es Safir et des personnalités nationales, jusqu'à ses plus proches soutiens, à l'instar de la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, ce qui semble être un projet du président Bouteflika et de son entourage est rejeté par de larges pans de la société. Les observateurs de la scène politique se demandent d'ailleurs pourquoi les promoteurs de la révision constitutionnelle ne communiquent pas officiellement sur leurs intentions et pourquoi ne pas lancer un débat public sur l'utilité d'un tel projet à six mois de l'élection présidentielle prévue en avril 2014. Le président de la République, pensent certains, «aurait dû mettre tout de suite en pratique les réformes politiques annoncées dans son discours d'avril 2011, une période marquée par les événements qu'a vécus le Monde arabe». Quelle est la raison qui l'a poussé à attendre jusqu'à aujourd'hui pour décongeler son projet de révision de la Loi fondamentale ? Une question qui mérite qu'on s'y attarde. Doit-on rappeler alors la révision de la Constitution opérée en décembre 2008, qui a chamboulé finalement l'ordre institutionnel en cela qu'elle n'a pas été juste une simple réformette pour dérouiller le fonctionnement de l'Etat, mais une révision qui a touché aux équilibres des pouvoirs, voire une insidieuse manœuvre ayant permis au chef de l'Etat de briguer un troisième mandat présidentiel, puisque l'ancien texte fondamental en limitait le nombre à deux. Mieux, d'après les constitutionnalistes, la Constitution de décembre 2008 a compliqué la gestion des institutions alors qu'elle était censée les simplifier et les huiler. Concentrant tous les pouvoirs et les prérogatives, des plus «indélégables» aux plus anodins, entre les mains du Président, la Constitution révisée en 2008 aurait pu tout de même consacrer le principe de l'alternance. Il a été tout simplement supprimé, dans l'absolu, donner plus de lisibilité et de visibilité sur la responsabilité politique dans la gestion des affaires du pays. Seulement, la maladie du Président et sa santé chancelante ont bloqué le pays, quand bien même le Premier ministre Abdelmalek Sellal s'est affairé à meubler un vide institutionnel que personne ne peut nier. Et quand bien même il a cru bon affirmer que le Conseil des ministres n'était pas nécessaire alors qu'aucune loi, aucune décision ne pouvait s'appliquer sans la réunion de ce dernier. Le front du refus à la prochaine révision constitutionnelle, que certains prévoient à la fin du mois d'octobre, a des arguments en béton. Rien, dans le contexte qui est celui de l'Algérie aujourd'hui, ne justifie un tel projet, d'autant plus que les Algériens sont appelés à élire leur Président dans six mois seulement. Si le retour à la limitation des mandats présidentiels peut s'avérer opportune, ce ne serait que juste réparation du «viol légal» de la Constitution de 1996. L'institution d'un poste de vice-Président, comme répercuté dans certains journaux, appelle aussi à une autre interrogation : à quoi bon ? Certains analystes sont formels : «Les promoteurs du projets envoient un message clair que le chef de l'Etat ne compte pas prendre sa retraite au terme du troisième, la nomination d'un vice-Président viendrait donc pallier une éventuelle dégradation de son état de santé au cours du prochain mandat.» Tout ça pour ça ! Et les intérêts des tenants du pouvoir et de ceux qui ont tiré profit du règne du chef de l'Etat sont plus que jamais gardés. Reste à savoir si le front du refus de la révision constitutionnelle et du quatrième mandat pourra imposer son point de vue.