Pour cette constitutionnaliste, la révision de la Constitution doit avoir comme point nodal la clarification des équilibres des pouvoirs. Pour chaque pouvoir, relève cette constitutionnaliste, il faut qu'il y ait un contre-pouvoir, tel que l'impose le constitutionnalisme moderne. Le texte de loi portant révision de la Constitution, dont la rédaction est confiée actuellement à une commission d'experts, doit avoir comme point nodal, la clarification des équilibres des pouvoirs. C'est la priorité alléguée par Mme Fatiha Benabbou, professeur en droit constitutionnel, pour la confection de cet avant-projet de loi. Cette question a été toujours au cœur des précédentes révisions constitutionnelles notamment celle de 2008, souligne Mme Benabbou, où la relation entre le président de la République et le Chef du gouvernement a été clarifiée dans le sens du renforcement du monocéphalisme. Pour ce professeur, le chef de l'Etat endosse trop de responsabilités. Il serait donc plus judicieux, suggère-telle, d'arriver à rééquilibrer et de donner plus de pouvoir au Premier ministre afin qu'il puisse assumer la responsabilité de la politique de la nation. “Le constitutionalisme moderne demande à ce qu'à côté de chaque pouvoir puisse correspondre une responsabilité politique", avoue le Pr Benabbou lors de son passage hier sur les ondes de la radio Chaîne III. Le pouvoir judiciaire réclamé par certaines parties ne fait pas l'unanimité sur la scène politique du pays car, argue-t-elle, il doit requérir une véritable indépendance. “Un pouvoir judiciaire indépendant, ce n'est pas pour les beaux yeux d'une caste de professionnels. L'indépendance de la justice est un des réquisits de l'Etat de droit. Car l'on doit protéger les droits et les libertés fondamentales de l'individu, de l'homme, du citoyen. Et cette protection, seul un pouvoir judiciaire peut la garantir", estime-t-elle. “Prééminence du pouvoir présidentiel sur les autres pouvoirs" Or, le Pr Benabbou affirme que la justice algérienne n'est pas encore dotée de tous les instruments nécessaires pour qu'elle devienne indépendante. Cette constitutionaliste avoue que le régime présidentialiste, tel que celui exercé actuellement en Algérie, a pour base une prééminence d'un pouvoir sur les autres. “Ce sont des régimes constitutionnels. C'est la Constitution qui donne à un pouvoir une telle prééminence", explique-t-elle. Fatiha Benabbou pense que le régime parlementaire avec prééminence du Parlement ne peut être, quant à lui, une solution pour un pays. Car, argue-t-elle, dans pareil cas, l'on peut se retrouver avec 400 ou 500 députés dictatoriaux. Elle cite, à ce propos, l'exemple de la 3e et 4e Républiques françaises où le Parlement s'était adjugé voire accaparé la souveraineté nationale et s'est placé au-dessus de la Constitution. “Cela peut être dangereux pour le pays", avertit le professeur. Or, de nos jours, ce régime parlementaire dans lequel l'on a mis des garde-fous, a été rationnalisé. En termes plus clairs, ses compétences sont déterminées par la Constitution. Un pouvoir institué par celle-ci est donc soumis à elle. Interrogée sur l'opportunité de renforcer ou non le rôle et les prérogatives du Premier ministre dans la prochaine Constitution, l'invitée de la radio répond à la fois par l'affirmative et la négative. “Je ne peux pas répondre par oui et non. Je sais que l'institution du Premier ministre depuis 1979 a engendré une série de crises politiques", précise-t-elle. Il existe, selon elle, une tendance parlementaire et une autre présidentialiste. “L'article 87 est la pierre de touche du système présidentialiste avec lequel l'on signifie que le président de la République ne peut déléguer tel ou tel pouvoir." “Le régime algérien refuse l'existence de plusieurs centres de pouvoir" L'Algérie n'est pas, estime-t-elle, dans un régime qui accepte un polycentrisme, c'est-à-dire l'existence de plusieurs centres de pouvoir. Sur un autre registre, le Pr Benabbou demeure partisane du maintien du Conseil de la nation et de la création d'une vice-présidence afin, dit-elle, d'éviter les crises institutionnelles et autres turbulences sur le plan politique. Un vice-président doit exercer les fonctions d'un chef de l'Etat. Il doit continuer la fonction présidentielle. L'élire en même temps que le président lui donnera plus de légitimité. Pour cette révision constitutionnelle, les juristes, indique Mme Benabbou, vont parler d'abolition de la Constitution de 1996 en avançant comme argument l'illégalité de la procédure. Quelles nouvelles dispositions seraient introduites dans la prochaine Constitution ? Le Pr Benabbou estime que le sens de l'Histoire veut qu'on enracine davantage le principe de l'Etat de droit. Autrement dit, il faut aller vers la limitation de tous les pouvoirs, y compris ceux du peuple. Celui-ci “ne peut pas être absolutiste. Car, il risque de remettre en cause le multipartisme, les libertés et les droits fondamentaux de l'Homme...". Même s'il a une majorité au Parlement, “il ne doit pas décider de tout", déclare-t-elle. Pour chaque pouvoir, relève cette constitutionnaliste, il faut qu'il y ait un contre-pouvoir, tel que l'impose le constitutionnalisme moderne. “Un pouvoir judiciaire ou un contrôle juridictionnel ou constitutionnel peuvent assurer un tel contrepoids et remettre en place un pouvoir qui aurait dépassé ses limites", estime-t-elle. Par ailleurs, dans les précédentes Constitutions de 1963, 1976 et 1989, il y avait une illimitation des mandats. La disposition de limitation a été instaurée en 1996. En 2008, l'on est revenu sur cette question. Le Pr Benabbou avoue que le sens de l'Histoire veut que l'on aille vers plus de limitations. “C'est le principe même de l'Etat de droit", ne cesse-t-elle de répéter. B K Nom Adresse email